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Rackets à Saaba : Fin du printemps des ripoux ?

Publié le vendredi 24 mars 2006 à 07h59min

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A Saaba, département situé aux portes de la capitale, l’aspiration légitime de
certaines populations à être des citoyens irréprochables s’est heurtée à la
cupidité de certains agents du commissariat de police. Pour l’anecdote, le
commissariat en question s’est transformé en caverne où des policiers
s’adonnaient à l’exercice des quatre opérations avec l’argent des
contribuables.

La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre à la
suite d’une enquête menée sur le terrain par le REN-LAC (Réseau national
de lutte anticorruption) et dont les résultats ont été largement publiés par la
presse. Une presse parfois accusée de trouble-enquêtes et invitée à
participer au complot du silence et dont on mesure aujourd’hui l’importance
en tant que structure d’alerte sur les dérives et les dérapages de
l’Administration.

Si on peut se réjouir de la promptitude avec laquelle les autorités ont réagi en
démantelant le réseau de ces racketteurs, le mérite en revient d’abord au
REN-LAC qui, avec les moyens du bord, a prouvé, une fois encore, qu’il
faisait mieux que la pléthore d’institutions étatiques aux titres parfois ronflants
et qui n’ont pas souvent eu le mérite de compter parmi leurs trophées, ces
manipulateurs aux mains expertes et à l’odorat très sensible au contact de
l’argent.

A la lumière de ce scandale qui n’est sûrement que la partie visible
d’un gros monstre tapi dans les profondes entrailles d’une administration qui
ne se rend pas toujours compte que cette prédation creuse sa tombe, il n’y a
pas de quoi charger les Burkinabè de tous les péchés du monde, surtout
celui d’être de mauvais citoyens.

En effet, combien de personnes, au Burkina, ont déjà été taxées de mauvais
citoyens pour ne pas détenir par-devers eux, le premier document officiel (la
CIB) qui doit attester de leur appartenance à ce pays ? Combien sont-ils,
ceux qui ont publiquement été traités de sans-papiers, de SDF (Sans
domiciles fixes), ridiculisés ou simplement conduits mani-militari au cachot ou
bien condamnés à payer une amende parce qu’un flic sans quittancier a
estimé que la non-possession de cette pièce constituait un crime de lèse-Etat
 ? Et que dire de ces nombreuses victimes d’accidents de la circulation dont
on n’a pu joindre les familles parce que dépourvues d’adresse ?

Plutôt que
de condamner hâtivement ces personnes, on aurait dû investiguer pour
savoir que ce n’est pas de gaieté de coeur que la plupart de nos compatriotes
se comportent comme des citoyens clandestins. Si de telles pratiques sont
impunément planifiées à Ouagadougou, en dehors de toute légalité, qu’en
est-il du Burkina profond où l’homme de tenue version postindépendance est
plus craint que le garde-cercle colonial muni de sa cravache ?

Peut-on demander à un paysan ou à une ménagère qui a d’insolubles
problèmes existentiels de se livrer à un tel parcours du combattant pour
obtenir cette précieuse pièce d’Etat-civil ? C’est l’inciter plutôt à la
clandestinité. On transforme ainsi des citoyens animés de bonne foi en
citoyens au rabais dans leur propre patrie. Mais il y a plus grave.

Quand un
policier fait de l’argent sa seule et unique fixation, prend-il la peine et la
précaution d’authentifier réellement le document qu’on lui tend pour
confectionner ou renouveler une CIB ? On peut même se demander si notre
pays n’est pas peuplé de faussaires, de manipulateurs, de repris de justice,
de bagnards ou de criminels en divagation.

C’est le lieu de s’inquiéter, car à
ce rythme, tous nos policiers risquent de devenir des ripous et nos
commissariats des fabriques du grand banditisme, des viviers de l’insécurité,
puisqu’il est permis à tout le monde de circuler librement avec de faux
documents, sésames à tous les crimes. Ce qui vient de se produire à Saaba
est à saluer, mais il serait suicidaire de s’arrêter en si bon chemin. Il y a donc
nécessité de nettoyer les écuries dans tous les commissariats en procédant à
leur audit.

