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Université Ouaga II : Ça sonne bien mais tout reste à faire

Publié le mercredi 10 septembre 2008 à 10h59min

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"L’Université de Ouagadougou et l’Université Ouaga II sont fermées pour compter du 27 juin 2008", tel était libellé l’article premier de l’arrêté du ministère des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique paru dans notre livraison du 30 juin 2008. Nombre de citoyens ont été intrigués par la fermeture de ce deuxième temple du savoir de la capitale dont ils ignoraient jusqu’à l’existence. Pourtant, il a été créé par décret et publié le 12 décembre 2007. Le mercredi 2 septembre 2008, nous étions à Gonsé, localité située à une trentaine de kilomètres à l’est de la capitale, pour voir ce campus qui n’a encore de Ouaga II que le nom.

« Deux rentrées universitaires pour une seule année », c’est le sujet d’actualité sur lequel épiloguait notre équipe de reportage ce mercredi 2 septembre 2008 pendant que nous empruntions la déviation de l’échangeur de l’Est en direction de Fada N’Gourma avec pour point de chute l’Université Ouaga II.

Mais il fallait d’abord la localiser. Toutes les informations que nous avions recueillies jusque-là sur son emplacement la situaient quelque part au sortir de Ouagadougou par l’entrée est.

A environ 30 kilomètres de la capitale, à quelques encablures du village de Gonsé, dans la commune de Saaba, un panneau planté au bord du bitume indique « Université Ouaga II à 1500 m » en profondeur sur la gauche. Nous plongeons dans une végétation d’épineux. La localité porte donc bien son nom Gonsé (épines en langue nationale mooré).

Au détour de ces arbustes et des hautes herbes, nous tombons sur un camion citerne à l’arrière duquel trois hommes qui, à l’aide de seaux, puisaient de l’eau pour acheminer à des ouvriers ; lesquels avec beaucoup d’entrain, façonnent des briques.

Autour d’eux, menuisiers, ferrailleurs, manœuvres, maçons, aides-maçons, chefs d’équipes, commis magasiniers et chauffeurs, sont à pied d’œuvre. A côté, deux tables de riz et de benga fumants sont dressées par des femmes aidées de jeunes filles qui trient des épinards et des feuilles de baobab.

Là où il y a des bétonnières, marmites, plats et fumée qui font, si on ose dire, bon ménage, font partie du décor. Mais que va-t-il sortir de ce chantier ?

"Deux amphithéâtres jumelés de 1 500 et de 1 000 places", nous répond le chef de chantier, Saïdou Ouédraogo, de la société « Sol confort et décor ». Il précise que les travaux ont débuté en avril 2008 et qu’ils doivent prendre fin dans sept (7) mois, c’est-à-dire en avril 2009.

L’Université Ouaga II, selon le décret pris en Conseil des ministres du 12 décembre 2008, regroupe l’Unité de formation et de recherche en sciences économiques et de gestion (UFR/SEG) et l’Unité de formation et de recherche en sciences juridiques et politiques (UFR/SJP) de l’Université de Ouagadougou.

Les étudiants de cette université, pour le moment, virtuelle, sont toujours dans la capitale où ils squattent le campus de Zogona sans qu’on sache exactement quand est-ce qu’ils emménageront sur leur site de Gonsé (lire encadré).

« Pour le commun des mortels, dès lors qu’on dit qu’une université est créée, on recherche tout de suite son site alors qu’on peut en avoir plusieurs au même en droit », se défend Karifa Bayo, le président de Ouaga II. Ceux qui ricanaient parce que les autorités ont réussi le tour de force de fermer ce qui n’a jamais été ouvert ont donc tout faux.

Alors qu’ils rejoignaient leur domicile après la fermeture del’Université de Ouagadougou et de Ouaga II le 27 juin dernier, les braves ouvriers de Ouaga II s’échinaient toujours à faire sortir de terre ce deuxième temple du savoir : « L’université que vous construisez était… fermée en juin, votre chantier a-t-il subi le même sort ? », avons-nous ironiquement demandé :

"A cette période, nous répond le chef de chantier, nous étions au stade des fouilles et au creusage des trous, et nous avons continué le travail pour être dans les délais". Saïdou Ouédraogo souligne que les travaux avancent sans grandes difficultés sauf que de grosses pluies entravent, par moments, le remblayage.

Qu’à cela ne tienne, les 90 travailleurs rivalisent d’ardeur au travail tous les jours de la semaine. Parmi eux, certains, de confession musulmane, jeûnent tout en étant aussi hardis à la tâche que leurs collègues.

C’est le cas de Bakary Ouattara, menuisier, qui avoue être habitué et pense ne pas sentir le poids du carême sur son rendement. Confirmation du chef qui observe aussi cette exigence musulmane : "Nous les musulmans, sur le chantier, nous jeûnons. Inch allah, nous irons jusqu’au bout sans incidence sur le travail".

Venant essentiellement de la capitale et des villages riverains, les manœuvres ne semblent pas mécontents de leur rémunération. "Je suis du village de Gonsé, je gagne chaque jour 1 125 F CFA, c’est bien, parce que j’ai fait l’essentiel dans les champs", nous confie Denis Nana.

Son patron précise que la paye journalière est revue à la hausse en cas d’heures supplémentaires surtout pendant les travaux de coulage de béton qui exige plus de temps.

Mais Gonsé récolte-t-il les dividendes du site qu’il abrite ? La restauratrice, Antoinette Zongo, ne peut que répondre par l’affirmative, elle, dont les affaires marchent bien : "Le matin, je prépare le haricot, à midi, du riz et le soir, du tô, tout le monde mange ici, même les chefs", dit-elle en nous proposant un "goûter voir".

La même question a été posée à une vingtaine de villageois de Gonsé, réunis au pied d’un arbre où deux dolotières semblent avoir la cote au regard des litres de bière de mil qui disparaissent des calebasses remplies à ras bord.

"Nous sommes désœuvrés après les travaux champêtres ; nous pensions que le chantier recruteraient 20 à 30 jeunes du village, mais ils ne sont que sept (7) à y travailler ; seule l’idée de la probable fréquentation de nos enfants dans cette université nous réjouit", lâche Innocent Zongo, dont les propos sont approuvés par les autres qui acquiescent de la tête. La commune de Saaba, en particulier Gonsé, récoltera sans doute, à long terme, les retombées de l’implantation de cette institution qui se veut être un technopôle.

Le projet est vaste, ambitieux et futuriste. Il ne reste plus qu’à accélérer sa réalisation, car le fait est là : il y a un abîme entre les infrastructures universitaires et le nombre des étudiants qui croît de façon exponentielle.

Abdou Karim Sawadogo
Hyacinthe Sanou (stagiaire)

L’Observateur

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