Sidi Napon coach de Othis en France : « Qu’on me donne les Etalons et vous verrez »
Sidi Napon, un ancien international burkinabé reconverti dans l’encadrement technique monnaie aujourd’hui ses talents en France. Coach principal d’une équipe départementale, Othis Football club, du nom d’une ville du Nord de Paris qui compte 450 licenciés, le Burkinabé avait réussi, dès son premier passage à faire monter son équipe de deux palliers.
Viré en 2004 suite à un désaccord avec ses dirigeants, il est revenu en messie en début de saison passée. Son club avait replongé de deux niveaux. La première saison de Napon II se conclut par la montée, son équipe ayant finit la saison avec 10 points d’écarts sur le second. Nous avons découvert son exploit sur Internet. Et en cette période où le football burkinabé cherche de nouvelles voies, nous avons jugé utile de recueillir les éclairages de ce technicien. Ca tombe bien, l’homme meurt d’envie de servir son pays.
Sidwaya (s) : Quelle lecture faites-vous de la situation de crise que traverse le football burkinabé ?
Sidi Napon (S.N.) : Il faut un changement, une rupture. J’ai mal de voir que l’image de mon pays soit ainsi écornée. Il faut faire quelque chose absolument.
S : Faire quelque chose, d’accord mais quoi précisément ?
S.N. : Travailler sur le long terme par exemple. Mettre les hommes qu’il faut à la place qu’il faut.
S : Doit-on comprendre que notre pays doit se donner le temps pour « se fabriquer » des joueurs ?
S.N. : Le technicien que je suis ne peux pas dire que le Burkina n’a pas de la matière première en terme de joueurs. Mais je crois plutôt que c’est l’utilisation de cette matière première qui pose problème.
Vous savez, en Europe, nous savons tous qui est qui ? Personnellement, je dispose d’informations fraîches sur nos pros. A moi, aucun d’entre eux ne peut essayer de faire croire qu’il a de la compétition si tel n’est pas le cas. Notre équipe nationale a toujours souffert de cette situation.
En plus, il y a un problème de conscience au sein des appelés en équipe nationale. A mon avis, nombre de pros ne mesurent pas assez bien la portée du terme « défense des couleurs nationales. » Dès que la convocation pour l’équipe nationale tombe, l’occasion du voyage est donnée à beaucoup pour « faire la fête ». Nous disposons déjà de la matière. Nos cadets et nos juniors ont joué des coupes du monde. On ne peut pas me dire que parmi ces générations de « mondialés », il n’ y a rien à en tirer.
S : Pensez-vous que le sens du patriotisme seul suffit pour motiver les joueurs ?
S.N. : Non, évidemment que non. Des primes d’encouragement doivent être servis aux joueurs. Mais ces primes aussi doivent tenir compte des réalités du pays. Je crois qu’à l’heure d’aujourd’hui, les primes au Burkina sont dans la fourchette de ce qui est servi dans la sous-région. Il ne faut pas faire l’erreur de penser que c’est l’argent, beaucoup d’argent qui donnera la victoire aux Etalons. De toutes les façons, vu nos réalités, on peut dire que beaucoup d’argent a été mis dans notre sport-roi. Souvenez-vous du milliard mobilisé pour la CAN 2004. La moisson, a été décevante.
S : Si, tant que vous le dite, nos pros ne sont pas compétitifs dans leurs clubs, la solution sera-t-elle de s’en passer ?
S.N. : Je le réaffirme. Beaucoup ont de la peine à se rendre utiles dans leur club. Mais nos pros ne sont pas tous des abonnés du banc de touche. A mon sens, il faut ouvrir l’horizon pour la sélection. Nous avons des joueurs en grand nombre qui évoluent dans des catégories inférieures. La divisions 2, le national, le CFA et même chez les amateurs, le Burkina compte des joueurs assez compétitifs. Il ne faut pas se fier au niveau de l’équipe du joueur mais plutôt à son niveau de compétitivité personnelle. De toutes les façons, le Sénégal et le Togo ont démontré qu’avec des joueurs évoluant dans des catégories inférieures, on peut bâtir une équipe d’un bon niveau. C’est avec des joueurs évoluant en D2, en national et même en CFA que ces deux pays sont parvenus à se qualifier aux coupes du monde.
S : A vous entendre vous avez des éléments de connaissances qui peuvent être utiles aux Etalons. Serez-vous prêt à donner un coup de main à votre pays ?
S.N. : Pour peu que l’on me le demande et qu’on me fasse confiance, je suis prêt.
S : Vous accepteriez même d’être coach des Etalons par exemple ?
S.N. : C’est mon métier. Et toute modestie mise à part, je connais le travail. Je connais aussi le pays, les mentalités. J’ai joué en équipe nationale. Je crois qu’il est temps qu’au Burkina, on fasse confiance aux anciens joueurs. En France, la reconversion des anciens internationaux dans l’encadrement donne beaucoup de satisfaction. Les cas de Didier Deschamps, de Laurent Blanc qui sont très récents sont illustratifs. En Afrique, Stéphan Késhi a prouvé que les anciens joueurs pouvaient être une solution au besoin d’encadrement de nos sélections nationales. La filière « blanche » ne semble pas la solution. En plus, remarquez qu’en Europe, les entraîneurs africains n’ont aucune chance de prendre en main un bon club, encore moins une équipe nationale. Mais je ne crois pas que tous, autant que nous sommes, nous n’avons pas la compétence nécessaire. Pourquoi eux ont-ils opté de consommer du national et nous nous préférons importer des coachs ? Valorisons nous aussi notre expertise.
S : Quelles seront vos conditions ?
S.N. : Si je prenais les Etalons, il faudrait qu’on me donne la chance de travailler sur 4 ans. A la fin de cette échéance, les résultats parleront pour moi. Il faudrait aussi que les ingérences dans le travail du coach cessent. Autour de l’équipe nationale, il y a beaucoup de monde. Mais chacun a sa partition à jouer. Si chacun faisait seulement sa tâche, les vaches seront mieux gardées.
Interview réalisé par Jérémie NION
Sidwaya
P.-S.
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