Burkina / Santé : Le Centre d’initiatives contre la drépanocytose sensibilise et dépiste des enfants PDI à Kaya
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Face à l’insécurité au Burkina Faso, le déplacement massif des populations, souvent dans des conditions pénibles, tend à aggraver les risques encourus par les personnes atteintes de drépanocytose. Sur l’un des sites des personnes déplacées internes (PDI) de la région du Centre-nord, le Centre d’initiatives contre la drépanocytose (CID) sensibilise les populations et dépiste deux-cents enfants dans la ville de Kaya. Cette belle initiative soutenue par la Direction de la coopération internationale de la Principauté de Monaco, a été menée le dimanche 17 décembre 2023, avec pour objectif de véhiculer un message : « La drépanocytose n’est pas une fatalité, intensifions la lutte ! ».
Les Personnes déplacées internes (PDI) font face à des défis multiples, tels que l’accès limité aux soins de santé. Une réalité qui pousse le Centre d’initiatives contre la drépanocytose (CID) à apporter sa pierre. En vue d’améliorer un tant soit peu la qualité de vie de ces personnes vulnérables, le CID/Burkina a opté de sensibiliser les populations sur les symptômes et les moyens de gestion de la maladie. En collaboration avec le service de pédiatrie du CHR de Kaya, Il a aussi procédé au dépistage des enfants âgés d’au plus 5 ans, pour contribuer à rompre la chaîne de transmission de cette pathologie héréditaire.
Cette approche préventive, à travers le dépistage précoce, vise une prise en charge efficace des cas de drépanocytose et de prévenir les complications souvent graves, irréversibles, pouvant causer le handicap, tel le cas d’un accident vasculaire cérébral (AVC).

Une équipe engagée
Sur le terrain, après la sensibilisation, le travail des agents de santé est minutieux pour réaliser le dépistage. Et cela commence d’abord par l’enregistrement des enfants. Chaque enfant de 0 à 5 ans est inscrit sur une liste, recueillant toutes les informations essentielles. Puis, s’en suit le prélèvement d’échantillons sanguins.
Un échantillon de sang est prélevé à partir d’une petite piqûre effectuée au bout du doigt de l’enfant. Les échantillons sont ensuite étiquetés avec précision pour éviter toute confusion. Grâce aux tests de diagnostic rapide utilisés, les résultats sont attribués sur place. L’équipe du CID/Burkina et agents du service de pédiatrie du CHR/Kaya, résolues à dépister l’ensemble des enfants prévus, ont dû travailler du matin jusqu’au soir pour atteindre leur objectif.
La doléance de Awanafo Dicko
Koumboré Awanafo Baba Dicko a été très édifiée par ce qu’elle a apprise sur la drépanocytose. « Les agents de santé nous ont expliqué que la drépanocytose est une maladie génétique. Elle peut être transmise à l’enfant quand les parents sont tous porteurs de ce qui provoque la maladie », a-t-elle confié.

Awanafo Dicko affirme être reconnaissante pour ces actions entreprises au profit des enfants et demande que les médicaments appropriés puissent être disponibles pour prendre en charge les enfants drépanocytaires.
La responsable de l’antenne CID/Kaya, Juliette Korgo/Tougouma a montré sa satisfaction au regard de la mobilisation des femmes, qui ont répondu à l’appel, bien au-delà du nombre prévu. « L’objectif de cette initiative est la prévention. En dépistant assez tôt les enfants, nous voulons contribuer à éviter chez ces enfants les complications et aussi réduire les unions futures à risques en évitant par exemple que deux personnes d’électrophorèse AS ou AC forment un couple. Car leurs enfants risquent d’être drépanocytaires », a-t-elle indiqué.
Considérer la drépanocytose au même titre que le VIH
Madame Korgo fait un plaidoyer à l’endroit des autorités. « Tout comme le VIH/SIDA, nous souhaitons que la drépanocytose soit prise en compte dans la gratuité des soins des enfants sur tout le territoire national. Pour les enfants atteints du VIH, les examens et les produits médicaux sont disponibles et gratuits. Il serait aussi intéressant que les enfants ayant la drépanocytose puissent avoir également cette faveur. Car l’on dépiste de plus en plus d’enfants drépanocytaires », a-t-elle révélé.

