Coupe du monde 2006 : Les leçons d’une participation décevante
La 18e Coupe du monde désignera son champion, le 9 juillet prochain. Ce qui est sûr, il ne sera pas africain. Des cinq pays qui ont pris part à cette fête du football mondial, le Ghana a été le seul à franchir le premier tour. Retour sur une participation plutôt décevante.
Le football africain a régressé sur la scène internationale, a commenté un technicien averti du sport roi continental. Il faut remonter à 1990 pour voir la présence d’une nation africaine en quart de finale d’une coupe du monde. Pour cette édition 2006, des espoirs étaient fondés sur certaines équipes qu’on pensait capables, au regard de leur potentiel, d’une meilleure production.
La Côte d’Ivoire aux yeux de beaucoup d’amateurs avait les moyens de bousculer la hiérarchie. La formation des Eléphants est constituée d’éléments qui évoluent dans des clubs majeurs européens. Didier DROGBA (Chelsea Angleterre), Kolo TOURE et Emmanuel (Arsenal Angleterre), Bonaventure KALOU (PSG France), Arouna DINDANE (Lens France), etc. sont parmi les meilleurs mondiaux à leur poste. Avec un tel potentiel les Ivoiriens auraient pu éviter les erreurs qu’ils ont commises sur le terrain et aboutir aux résultats que l’on sait.
Certes, le groupe C où ils ont évolué en compagnie de l’Argentine, les Pays-Bas et la Serbie-Montenegro était baptisé le groupe de la mort, mais le déroulement des matchs a montré que la Côte d’Ivoire avait largement les moyens de s’en sortir. Tous les buts encaissés par les Eléphants ont été la conséquence d’un mauvais positionnement défensif. Comme l’a dit Claude Le Roi ex-entraîneur de la RD Congo, il est inadmissible que trois défenseurs partent à l’attaque du porteur du ballon sans aucune couverture.
Un exploit technique de ce dernier place ses partenaires en position de scorer. Une telle carence technique ne devrait pas être observée de la part de joueurs talentueux qui ont disputé des rencontres aussi difficiles que la Ligue européenne des champions. L’entraîneur français Henri MICHEL qui était à sa quatrième coupe du monde aurait pu corriger ces imperfections après le premier match contre l’Argentine.
Mais le technicien français avait-il vraiment le cœur à l’ouvrage ? On peut en douter.
Immédiatement après l’élimination de son équipe Henri MICHEL a annoncé son départ pour le Qatar où il va s’occuper d’un club. Cette décision a provoqué la colère de Jacques ANOUMA, le président de la Fédération qui n’a pas digéré d’avoir appris la nouvelle comme tout le monde. C’est la preuve que le climat dans le groupe ivoirien n’était pas aussi serein qu’on pouvait le croire. Or ces petits détails sont extrêmement importants dans l’obtention d’un bon résultat.
La honte du Togo, le manque de sang froid de l’Angola et la Tunisie
La Coupe du monde est une aventure difficile et y réussir demande une bonne organisation et surtout beaucoup de discipline. En 1994 quand le Nigeria s’est qualifié pour le second tour du tournoi, les joueurs ont cru qu’ils avaient décroché le ciel et se sont déconcentrés. La conséquence a été l’élimination au tour suivant.
Les Eperviers du Togo ont suivi ce mauvais exemple avec une performance plus petite puisqu’en arrivant en Allemagne, ils n’avaient que la qualification au titre de la zone africaine comme trophée. Sans rien prouver sur les pelouses germaniques, Emmanuel ADEBAYOR et ses camarades ont choisi de revendiquer des primes de participation. L’explication est simple, ils ne faisaient pas confiance à leur fédération et il fallait réclamer « les feuilles » avant le retour à Lomé.
Tout le monde savait que c’était trop demander au Togo que d’exiger une qualification au second tour. Le potentiel de ses joueurs ne le permettait pas. Excepté ADEBYOR qui est lui-même remplaçant dans son club Arsenal (Angleterre), aucun Togolais n’évolue au haut niveau européen. Comme on a pu le constater toutes les équipes qui se sont imposées sont animées par des éléments aguerris par la haute compétition.
