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Le Burkina Faso va-t-il, une fois encore, être sacrifié sur l’autel ivoirien ?

Publié le lundi 3 novembre 2003 à 18h13min

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L’impression est encore confuse. Mais partagée par quelques analystes et commentateurs. Les renforts de troupes diligentés par la France en Côte d’Ivoire visent moins à sauver le régime Gbagbo sous le prétexte de sauvegarder la population franco-européenne qu’à empêcher le Burkina Faso de trouver une solution très locale à la crise politique ivoirienne.

Dans l’entretien accordé au quotidien La Croix (lundi 16 décembre 2002), le patron de la diplomatie française n’a pas manqué de dénoncer "les ingérences extérieures, c’est-à-dire toute action menée à partir des Etats voisins, livraisons d’armes, soutien en hommes [...] Nous en tirerons toutes les conséquences", a-t-il souligné.

Les "ingérences extérieures", bien évidemment, ne mettent pas en cause la France. Mais le Liberia et, surtout, le Burkina Faso. Mais l’un et l’autre pays ne sont pas concernés, avec la même intensité, par le dossier ivoirien. Dès le début de la crise, au matin du 19 septembre 2002, Gbagbo et son chargé de communication (en l’occurence Alain Toussaint) avaient dénoncé Ouagadougou comme l’instigateur du coup de force militaire qui a bouleversé la capitale ivoirienne. Sans jamais en apporter la preuve. Bien au contraire, le gouvernement burkinabé, tout en tenant un langage très ferme vis-à-vis des exactions dont ses ressortissants en Côte d’Ivoire étaient les victimes, s’est toujours efforcé de "calmer le jeu". Mais sans jamais perdre de vue deux données essentielles : la Côte d’Ivoire a eu besoin des Burkinabé pour se construire et se développer ; il ne peut pas y avoir d’intégration régionale réussie si Abidjan et Ouaga ne se fixent pas les mêmes objectifs.

La déstabilisation de la Côte d’Ivoire est, pour Ouaga, un handicap majeur. Quelques millions de ses ressortissants y travaillent depuis plusieurs décennies. Ces populations ne sont plus à la charge d’un Burkina Faso dont les ressources agricoles sont (compte tenu du caractère sahélien du pays) très limitées. Plus encore, elles facilitent les flux de marchandises entre les deux pays : même origine, même langue, même culture !

Historiquement, les liens entre les deux pays ont toujours été forts. Félix Houphouët-Boigny considérait, certes, la Haute-Volta comme l’arrière-cour de la Côte d’Ivoire, mais il savait que l’évolution politique, culturelle et sociale de ce pays enclavé (donc, du même coup, passage obligé en Afrique occidentale, de l’Ouest vers l’Est et du Nord vers le Sud) était considérablement plus significative que celle de la zone forestière ivoirienne. Toute l’histoire de la colonisation, de la décolonisation et de la lutte pour l’indépendance de la Côte d’Ivoire est intimement liée à l’histoire de la zone sahélienne : Mali et Haute-Volta.

Ce sont les royaumes et les empires du Sahel qui ont permis à la Côte d’Ivoire forestière de sortir des ténèbres. Korhogo était déjà puissante au XIVème siècle. C’est à la Compagnie de Kong (fief de la famille de Alassane Ouattara) que Arthur Verdier, premier résident français en 1882 avant que la Côte d’Ivoire ne devienne une colonie de la République, a confié la gestion de la première plantation de café. C’est à Kong que le capitaine Binger (qui deviendra le premier gouverneur de la colonie de Côte d’Ivoire), venu à pied de Dakar, et Marcel Treich-Laplène, commis de Verdier, ont fait leur jonction en 1889.

Félix Houphouët (qui n’était pas encore Boigny) a épousé, en 1930, Khady Racine Sow, une jeune musulmane, fille d’Aly Sow, originaire de Saint-Louis du Sénégal et nièce du roi Agni Nanan Boa Kouasi. Quand, en 1945, Houphouët a pu se faire élire à l’Assemblée nationale constituante c’est parce que Gon Coulibaly, le chef de Korhogo l’a bien voulu. En Côte d’Ivoire rien ne peut se faire à Abidjan si Korhogo y met son veto politique ! N’oublions pas, non plus, que c’est à Bamako et non pas à Abidjan qu’a été créé, en 1946, le Rassemblement démocratique africain (RDA) qui va être le creuset des principaux partis politiques de l’Afrique de l’Ouest.

C’est dire que, géographiquement, historiquement et humainement, c’est la Côte d’Ivoire qui s’inscrit dans la zone d’influence malienne et burkinabé. Et non pas l’inverse !

C’est la personnalité de Félix Houphouët-Boigny et son ambition hégémonique sous-régionale (en réaction, notamment, à la primauté du Sénégal au sein de l’AOF et des tentatives fédératives de Léopold Sédar Senghor au lendemain des indépendances) qui ont changé la donne. Même au plan économique, en 1960, la Côte d’Ivoire n’était rien. C’est le développement des plantations extensives de café et de cacao qui va permettre son enrichissement. Développement rendu possible par l’importation massive de main d’oeuvre sahélienne. Si quelques leaders politiques ivoiriens oublient cette donnée historique, ceux des trois Etats du Sahel (Mali, Burkina Faso et Niger) ne l’ont pas perdue de vue.

