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Planète Champion : Le blues du personnel

Publié le vendredi 24 août 2007 à 06h14min

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C’est souvent triste quand on voit une entreprise dont on a participé à l’essor battre de l’aile et finir par fermer. C’est ce que vit actuellement le personnel de Planète Champion. Les employés (ils sont une vingtaine) sont aujourd’hui plongés dans le désespoir.

A l’issue de la conférence de presse qu’a donnée Philippe Ezri, le mercredi 22 août 2007 dans les locaux du centre, nous avons rencontré quelques-uns d’entre eux. L’angoisse se lisait sur leurs visages parce que ce centre était leur seconde famille.

Sékou Sawadogo (coursier) : Cela fait 9 ans que je travaille à Planète Champion comme coursier. Depuis trois ans, on s’inquiétait pour l’avenir du centre qui ne fonctionnait plus normalement. Quand nous avons appris que le fondateur, Philippe Ezri, n’était plus en mesure de le gérer, cela nous a donné froid dans le dos.

Nous savons ce que ce centre a apporté au football burkinabè et c’est dommage qu’il ferme aujourd’hui ses portes. Je suis peiné par ce qui arrive parce que du même coup, ce sont des pères de familles qui se retrouvent pour le moment au chômage. Je me demande si des gens par jalousie n’ont pas contribué à ce que ce centre disparaisse. C’est déplorable pour le football burkinabè.

Ezri a promis d’indemniser le personnel, qui a beaucoup contribué à rehausser l’image du centre. Pensez-vous qu’il fera honneur à ses engagements ?

Effectivement, en plus de nos droits, il a dit qu’il nous versera 12 mois de salaire pour que chacun puisse se lancer dans le commerce. Mais lors d’une rencontre avec le personnel, Ezri a changé de langage et pense que les 12 mois de salaire font partie de nos droits. Franchement, je suis découragé et je me demande ce qui va réellement se passer.

Es-tu sûr que vous n’aurez pas de droits ?

Le responsable de l’administration du centre, le commandant Tondé, m’a remis récemment des papiers à remplir, mais je me demande toujours ce qu’on aura comme droits. Ezri et le commandant, avant la conférence de presse, ne se sont pas compris et n’ont même pas calculé ce que nous devons percevoir.

C’est après que le dernier que je viens de citer nous a donné une idée de ce que nous devons toucher. Ezri n’est pas au courant de ça alors qu’il aurait pu lui dire ce que prévoient les textes quand on ferme une boîte au Burkina. J’ai l’impression que le commandant et Philippe Ezri s’évitent. Ce que j’entends m’inquiète et je doute que nous ayons des droits.

Edouard Nacoulma (aide cuisinier) : Je suis triste de constater que le centre ferme ses portes ; un lieu de travail que nous allons quitter définitivement. C’est dur pour nous qui avons foi en ce centre. On croyait qu’une solution serait trouvée au problème, mais voilà que les choses ont pris une autre tournure. C’est une autre vie qui commence pour nous et ce ne sera pas facile. Ezri a promis de nous aider et nous attendons.

Penses-tu que le fondateur tiendra ses promesses ?

Je le pense.

Yacouba Kaboré (fleuriste) : Je suis découragé parce que la fermeture de Planète Champion ruine tous nos espoirs.

Selon toi, pourquoi le centre met la clef sous le paillasson ?

Je crois que cela est dû à des insuffisances techniques et administratives. Depuis qu’on a refusé que Planète Champion évolue en première division, les problèmes ont commencé pour le centre. C’est triste ce qui arrive.

Et les droits qu’on vous a promis ?

J’avoue que je n’ai pas une idée fixe de ce que nous percevrons et j’espère qu’on ne nous oubliera pas.

(aide jardinier) : Le centre qu’on veut fermer nous permettait de gagner notre vie. Nous sommes découragés de ce qui arrive et c’est la tristesse. Les autorités auraient pu aider le promoteur, surtout qu’il a investi tout seul pour aider notre football. Sans son centre, peut-être qu’on n’entendrait même pas parler des Wilfried, Jonathan, Lamine, Daouda, Ousséni et bien d’autres. C’est grâce à Ezri que ces joueurs sont aujourd’hui en Europe et arrivent à s’occuper de leurs familles.

