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Burkina/Justice : « La peine de travail d’intérêt général, une peine alternative à l’emprisonnement ferme et à la prévention de la récidive », Simplice Bado, directeur de la justice pénale et du sceau

Publié le vendredi 20 octobre 2023 à 11h30min

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Burkina/Justice : « La peine de travail d’intérêt général, une peine alternative à l’emprisonnement ferme et à la prévention de la récidive », Simplice Bado, directeur de la justice pénale et du sceau

« À la date du 26 juin 2023, les établissements pénitentiaires connaissaient un taux d’occupation de 159% au Burkina Faso ». C’est ce qu’a révélé Simplice P. Bado, directeur des affaires pénales et du sceau au cours d’une interview accordée à Lefaso.net. Face à cette surpopulation carcérale à laquelle sont confrontées les maisons d’arrêt et de correction du pays, monsieur Bado estime qu’en plus de la nécessité de repenser le système pénitentiaire, la peine du Travail d’intérêt général (TIG) est une alternative. Pour lui, faire des prisons, des centres de production capables d’alimenter les villes du Burkina Faso est possible. Ce qui pourrait substantiellement contribuer à la croissance de l’économie du pays des hommes intègres, dans un contexte marqué par la crise sécuritaire et ses conséquences économiques.

Lefaso.net : Pourriez-vous expliquer en quoi consiste précisément la peine de travail d’intérêt général ?

Simplice P. Bado : La peine de travail d’intérêt général a été introduite dans le corpus juridique national par la loi n°007-2004/AN du 6 avril 2004 portant administration du travail d’intérêt général au Burkina Faso. Il s’agit là d’une peine principale pouvant être prononcée à certaines conditions pour des infractions de nature délictuelle commises par des majeurs et des infractions de nature criminelle commises par les mineurs. En effet, les infractions délictuelles sont passibles d’une peine d’emprisonnement de 30 jours au moins et de 10 ans au plus, sauf les cas où la loi a déterminé d’autres limites. S’agissant des crimes, les peines d’emprisonnement vont de l1 ans à l’emprisonnement à vie, étant entendu que la peine de mort a été supprimée par le législateur lors de l’adoption du nouveau code pénal du 31 mai 2018.

Le Travail d’intérêt général (TIG) consiste en un travail sans rémunération effectué par une personne condamnée au profit de la société pendant une durée déterminée. Cette personne doit être âgée d’au moins 16 ans.
La durée du travail d’intérêt général ne peut être inférieure à 40 heures ni supérieure à 300 heures. Toutefois, pour le mineur d’au moins 16 ans, elle ne peut être inférieure à 20 heures ni supérieure à 150 heures.

Les structures d’accueil des personnes condamnées à la peine de TIG sont de deux ordres. Il s’agit soit d’une personne morale de droit public (État central et ses structures déconcentrées, les collectivités territoriales, les établissements publics), soit d’une association sans but lucratif, légalement reconnue (toute association, pourvu qu’elle remplisse cette double condition).

Comment la peine de TIG peut contribuer à réduire la surpopulation carcérale ?

La peine de TIG est, au sens de l’article 213-1 du Code pénal, une peine correctionnelle qui peut être prononcée notamment en lieu et place des peines d’emprisonnement à temps ou d’amende.
A l’issue d’un procès, si la juridiction de jugement prononce la peine de TIG, il s’ensuit que cette même personne ne peut être condamnée à la fois à une peine d’emprisonnement à temps. La peine de TIG est donc une peine alternative à l’emprisonnement. De ce point de vue, le recours effectif à la peine de TIG pourrait permettre de lutter efficacement contre l’importante surpopulation carcérale que connaissent les maisons d’arrêts et de correction du Burkina Faso.