D’ailleurs, les chiffres parlent d’eux-mêmes : la Côte d’Ivoire compte, aujourd’hui, approximativement, 16 millions d’habitants dont, aux dires des responsables politiques, une large proportion "d’étrangers". Or, il y a, approximativement, 13 millions d’habitants au Burkina Faso, 11 millions au Mali et 10 millions au Niger. La vitalité démographique et sociale n’est pas du côté de la forêt mais du côté du Sahel. On peut comprendre l’angoisse de tous ceux qui prônent l’ivoirité face à la dynamique nordique. On peut comprendre, aussi, que les pays du Sahel imaginent sans mal que leur zone d’expansion économique prioritaire se trouve au Sud.

Il est une autre donnée à prendre en compte : en Côte d’Ivoire, es hommes d’affaires et les industriels prospères ne sont pas d’origine ivoirienne. L’industrialisation de la Côte d’Ivoire a été exclusivement le fait d’investisseurs étrangers, européens et dioula. Les milliardaires ivoiriens sont des hommes politiques dont l’origine de la fortune est ... politique.

Autant dire que l’enracinement durable à Abidjan d’un régime politique fondé sur l’ivoirité (et ayant les moyens de sa politique, ce qui n’est pas le cas de Gbagbo) serait intenable pour Bamako, Ouaga et Niamey. Jusqu’alors, les politiques d’intégration sous-régionales avaient été une (timide) amorce de réponse aux besoins d’espace vital pour les Sahéliens. La confrontation intra-ivoirienne et la mise en cause des Sahéliens par Abidjan devient un casus belli.

"L’essentiel, pour nous, dirigeants, c’est de gérer 1 ’histoire dans l’intérêt des populations", affirmait Blaise Compaoré dans Le Figaro daté du samedi 6-dimanche 7 juin 1998. Il allait alors présider l’OUA. Il ajoutait : "L ’histoire est souvent imprévisible. Il y a quelques années encore, on n’imaginait pas la possibilité d’un changement de frontière en Europe. Et vous avez vu comment la RDA a disparu... L ’histoire nous impose de dépasser les frontières nationales pour gérer efficacement des programmes dans des domaines précis".

Le Burkina Faso (tout comme le Mali et le Niger, tous trois pays enclavés) ne peut pas vivre en autarcie. La sous-régionalisation de son économie est une nécessité vitale. Personne, à Ouaga, n’acceptera que le pourrissement de la situation ivoirienne perdure. Des décisions radicales pourraient alors être prises. Djibril Bassolé, le ministre burkinabé de la Sécurité, n’a pas manqué de me le rappeler récemment : "Il faut arrêter le processus de désintégration de l’axe Abidjan-Ouagadougou. C’est cela qui est, fondamentalement, notre préoccupation. Ce n’est pas un problème de personne.

Le débat qui doit être engagé, c’est celui qui porte sur l’intégration entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso" (cf LDD Burkina Faso Ol/Mercredi 18 décembre 2002). L’intégration, chacun le sait, peut prendre des formes variables. Surtout quand l’une des composantes à intégrer est en voie de... désintégration !

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique (19/12/ 2002)

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Vos commentaires

  • Le 29 août 2005 à 15:36 En réponse à : > Le Burkina Faso va-t-il, une fois encore, être sacrifié sur l’autel ivoirien ?

    Mais vous là

    tout le temps vous dites ke vous avez dévéloppé la cote d’ivoire keske vous attendez

    pour dévéloper chez vous. bande de menteurs. comment des analphabètes peuvent dévéloper un pays ????????

    foutez le camp. MOSSI LA

  • Le 29 janvier 2006 à 23:49, par chucky En réponse à : > Le Burkina Faso va-t-il, une fois encore, être sacrifié sur l’autel ivoirien ?

    ce ke vou dites là est fonde et il est tout de même injuste d’essayer d’approrprier la reussite de ce pays aux etrangers.la côte d’ivoire afait come les autres puissances :attirer les pauvres afin de s’en servir pour se dvper et c’est essentiel ds la reussite d’un etat.il ne faut voir ke le côté politique de la chose mais il est vrai que d’une façon ou d’une autre ouaga participe activement à la destabilisation de la côte d’ivoire .pkoi vouloir naturaliser des etrangers et faire elire ou nous imposer kelkun qui n’est pas ivoirien tout en sachant que l’on viole allègrement la constitution de ce pays ??? c’est injuste ,cr nous estimons êtres un etat souverain et non un etat domine par l’anarchie ,nous avons une constitution qui nous donnes des règles à suivre tenons nous à cette norme suprême .car n’oublions ps que les ivoiriens ne sont pas les seuls à souffrir de cette situation ;tous les pays de la sous region se trouvent touches par cette crise absurde qui n’est simplement qu’un conflit d’interêt et non une guerre de partis politiques ou autre chose. Il fautje pense laisser les ivoiriens se prendre en charge ;cr tôt ou tard on arrachera cette independance que la france nous refuse et cela même par notre sang .si notre histoire c’est à dire celle ds’une grande nation doit s’ecrire en lettre de sang cela se fera et les autres etats africain devraient chercher à en faire autant et non chercher à se couvrir d’honneurs qu’ils ne méritent point .

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