Dans ce pays, on ne voit pas ce qui peut nous faire avancer. Un centre comme Planète Champion ne devait pas être délaissé parce qu’il constituait la relève de notre football. Les résultats sont là pour le prouver et le gouvernement n’aurait pas dû croiser les bras. Vous voyez aujourd’hui comment notre football est malade, et il sera dans une agonie plus profonde parce qu’on ne sait pas où se trouve notre intérêt.

Mme Evelyne Yanogo (technicienne de surface) : Les nouvelles sont mauvaises pour nous et depuis un moment, nous sommes plongés dans le désespoir. Le travail que je faisais dans ce centre me permettait de m’occuper de mes enfants. Maintenant qu’il ferme ses portes, cela nous jette dans un grand abattement.

J’ai vu des enfants grandir ici et Dieu les a aidés à partir. Je suis contente pour eux, parce qu’ils arrivent à s’occuper d’eux-mêmes et à venir en aide à leurs familles. C’est la preuve que ce centre mérite d’être soutenu. Je suis ici depuis 10 ans et sa fermeture nous désole parce qu’il faisait notre bonheur.

Savez-vous que le promoteur veut faire quelque chose pour le personnel ?

J’ai appris au cours d’une réunion qu’il va payer nos droits. Philippe nous a dit que c’est avec regret qu’il ferme le centre. Il sait ce que nous avons fait pour lui et j’attends comme les autres.

Maxime Baguian (surveillant) : Comme les autres, c’est avec déception que j’ai appris la fermeture de Planète Champion. Que voulez-vous que je vous dise de plus ? Nous n’avons pas le choix parce que le fondateur estime qu’il fonctionne à perte. Nous le comprenons parce qu’on ne peut pas former des enfants pour que d’autres viennent les chercher pour d’autres clubs en Europe sans verser un seul centime.

Ceux qui ont fait partir illégalement ces joueurs ont contribué à tuer le centre. Ce Blanc voulait nous aider pour que nous ayons de bons joueurs, mais on n’a pas su en profiter. Je suis triste pour le Burkina qui ne sait pas ce qu’il veut en matière de football.

Rosalie Kalmogo (lingère) : Ce n’est pas bon pour nous en ce sens que ce centre nous aidait. Je refuse de croire à cette fermeture qui pourtant, est une réalité. Nous sommes un bon groupe de personnes qui travaillait ici dans la bonne humeur. On formait une famille et voilà qu’on va se séparer. Je suis vraiment déçue parce qu’on n’a rien fait pour que ce centre ne meure pas.

C’est vrai que ce sera dur pour nous, mais je pense aux enfants burkinabè qu’il aurait pu accueillir pour que demain nous ayons toujours des joueurs capables de défendre les couleurs nationales. Pour le moment, nous prions Dieu pour que Philippe ne nous oublie pas. J’avais travaillé avec un Européen qui nous avait aussi fait des promesses et qui n’a pas tenu parole. Si Philippe tient parole, il aura toutes nos bénédictions et le ciel continuera à l’aider pour que ses affaires prospèrent ailleurs.

Propos recueillis par Justin Daboné


Planète champion

C’est avec un ton qui ressemble aux trémolos pathétiques d’un violon que les quotidiens de la place ont annoncé la fermeture de Planète champion. Tous l’ont mentionné sur leur Une. Sidwaya titrait « J’arrête ! » ; Le Pays : « L’aventure est terminée ». Toujours avec la même verve où transparaissent la tristesse et le regret, L’Observateur paalga a annoncé avec nostalgie : « La fin d’une belle aventure ».

Pourtant, cette aventure avait très bien commencé et la pépinière donnait déjà de jeunes pousses bien vigoureuses que l’on avait commencé à transplanter sur d’autres terreaux plus fertiles et ...plus rentables ! Flash-back sur ce qui est convenu d’appeler le pari d’Ezri : situé dans un espace d’une superficie de 2 hectares, à l’est de Ouagadougou, Planète champion international (PCI) est un projet longtemps mûri mais qui n’a vu le jour qu’en février 1996. Son promoteur, le Français Philippe Ezri, PDG de la Société africaine de distribution textile (SAFDT), avait voulu installer la structure au Mali, mais il a jeté finalement son dévolu sur le Burkina Faso.

Le centre avait une capacité de 40 places et s’est internationalisé quand des candidats venus du Togo, du Niger ou du Bénin l’ont intégré dans l’espoir de devenir un jour des virtuoses du ballon rond. Le projet avait pourtant très bien démarré. Avec la Coupe d’Afrique des Nations de football en 98, Planète champion avait signé un partenariat avec le club Paris Saint-Germain (PSG) pour un financement de 50 millions par an. Malheureusement, ce contrat est brutalement rompu. Plus tard, c’est le club anglais de Leed (D1 anglaise) qui compatira au sort de la pépinière de football dans le pays des hommes intègres, sans grand résultat.