« À titre illustratif, à la date du 26 juin 2023, les établissements pénitentiaires connaissaient un taux d’occupation de 159% »

Les conséquences physiques, psychiques et sociales sont importantes pour les détenus qui se trouvent dans des conditions de promiscuité, de salubrité et de sécurité très précaires. Il en résulte que ces conditions de détention ne permettent pas à l’administration pénitentiaire d’œuvrer de façon optimale à l’avènement des objectifs d’amendement et de réinsertion du recours à la peine d’emprisonnement.

Moins l’Administration pénitentiaire aura des gens en prison, mieux elle saura s’en occuper. À force d’avoir des détenus en surnombre, on risque de ne plus disposer de moyens pour mettre l’accent sur l’aspect correctionnel de la peine d’emprisonnement. Plus il y a des détenus, plus il sera difficile à l’administration de l’établissement pénitentiaire d’avoir le temps et du personnel, pour suivre individuellement chaque détenu afin de veiller à ce qu’il ne revienne plus pour des faits similaires ou d’autres infractions.

La peine de travail d’intérêt général est-elle opérationnelle au Burkina Faso ?

Certes, il n’existe pas de statistiques bien consolidées sur le recours à la peine de TIG. Mais le constat qui se dégage des décisions rendues par les cours et tribunaux, c’est que dans la pratique, cette peine de travail d’intérêt général n’a pas connu le succès escompté. Cette peine est peu, voire rarement, prononcée malgré l’existence du dispositif législatif. La rareté des décisions de justice l’ayant prononcé est révélatrice des difficultés que connaît son exécution.

Qu’est-ce qui freine son opérationnalisation, quand on sait que la loi régissant le travail d’intérêt général a été adoptée en 2004 au Burkina Faso ?

L’opérationnalisation du TIG est entamée par des difficultés et d’obstacles dernièrement identifiés lors d’un cadre d’échanges et de réflexion organisé par le ministère en charge de la justice. Cette rencontre s’est effectuée avec l’accompagnement du Projet d’appui au renforcement de la justice pour lutter contre l’impunité au Burkina Faso (PARJI). Un projet financé par l’Union européenne et mis en œuvre par l’Agence belge de développement (ENABEL).

En effet, trois niveaux d’obstacles correspondant aux différentes étapes de la procédure pénale ont été diagnostiqués au cours des échanges. Par ailleurs, d’autres difficultés dites transversales ont été également relevées. D’abord, à l’étape des poursuites judiciaires, il a été constaté une non prise en compte du TIG par les autorités de poursuites et d’enquête que sont les parquetiers (Procureur du Faso et ses substituts) et les officiers de police judiciaires (OPJ).

Il en résulte dès la phase d’enquête, une absence d’instructions appropriées notamment sur l’enquête sociale ou de personnalité de la personne mise en cause. L’on a pu relever de façon constante une insuffisante mise en état du dossier pour permettre que l’on puisse au besoin, faire recours à la peine de travail d’intérêt général. Or, l’enquête sociale ou de personnalité est censée rassembler les éléments sur la moralité, le milieu de vie, le curriculum vitae de la personne mise en cause, éléments indispensables à l’étape de jugement pour apprécier de l’opportunité du prononcé de la peine de TIG.

Ensuite, à l’étape du jugement, le cadre d’échanges et de réflexion en vue de l’opérationnalisation de la peine du TIG a permis de faire les constats suivants. Il a été identifié une absence de réquisitions dans le sens d’un prononcé du TIG, une absence d’éléments permettant d’apprécier la personnalité du prévenu en vue du prononcé de la peine en question, la rareté des décisions de condamnation en la matière.

Aussi, le prévenu et son conseil ne demandent pratiquement pas le bénéfice du TIG. Même quand la juridiction voudrait condamner, il y a souvent qu’elle invite dans son appréciation les éléments d’exécution de sa décision comme le défaut d’adressage des prévenus ou le risque de changement de résidence. À cela s’ajoutent la précarité caractérisant souvent la vie des prévenus, les contraintes et aléas professionnels de certains condamnés (élèves, étudiants ou salariés).

