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Belaid Lacarne, instructeur d’arbitres FIFA : "Il n’y a pas de pots-de-vin dans l’arbitrage"

Publié le mercredi 22 novembre 2006 à 07h03min

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Belaid Lacarne

En marge du stage Futuro 3 de la FIFA pour instructeurs d’arbitres organisé à Ouagadougou du 6 au 10 novembre 2006, nous avons rencontré l’instructeur de la FIFA et membre de la Commission des arbitres de la FIFA, Belaïd Lacarne. Avec ce spécialiste de l’arbitrage, nous avons échangé sur plusieurs aspects dont les difficultés de l’arbitrage africain.

"Le Pays" : La FIFA met de plus en plus l’accent sur la formation des arbitres. Doit-on lier cela au fait que l’arbitrage africain n’arrive pas à suivre le rythme ?

Belaïd Lacarne : C’est un perpétuel recommencement dans l’arbitrage. Pour ce domaine, nous devons tenir des séminaires et toujours apporter de nouvelles méthodes pour contrecarrer un petit peu l’évolution du football. L’évolution du football se fait très rapidement et cela se constate lors des tournois finaux de la coupe du monde ou de la coupe d’Afrique des nations.

Le football est arrivé à un niveau très élevé techniquement et au niveau de l’engagement, si bien que nous sommes obligés de suivre avec des stages, pour sensibiliser les arbitres, leur apporter des méthodes modernes pour l’enseignement des lois du jeu. Actuellement, nous sommes en train de travailler sur un programme Futuro 3.

Sur cet aspect, nous avons débuté il y a quelques années dans ce programme de développement de l’arbitrage dans le continent avec Futuro1, Futuro 2 et maintenant, c’est le Futuro 3. Nous accentuons nos efforts de méthodologie, d’éducation et d’instruction pour l’enseignement des lois du jeu chez les formateurs. Nous voulons avoir au niveau de chaque pays, 2 ou 3 formateurs de haut niveau, de manière à prendre en charge le développement de l’arbitrage du pays.

Doit-on reconnaître par-là que l’arbitrage africain est encore à la recherche de ses marques vis-à-vis de l’Europe ?

J’insiste en disant qu’il faudrait qu’on arrive à suivre l’évolution du football parce qu’on n’est jamais à l’abri. Si nous avons un football fort, de haut niveau, l’arbitrage va suivre, parce qu’il doit être de haut niveau et qu’il est une partie prenante du développement du football national et international. En Afrique, nous n’avons pas encore pris conscience de l’importance du rôle de l’arbitre dans un match et là je veux parler de l’investissement. Il faudrait que nos fédérations respectives, au niveau de chaque pays, investissent dans l’arbitrage comme elles le font pour les équipes nationales, et comme les clubs investissent sur les joueurs. Là, il faut qu’il y ait une structure dépendante de la fédération qui investit sur l’arbitrage, en lui donnant les moyens pour relever le niveau.

Entre l’Europe et l’Afrique, il n’y a pas de comparaison à faire. Regardez le niveau, la régularité, la continuité de leurs championnats. Ils ont des arbitres professionnels et cela se ressent au niveau de leur situation sociale. Nous n’avons même pas le minimum en Afrique et nous voulons toujours nous comparer. Nous devons nous comparer si seulement nous jouons dans un même terrain, avec les mêmes moyens. Les moyens, nous ne les avons pas, parce que nous avons nos spécificités en Afrique et nous sommes en train de compenser ça par des stages de développement et de formation des arbitres ou des formateurs. La CAF a aussi un programme de développement avec le concours et le partenariat de l’Union européenne et multiplie les stages en Afrique.

Quel est votre commentaire sur le fait qu’il y a des grandes nations de football sur le continent qui n’ont pas de grands arbitres, pendant qu’il y a des pays qui n’émergent pas encore et possèdent de grands sifflets ?

Je vais citer des exemples, parce que je suis dans la compétition et dans l’arbitrage depuis une vingtaine d’années. J’ai participé à l’éclosion de beaucoup de jeunes arbitres que j’ai eu la responsabilité de former. Je veux parler du Nigérien Lucien Bouchardeau et pourtant le Niger, ce n’est pas le grand pays du football mais il avait un grand arbitre qui est arrivé en coupe du monde. Il y a l’Ile Maurice et son football mais il avait Lee Kim Chong qui a fait 2 coupes du monde. On peut parler du Béninois Bonaventure Coffi Codja. Ce sont des exceptions qui sortent, des dons d’Allah et lorsqu’il y a un travail continu, on trouve des arbitres comme ces derniers dans des pays pas à vocation footballistique.

Entre l’Europe et l’Afrique, il y a comme une fracture technologique au niveau de l’arbitrage. L’exemple patent est celui des oreillettes que l’on voit sur les terrains européens et pas ceux de notre continent.

Cela est facile à expliquer, parce qu’on parle de moyens en ce moment. Je vais vous faire un petit conte d’épicerie, en vous disant que n’importe quel match de championnat en France peut facilement vous rapporter 500 ou 600 mille euros environ 300 à 400 millions de F CFA. En retour, que peut rapporter un match de championnat en Afrique ? Les Européens ont les moyens et investissent sur l’arbitrage et sachez qu’une paire d’oreillettes coûte près de 6000 euros environ 4 millions de FCFA.