Avec l’absence de financement extérieur et les joueurs qui partaient sur la pointe des pieds, l’oiseau qui commençait à prendre de l’altitude avait donc de plus en plus du plomb dans l’aile. Une première conférence de presse pour sonner l’alerte sur une possible disparition du centre avait déjà été donnée en 2006. C’est triste parce que celle d’avant-hier mercredi n’avait pas valeur de piqûre de rappel. C’était plutôt une pathétique scène d’adieu entre employés de la maison, journalistes et le promoteur, lequel rejoint sa famille en France. Et pourtant !

Il serait fastidieux d’énumérer les footballeurs qu’a enfantés Planète champion. Pour parler au présent, 13 « planétaires » évoluent actuellement dans des championnats européens. 23 autres de la même écurie pratiquent actuellement le sport roi chez nous. Et la dislocation du groupe issu de ce lieu de formation rend perplexe quand on parcourt la liste des joueurs qui sont sortis de ce centre et qui ont défendu notre pays dans différentes compétitions : 12 joueurs (CAN des cadets Guinée 1999) ;

8 joueurs (CAN des cadets, Seychelles 2001) ; 10 joueurs (Coupe du monde des cadets, Nouvelle-Zélande 1999) ; 7 joueurs (Coupe du monde des cadets, Trinidad and Tobago) ; 3 joueurs (CAN seniors, Mali 2002) ; 8 joueurs (CAN juniors, Burkina 2003) ; 3 joueurs (Coupe du monde juniors, Emirats Arabes Unis). Avec la libéralisation des activités et la disparition progressive de l’Etat providence, il est souvent malaisé de se demander ce qu’a fait l’Etat pour qu’on en arrive là. Mais face au rôle joué par Planète Champion pour la défense des couleurs nationales, on est tout de même tenté de se poser cette question.

Certes, les spécialistes du domaine peuvent avancer que « ce Planète Champion-là » est une entreprise privée et aussi à but lucratif. Ils ont d’ailleurs raison. Mais ne pouvait-on pas (ou ne peut-on pas) voir dans quelle mesure repêcher ce joyau qui est en train de couler comme une barque à la dérive ? Surtout que la qualité de l’encadrement n’enviait en rien à d’autres structures du genre implantées en Afrique. Pour la formation qui durait trois ans, un test était organisé pour retenir les pensionnaires qui avaient entre 13 et 16 ans.

Le système études-sport-internat était appliqué. Le centre était équipé d’un terrain à moitié gazonné, d’une salle de musculation, d’un réfectoire, d’un dortoir, d’une salle de loisirs et d’une infirmerie. Qui dit mieux ? Il serait donc temps de « récupérer » Planète Champion pendant qu’il est temps. Appel est lancé aux bonnes volontés. Et pourquoi pas aux entrepreneurs intrépides qui croient au sport roi et à la rentabilité de cette activité qui a fait la réputation de grands footballeurs de par le monde.

Malheureusement de ce côté, les chances de récupération sont très maigres. Nos opérateurs économiques croient beaucoup plus à la « vente en gros, en demi-gros et au détail » qu’à l’entretien de joueurs et à l’arrosage d’une pelouse, qui ne s’avèreront très rentables que dix ans plus tard. C’est triste de voir disparaître ce joyau vu qu’au moins la relève était assurée. Avec ce que vit le football burkinabè aujourd’hui, on aurait pu faire quelque chose. Est-ce le signe que le sport ne décollera jamais au Faso ?

Issa K. Barry

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 31 août 2007 à 09:18, par Dominic CIONCI En réponse à : > Planète Champion : Le blues du personnel

    Bonjour,
    je viens d’apprendre avec tristesse que le Centre Planéte champion va (ou est déja) fermé ?
    Je suis prêt à faire une étude pour délocaliser ou étendre mon centre au Burkina !
    L’Afrique de l’Ouest à besoin de ces structures pour voir évoluer ses jeunes talents que ce soient en catégories de jeunes et/ou en sélections nationales voir dans les clubs Européens... Alors comme je le fais au Togo depuis 8 ans, pourquoi pas au Burkina ?

    Mon contact : 00228.949.43.53 Dominic CIONCI Directeur/Fondateur de Planét’Foot

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