Enfin, à l’étape de l’exécution des peines, il a été pertinemment relevé la non appropriation du mécanisme du TIG par les juges de l’application des peines (JAP), compétents pour les condamnés majeurs, et les juges des enfants (JE) pour les personnes condamnées âgées d’au moins 16 ans. En effet, ces acteurs judiciaires chargés de l’exécution des peines sont censés joués, au sens de la loi n°007-2004/AN du 6 avril 2004 portant administration du travail d’intérêt général au Burkina Faso, un double rôle en amont et en aval du mécanisme de la mise en œuvre du TIG.

En amont et en vue de créer les conditions d’une exécution du TIG, la loi leur confère, les attributions d’une part, de sensibilisation des administrations publiques et des associations légalement reconnues sans but lucratif quant à l’accueil des condamnés au travail d’intérêt général et d’autre part, de réception et d’examen des demandes de placement des administrations publiques et des associations légalement reconnues sans but lucratif.

En aval, il leur revient dans un premier temps, de fixer les modalités d’exécution du travail d’intérêt général prononcé par la juridiction de jugement de manière à favoriser l’insertion sociale du condamné et dans un second temps de suivre l’exécution du TIG et d’en régler les incidents.

Mais dans la pratique, le cadre de diagnostic relève la surcharge des tâches du JAP ou du JE. Parce qu’ils assurent leur fonction de juge et de juge des enfants tout en accomplissant toutes les attributions qui sont les leurs en qualité de juges de l’application des peines. De sorte que c’est dans un calendrier assez resserré qu’ils s’évertuent, du mieux qu’ils peuvent, à s’acquitter de leurs fonctions d’application des peines. Dans ces conditions d’absence de sensibilisation des structures potentielles d’accueil du "Tigiste", le constat qui se dégage est qu’il n’existe quasiment pas de cartographie des structures d’accueil et de répertoire des postes de travail pour stimuler le recours à la peine de TIG.

À tous ces éléments qui expliquent la non prise en compte de la peine de TIG, s’associent des difficultés transversales qui sont de trois ordres. Il s’agit de l’insuffisance de sensibilisation sur le TIG à l’endroit des personnes poursuivies, des avocats, des acteurs judiciaires et des structures d’accueil. Il y a aussi l’absence ou l’insuffisance de moyens matériels et financiers. Et il y a enfin, le manque ou la faiblesse de coordination entre les acteurs.

Quels sont les avantages potentiels du travail d’intérêt général par rapport à d’autres approches de résolution de la surpopulation carcérale, telles que la construction de nouvelles prisons ?

Lorsqu’une personne majeure a été poursuivie et reconnue coupable pour des faits criminels, elle ne peut bénéficier, au sens du dispositif législatif en vigueur, de la peine de TIG. Pour la personne ayant la majorité pénale qui est de 18 ans au Burkina Faso, la peine de TIG ne peut être prononcée que pour les infractions délictuelles. Si bien que l’amélioration des conditions de détention doit demeurer une préoccupation de tous les instants, si tel est que la société burkinabè voudrait créer les conditions pour que certains de ses membres qui ont trébuché à un moment donné du parcours, puissent bénéficier d’une main tendue pour se relever et se racheter.

Pour revenir à la question, la peine de travail d’intérêt général est une véritable illustration contemporaine des fonctions de la peine. Car elle obéit aux fonctions de sanction, de réparation, d’insertion, de prévention et de socialisation.
Le TIG se perçoit comme une sanction car le tribunal, en condamnant à cette peine, apporte une réponse à l’infraction commise et substitue aux courtes peines d’emprisonnement, une sanction individualisée.

La peine du TIG vise surtout l’insertion du condamné. Car, elle favorise l’insertion des personnes éloignées de l’emploi, notamment des plus jeunes qui découvrent une activité professionnelle.