Mais de là à se donner en spectacle comme les Togolais l’ont fait c’est une vraie honte. La FIFA s’est vue obligée de payer les joueurs pour les amener à jouer le deuxième match contre la Corée du sud. Naturellement sur le terrain les résultats ont suivi la courbe de ce mauvais climat et l’élimination du Togo a été ce qu’il y a de plus naturel.
Les Palencas Negras d’Angola ont été victimes de leur inexpérience. Aucun problème de conduite n’a été signalé dans la délégation venue d’Afrique australe. Seulement les éléments alignés par Luis De Oliveira GONÇALVES n’avaient pas le vécu pour déjouer tous les pièges d’une coupe du monde. Le but encaissé naïvement contre le Portugal et le nul concédé devant l’Iran ont sonné le glas de l’élimination. L’Angola avec des éléments plus expérimentés avait les moyens d’aller au second tour.
Fabrice AKWA considéré comme la vedette de l’équipe joue au Qatar, les autres sont des clubs de division inférieure au Portugal, si ce ne sont pas des joueurs du championnat local. Les Angolais ont bien couru derrière le ballon mais le résultat au finish leur a été défavorable.
Les Aigles de Carthage de Tunisie peuvent nourrir aussi des regrets. Le groupe H où ils étaient logés laissait croire à une possible qualification. Le calendrier était plus ou moins favorable avec la désignation de l’Arabie Saoudite comme premier adversaire. Si la Tunisie avait gagné ce match, il est sûr que les choses se seraient passées autrement dans le groupe. Mais hélas, ils ont concédé un nul qui ne pouvait que les conduire dehors.
Battre l’Espagne et l’Ukraine de suite était mission impossible. Les choix du coach français Roger LEMERRE ont été critiqués même par certains joueurs, en analysant son groupe, avec l’absence de Santos en attaque, on arrive à la conclusion que l’entraîneur était limité dans le montage de son équipe. La Tunisie n’est pas le Brésil ou l’Allemagne qui peut constituer deux équipes de niveau mondial.
Le Ghana tire son épingle du jeu
La participation des Black Stars du Ghana peut être qualifiée de positive. Pour un néophyte, ce n’est pas rien de battre coup sur coup la République Tchèque et les Etats-Unis classés respectivement deuxième et cinquième par la FIFA avant le coup d’envoi de la Coupe du monde. Les Ghanéens ont fait preuve de sérieux dans la préparation. C’est l’équipe africaine qui a joué le plus de matchs amicaux avant de se rendre en Allemagne. Sur le plan de la rémunération, le Ghana a réglé ses problèmes de primes avant de partir. La seule préoccupation des joueurs était de se battre sur le terrain. On a senti de la cohésion et de la complémentarité dans le jeu des Black Stars.
Michael ESSIEN considéré comme la grande vedette n’a pas du tout noyé le groupe. Sa suspension contre le Brésil en huitième de finale a été ressentie mais l’équipe a gardé sa ligne. La défaite (o à 3 buts) est sévère mais si les Ghanéens avaient été plus lucides devant les buts de Dida, la Seleçao ne serait pas sortie sans dégâts. La formation ghanéenne est à féliciter surtout pour sa discipline.
On ne peut pas obtenir de bons résultats sportifs dans le laisser-aller.
L’Afrique au sortir de cette Coupe du monde a fait un pas en arrière. Pour s’imposer au niveau mondial, il faut des hommes, des moyens, de la volonté et surtout de la discipline. Beaucoup de nos dirigeants ne l’ont pas encore compris. Les équipes africaines sont souvent limitées sur le plan humain si bien que certains joueurs n’hésitent pas à jouer les indispensables. La prochaine Coupe du monde se joue en 2010 en Afrique du sud, une production comme celle qu’on vient de voir en Allemagne sera à bannir.o
Par Ahmed NAZE.
L’Opinion