Cette initiative de sensibilisation et dépistage de la drépanocytose sur un site de PDI, initiée par le CID/Burkina, est une première, laisse entendre Sambo Sayaoga, de l’équipe de suivi supervision de la coordination nationale ayant effectué le déplacement de Kaya. Pour monsieur Sayaoga, le CID a effectué le déplacement vers les PDI afin de leur transmettre la bonne information sur cette maladie qui tue silencieusement lorsqu’elle est négligée ou ignorée, dira-t-il.
La drépanocytose expliquée
Ce qui permettrait également de dissiper les idées fausses, mais aussi réduire la stigmatisation associée à la drépanocytose, encourageant ainsi une meilleure compréhension de cette pathologie au sein de ces communautés déplacées. Cette approche proactive du CID/Burkina, contribue non seulement à améliorer la qualité de vie des enfants touchés, mais aussi, participe à réduire la propagation de la maladie au sein de la communauté.
« La drépanocytose, ou anémie falciforme, est une maladie génétique héréditaire qui affecte l’hémoglobine, la protéine responsable du transport de l’oxygène dans le sang. Normalement, l’hémoglobine est composée de deux types de protéines : l’hémoglobine A et l’hémoglobine A2. Les personnes atteintes de drépanocytose produisent une forme anormale d’hémoglobine, appelée hémoglobine S, en raison d’une mutation génétique », a expliqué monsieur Sayaoga.

Lorsque cette hémoglobine S se combine avec l’oxygène, elle a tendance à former des agrégats solides, entraînant la déformation des globules rouges en une forme en faucille. Les globules rouges en forme de faucille ont une durée de vie plus courte que les globules rouges normaux, ce qui conduit parfois à une anémie, renchérit-t-il.
Monsieur Sayaoga mentionne que les symptômes de la drépanocytose se manifestent souvent par la douleur au niveau des os, l’anémie, la fatigue, les infections fréquentes, la jaunisse, et dans les cas graves, des complications comme la nécrose de la tête fémorale, des accidents vasculaires cérébraux, et des dommages à d’autres organes.
La prise en charge de la drépanocytose, explique-t-il, vise généralement à soulager les symptômes et à prévenir les complications. Cela peut inclure la gestion de la douleur, la prise de médicaments pour prévenir les infections, la transfusion sanguine, la greffe de moelle osseuse dans certains cas, et d’autres interventions médicales selon les besoins du patient.

Les résultats du dépistage
À l’issue du dépistage, sur 200 enfants dépistés, il est enregistré 30 d’électrophorèse AC, 10 d’électrophorèse CC, 04 d’électrophorèse AS, 02 d’électrophorèse SC, 01 d’électrophorèse SS et 153 d’électrophorèse AA. Ces résultats viennent corroborer pour monsieur Sayaoga, la nécessité du dépistage précoce de la drépanocytose en vue non seulement de contribuer à améliorer la prise en charge mais aussi réduire les unions futures à risque.
Pour rappel, au Burkina Faso, la drépanocytose constitue un problème de santé publique à l’instar des autres pays d’Afrique subsaharienne. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la prévalence du trait drépanocytaire se situe entre 10 et 40% dans certains pays africains subsahariens et plus de 55 millions de personnes en sont porteurs dans le monde.

L’étude menée de décembre 2019 à janvier 2020 par le ministère en charge de la santé du Burkina Faso, avec l’appui financier de la Direction de la coopération internationale de la Principauté de Monaco sur la drépanocytose, révèle une prévalence de 4,63% dont 54,12% des formes dites SS. Cette étude révèle en outre qu’environ 35,05% sont au moins porteurs d’un gène S ou C. Par ailleurs, la répartition de la drépanocytose selon la zone de résidence a révélé une forte proportion de la drépanocytose en zone rurale, comparativement à la zone urbaine, avec 6,54% et 2,67% respectivement.
Les enfants de moins de 5 ans payent le plus lourd tribut, L’OMS estime que 50 % de ces enfants en Afrique décèderait avant 5 ans, en raison soit d’un défaut de dépistage, soit d’un défaut de prise en charge adéquate.
Hamed Nanéma
Lefaso.net