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Port obligatoire du casque : Et le gouvernement voulut s’amuser avec la rue !

Publié le lundi 11 septembre 2006 à 07h06min

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« Il ne faut pas s’amuser dans la rue », a-t-on coutume de conseiller aux enfants. « Il ne faut pas non plus s’amuser avec la rue », doivent se dire, in petto, nos gouvernants depuis le 1er septembre 2006, jour de la révolte du casque. L’avertissement a été clair, direct et cinglant.

La rue, entendez par là, le vulgum pecus "la racaille" comme dirait l’autre, si on était en France, n’entend plus se laisser conduire là où elle ne veut pas aller.

Surtout pas lorsque ceux d’en-haut ont fini par lui apporter la preuve, par le comportement, que gouverner, c’est lutter contre sa propre pauvreté et contre celle de sa famille. Ayant lutté hier devant les guichets de banques, qui pour un découvert, qui pour un prêt scolaire, nombre de nos mandarins dorment aujourd’hui avec des cantines d’argent qui font le bonheur de leurs bienheureux rejetons.

Passés du tabouret au trône, ils multiplient à souhait les signes ostentatoires de leur opulence soudaine et insultante : châteaux aux décors digne de celui de la Galerie des Glaces, véhicules rutilants, goût excessif pour le luxe et... la luxure. Boulimiques, ils ont fini par oublier l’océan de misère qui entoure leur îlot de prospérité.

Dernier avatar en date de nos moghos puissants : imposer des casques sur des têtes déjà très lourdes de soucis. Pire, au moment où la circonstance s’y prêtait le moins. Et la révolte viendra de là d’où l’on s’y attendait le moins : de la plèbe urbaine dont l’écrasante majorité est constituée de piétons, donc de gens ne disposant pas d’engins à deux roues et, pour conséquent, moins concernés par la mesure. « De la pure provocation », « Du mépris », criaient des jeunes enragés et armés de pierres sur certaines artères de la capitale.

Après mois, d’épaisses fumées noires des pneus brûlés montent dans le ciel, plusieurs symboles de l’Etat sont saccagés, des policiers timorés et des CRS aux accoutrements de tortues ninjas sont frontalement défiés par des badauds : c’est l’intifadah. Pour la première fois sous la IVe République, pareille manifestation n’est menée où suscitée ni par un syndicat, ni par un parti politique, ni, encore moins, par aucune structure organisée. Révolte du casque ? Oui. Mais bien plus : vif ressentiment d’exclus sociaux contre un pouvoir suspecté d’indifférence face à la misère dans laquelle s’enfoncent chaque jour davantage les petites gens.

Cette émeute, il faut le répéter, procède moins de la sévérité (si sévérité il y a vraiment) de la mesure du port obligatoire du casque que de l’inopportunité de son application. Elle intervient au moment où la conjoncture est des moins favorables : hausse vertigineuse du coût du carburant, augmentation du prix du kilowattheure d’électricité et renchérissement des frais de scolarité à partir de cette rentrée des classes.

On le voit, la vie était si pesante qu’aucune charge supplémentaire ne pouvait être tolérée par les souffre-douleur de la République, fût-elle du poids d’un simple casque. Et la déclaration faite par le président Blaise Compaoré lui-même à l’occasion de la rentrée gouvernementale : « viima yaa kanga » (1) sonne comme un désaveu vis-à-vis de l’Assemblée nationale qui a voté la loi contenant ladite mesure.

(1) Signifie en langue mooré « la vie est dure ».

Rabi Mitibkèta

L’Observateur Paalga

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