Cela permettrait de remonter la filière de ce réseau. Une opération
chirurgicale apparemment compliquée, aussi difficile que celle qui consiste à
séparer des frères siamois. En effet, le tort de ces policiers, c’est d’avoir
exploité le capital de confiance placé en eux par l’Etat.

Mais à leur décharge,
il faut reconnaître qu’ils bénéficient parfois de la protection de responsables
politiques, souvent détenteurs d’un mandat électif, censés donc défendre les
intérêts de leurs électeurs. Quelle que soit l’influence de ces protecteurs, la
volonté politique devrait permettre de sortir des ornières des pratiques
"corruptogènes" non seulement au niveau de la police, mais également à
tous les niveaux. Effet, il serait injuste de jeter l’anathème sur la police dans
son ensemble qui compte en son sein des travailleurs honnêtes dévoués à
leur pays.

Plusieurs fois, le REN-LAC a eu à pointer un doigt accusateur sur
d’autres corps. Il faut donc mettre hors d’état de nuire, tous ceux qui
sponsorisent les comportements mafieux seulement dans la police, mais
également dans tous les rouages de l’Administration publique.
En attendant, il convient de saluer la valeur pédagogique de cette
mini-épuration. Elle contribuera à libérer les populations de la peur de
dénoncer tous ceux qui s’adonnent à des pratiques répréhensibles.

"Le fou"

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 24 mars 2006 à 13:14, par innsa En réponse à : > Rackets à Saaba : Fin du printemps des ripoux ?

    De la poudre aux yeux je pense. ces policiers payés moins de 100 euros par mois prenaient des 1000 F cfa, des 2000 Fcfa.
    Cette histoire fait oublier nos ministres députés, grans chefs d’entreprises qui eux prennent des millions (l’argent du developpement) pour les tranferer sur des comptes en Suisse.

    • Le 24 mars 2006 à 17:42, par badarado En réponse à : > Rackets à Saaba : Fin du printemps des ripoux ?

      ce n’est pas parce que nos cadres superieurs et politiciens depouillent l’Etat qu’il faut accepter que les policiers rackettent des pauvres citoyens. Non je pense qu’il tout de meme accepter de combattre d’où qu’il vienne sans autres consideration. Un voleur grand ou petit demeure un voleur et en tant que tel doit etre combattu. Evitons de justifier nos turpitudes par celles des autres. Comme quoi on peut etre petit mais intègres.

    • Le 24 mars 2006 à 18:50, par Abraham En réponse à : > Rackets à Saaba : Fin du printemps des ripoux ?

      Cher frère (ou chère soeur ?), ce que tu dis est peut-être juste. ... de la poudre aux yeux...

      Mais, il convient de se poser une question : un voleur de poulets est-il autant voleur qu’un voleur de vaches ? Si Oui..., il faut alors punir selon ce que la Loi dit. Il faut punir.

      La crainte que je partage ici est que, on risque de vouloir en faire un exemple. Alors, entre puinir et détruire, j’ai bien peur que la frontière soit poreuse. Pourtant, nous savons tous que les vrais voleurs au Burkina Faso se trouvent "en haut de en haut" dans les Ministères, à la Présidence, à l’Assemblée Nationale, dans les Mairies, dans les Gouvernorats, dans les casernes,...

      Enfin, soyons vigilants. Même si cela s’apparente en ce moment à un rêve. C’est déjà ça.

  • Le 24 mars 2006 à 19:54, par Lucas En réponse à : > Rackets à Saaba : Fin du printemps des ripoux ?

    Félicitations au Pays pour cette analyse

  • Le 24 mars 2006 à 20:05 En réponse à : > Rackets à Saaba : Fin du printemps des ripoux ?

    C’est effectivement de la poudre au yeux. on veut nous faire qu’on lutte contre la corruption. Quand il s’agit de taper sur des individus de seconde zone, on s’exécute rapidement en moins de 24 heures.Mais il s’agit des personnalités qui detournent des milliards, on tourne le dos. Que le RENLAC approndisse aussi ses investigations pour nous dire un jour un tel a detourné des milliards, il ne faut pas se limiter au policier ou à l’infirmier qui prend 1000f ou 2000f par ci par là.
    il faut s’attaquer à la grande corruption. ceux qui sont capables de mettre en branle tout un projet et en profiter.il faut les demasquer. ce sont des ennemis du peuple

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