Vous pensez qu’en Afrique, les fédérations vont investir des moyens sur les oreillettes ? Cela arrivera quand ces fédérations auront les moyens d’investir dans la communication. Elles ont plutôt besoin de moyens pour développer d’abord les infrastructures sportives pour nos jeunes, afin qu’ils pratiquent le football.

Où se trouve le problème de l’arbitrage africain, quand on sait qu’il est quotidiennement décrié ?

L’arbitrage n’est pas seulement critiqué en Afrique. Il a ses spécificités, avec ses erreurs, et ces erreurs, il y en aura toujours. A preuve, l’exemple de l’Italie dernièrement où il y a eu des problèmes d’arbitrage dans ce domaine mais ce qu’il faut, c’est l’investissement et donner les moyens pour travailler non pas pour arriver à la perfection mais à un meilleur niveau.

Il revient régulièrement que nos arbitres prennent des pots-de-vin et cela se constate lors de leurs prestations.

Je m’excuse mais les gens parlent beaucoup. On ne peut pas raconter des choses lorsqu’on n’a pas de preuve. Quand on veut tuer un chien, on l’accuse de rage et c’est pareil dans le domaine du football. On en parle actuellement, parce qu’il y a trop d’argent autour du football et les clubs veulent tous gagner également et emploient n’importe quel moyen pour disqualifier l’arbitrage.

Avez-vous eu à faire face à des cas pareils au niveau de la FIFA ?

Jamais.

Les arbitres n’ont-ils jamais été sanctionnés pour avoir pris des pots- de-vin ?

Mais il n’y a pas de pots-de-vin, puisqu’il n’y a pas de preuve. Si on veut tenir compte de toutes ces personnes qui parlent de corruption dans l’arbitrage, on n’en finira pas.

Comment les arbitres sont-ils sanctionnés ?

Il faut savoir que dans les grandes compétitions, il y a des évaluateurs qu’on appelle des assesseurs ou des observateurs d’arbitres. Ils sont chargés de contrôler la performance de l’arbitre et si ce dernier n’a pas été à la hauteur, il y a des sanctions qui sont prises. Il ne faut pas croire que les arbitres sont impunis mais par déontologie, on ne donne pas l’information à la rue. On le suspend, en le mettant 1 à 2 mois ou plus au repos sans faire de tapage autour de cette sanction.

Comment s’opère le choix des arbitres dans un pays pour officier un match éliminatoire d’une compétition internationale ?

Les arbitres qui officient en coupe du monde sont ceux qui ont beaucoup d’expérience et ont déjà officié plusieurs matchs. Les commissions d’arbitres au niveau continental et mondial de la FIFA travaillent en étroite collaboration. Pour arriver à un choix, l’arbitre est suivi longtemps avant. A la dernière coupe du monde, les trios d’arbitres ont été composés 2 ans avant le tournoi et dès 2005, ils sont entrés en compétition dans les éliminatoires de cette coupe du monde. C’est en mars 2006 après un peu plus d’une année de travail, de notes, de direction de rencontres qu’ils ont été inspectés par des membres de commissions des évaluateurs spécialisés et le choix se fait en ce moment-là. Il n’y a pas de place à l’improvisation.

Pourquoi nos arbitres ne s’expriment-ils pas face à la presse à l’issue des matchs de championnat par exemple, pendant que ceux d’Europe le font souvent ?

Ils ne s’expriment pas, parce qu’ils ne veulent pas et certainement que les journalistes ou des personnes vont directement leur poser des problèmes. Les arbitres ne peuvent pas répondre aux questions, parce qu’il y a le droit de réserve comme c’est le cas en coupe du monde ou dans les grandes compétitions. Il est vrai qu’en France, les arbitres réagissent parfois après des matchs mais ce sont des réponses qui n’apportent rien.

Quelles sont les dernières évolutions des lois du jeu dans l’arbitrage ?

ll n’y a pas d’évolution mais il y a toujours des amendements pour l’amélioration par exemple du hors-jeu, pour la direction des rencontres. Ce qui se fait de plus en plus, c’est que nous travaillons pour un arbitrage véritablement professionnel dans l’avenir. Il faudrait qu’un arbitre puisse s’entraîner, se préparer, récupérer comme un joueur ; mettre les moyens et préparer un mental de professionnel pour faire face au football professionnel.

Combien gagne un arbitre pendant une compétition internationale ?

Je prends l’exemple de la dernière coupe du monde où les 30 arbitres ont perçu chacun 40 mille dollars (environ 20 millions de F CFA). Au départ, il y avait 46 arbitres parmi lesquels 30 ont été retenus et les 16 autres qui sont restés chez eux ont touché 20 mille dollars chacun (environ 10 millions de F CFA) et tous ces montants concernent les arbitres et arbitres assistants. Les arbitres ont le même tarif pendant la compétition, que vous ayez fait un match et même plus ou la finale ou l’arbitre qui n’a pas fait de match, chacun a reçu 40 mille dollars et pas plus.

Propos recueillis par Antoine BATTIONO

LE Pays

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