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Ouashington-Wagadougou : L’axe se réchauffe

Publié le dimanche 4 juillet 2004 à 13h11min

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Youssouf Ouédraogo
et Colin Powell

Après plusieurs années de léthargie, les relations américano-burkinabè semblent se réveiller. Quelques événements et annonces montrent que Washington et Ouagadougou reprennent un flirt interrompu depuis un certain nombre d’années. Juste un flirt parce que les relations entre les Etats-Unis et le Burkina n’ont jamais atteint l’ampleur de celles qui lient économiquement et diplomatiquement le pays des Hommes intègres aux pays comme le Danemark, la Belgique et l’Allemagne.

Le flirt avait été visiblement perturbé par la succession de régimes d’exception à des degrés divers. La première grande secousse est arrivée avec la Révolution d’août 1983. Avant de réaliser que cette révolution était plus économique que politique, Washington admettait difficilement qu’on parle de communisme et de centralisme démocratique vers la fin du 20e siècle, avec tout ce que cela pouvait impliquer comme relations diplomatiques avec des voisins sud-américains à "hauts risques".

On se souvient de ce couac politique dans la ville de Boromo, lorsque Thomas Sankara, en recevant les lettres de créances de deux ambassadeurs, dont celui des Etats-Unis, avait déclaré quelque chose comme ceci : "... Hommes, femmes de Boromo, aujourd’hui, vous recevez trois grandes puissances : les Etats-Unis et l’Allemagne, leurs puissances, et le Burkina Faso, notre puissance". Outré, l’ambassadeur tout neuf des Etats-Unis fit ses valises et rentra à Washington où Ronald Reagan ne l’attendait pas. Bien informé, le chef de l’exécutif américain renvoya le diplomate au Burkina. Incident clos. L’axe Ouagadougou-Washington reprit son train-train sans aucune ardeur. Mais la position géographique du Burkina est stratégique à plus d’un titre.

Ce qui faillit casser pour longtemps le lien entre les deux pays est l’assassinat de Thomas Sankara le 15 octobre 1987. Le lendemain, 16 octobre 1987, Washington et Paris furent les premières capitales à condamner ce coup d’Etat sanglant. Mais le temps a souvent raison de certaines positions et de certains sentiments. Quelques années après, tout reprit normalement entre les deux pays, sans jamais atteindre la température de relations entre les Etats-Unis et beaucoup d’Etats africains.

La troisième cassure entre Washington et Ouagadougou a trouvé le Liberia pour abri. Ni l’aide militaire accordée à Charles Taylor, ni les prises dans le fabuleux stock de diamant n’ont plu à Washington. Il a fallu des interventions de Paris et d’autres partenaires de l’Union européenne pour que les propositions américaines de sanctions ne passent pas à l’ONU, mais à la trappe. L’assassinat du journaliste Norbert Zongo, en décembre 1998, allait assombrir le ciel des relations entre les Etats-Unis et le Burkina Faso.

Depuis un certain temps, des signes de réchauffement sont visibles. Qu’a fait Ouagadougou pour séduire l’administration Bush, surtout en cette période de campagne irakienne qui voit Washington compter ses amis africains sur les doigts de la main ? Il est vrai que les Américains apprécient le dispositif sécuritaire burkinabè autour de leur ambassade à Ouagadougou. Les enfants de l’Oncle Sam aiment ces choses depuis l’attentat de Nairobi. Mais cela suffit-il ?

Dans son discours à l’ONU il y a quelque temps, Blaise Compaoré a vigoureusement condamné le terrorisme, même s’il a ajouté qu’il faut lutter contre les inégalités et toutes sortes de frustrations pour espérer l’enrayer. Mais cela suffit-il ? Le Burkina a été sollicité pour des missions de maintien de la paix ces derniers mois. Les succès enregistrés lors de ces missions ont beaucoup séduit. Il en résulte des retombées bénéfiques pour le Burkina pourvoyeur de main-d’oeuvre militaire.

Ces hypothèses - jointes au fait que le président du Faso est perçu, au regard de ses actions et de ses discours, comme le porte-parole des chefs d’Etat cotonculteurs - peuvent justifier cette nouvelle embellie dans les relations entre Ouagadougou et Washington. Mais il y a très certainement des dessous de cartes diplomatiques qui échappent au commun des Burkinabè.

En tête des récents signes de réchauffement de l’axe, la rencontre sur la biotechnologie organisée à Ouagadougou par le département d’Etat américain chargé de l’Agriculture. Un autre signe est la montée au créneau de nos personnalités politiques. C’est le cas pour le président de l’Assemblée nationale Roch Marc Christian Kaboré, invité à prononcer un discours à New York, au débat du Conseil Economique et Social du système des Nations unies.

Ces derniers jours, il y a des bruissements d’une révision de la coopération militaire entre les Etats-Unis et le Burkina. Le commun des Burkinabè ignorait même qu’il y avait une coopération militaire entre les deux pays. Difficile de dire aujourd’hui quel est le contenu de cette coopération, connaissant les cloisonnements rigides qui sont bâtis autour des questions concernant la grande muette.

L’axe Ouagadougou-Washington se réchauffe donc. Il reste à savoir quelles en seront les véritables retombées pour les populations du Sahel. Espérons que cette diplomatie revue et corrigée s’étendra à d’autres domaines de la vie économique. Le communiqué du service consulaire de l’Ambassade des Etats-Unis offrant des visas aux personnes désirant poursuivre leurs études au pays de l’Oncle Sam est peut-être un début.

M. J. Mimtiiri
Journal du jeudi

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