Elle renferme aussi une fonction de prévention en ce sens qu’elle est une réponse efficace pour prévenir la récidive et contribue à la sécurité de tous. Ne dit-on pas que « l’oisiveté est la mère de tous les vices » ?
La peine du TIG remplit enfin une fonction de socialisation ou de réconciliation. En ce sens que le TIG repose sur une double adhésion : l’implication du corps social exprimée par l’engagement des organismes ou structures qui ont accepté ou postulé pour le faire exécuter, et le consentement nécessaire du condamné à cette peine. Parce que le tribunal avant de prononcer la peine de TIG doit demander à la personne concernée si elle est consentante ou pas. Sauf si cette dernière est un mineur. Dans ce cas, le consentement n’est pas requis.

La peine de TIG permet au condamné de se réconcilier symboliquement avec la société en se rendant utile à cette société à laquelle il a nui. Dans la mesure où cette personne effectue un travail sans rémunération dans l’intérêt collectif. Elle répare ainsi le tort causé à la communauté et restaure le lien de confiance. Ce qui permet au condamné de se réconcilier en même temps avec sa propre image, revalorisée par l’utilité sociale. Le TIG est par conséquent, l’illustration d’une justice qui n’est pas seulement punitive mais qui se veut aussi « réhabilitative ».

Quelles sont les mesures concrètes que votre département prévoit de prendre pour garantir un recours efficace à la peine de TIG tout en assurant une meilleure gestion de son application ?

Au niveau du ministère de la Justice, après le diagnostic en vue d’opérationnaliser le travail d’intérêt général, il a été identifié d’une part, un besoin de sensibilisation et d’autre part, une amélioration du cadre juridique.
S’agissant de la sensibilisation, elle demeure l’action décisive quelles que soient les réformes textuelles ou institutionnelles à opérer. Cette sensibilisation doit non seulement être interne et concerne tous les acteurs de la chaîne pénale (OPJ, ministère public, juridictions d’instruction et juridictions de jugement, l’administration pénitentiaire les travailleurs sociaux).

Cette sensibilisation doit surtout concerner les structures d’accueil comme les personnes morales de droit public et les associations sans but lucratif légalement reconnues. Le manque de candidature de ces structures pour la mise en œuvre de la peine de TIG se justifie notamment par la crainte d’avoir à s’occuper de délinquants. Il y a aussi le besoin d’être rassuré en attendant le retour d’expérience des structures qui franchiraient le pas.

Outre les obligations des juges d’application des peines et des juges des enfants en matière de sensibilisation, nous estimons que le ministère public, notamment le procureur du Faso (qui a la responsabilité première de la mise en œuvre de la politique pénale dans son ressort), assume également une obligation de sensibilisation. À cette fin, des approches novatrices peuvent être initiées avec le concours des commissions d’application des peines pour des actions de sensibilisation prospective et des redditions de comptes des expériences positives des quelques cas qui ont pu se réaliser.

S’agissant de l’amélioration du cadre juridique, des instructions ont été données après le compte-rendu des travaux du cadre de réflexion sur l’opérationnalisation du TIG au ministre de la justice, garde des sceaux. Aussi, le garde des sceaux a instruit la relecture de la loi n°007-2004/AN du 6 avril 2004 portant administration du travail d’intérêt général au Burkina Faso. Ceci, en marge de la relecture déjà enclenchée du code de procédure pénale et dans le cadre du projet de politique pénale en phase de finalisation.

Et je fonde l’espoir à l’occasion de cette relecture, que l’on puisse inviter dans la réflexion, notamment la possibilité d’étendre les structures d’accueil aux personnes morales de droit privé remplissant des missions de services publics. Il s’agit ici de voir comment permettre aux personnes condamnées à des peines de travaux d’intérêt général, de pouvoir exécuter certaines tâches auprès d’entreprises de construction de route et de barrages, par exemple.

« Je pense aussi qu’il serait avantageux pour les mineurs qu’on réduise l’âge permettant de bénéficier de la peine de TIG à l’âge de 14 ans révolu »

J’estime également, qu’il serait bien d’envisager d’instituer la conversion de certaines peines d’emprisonnement ou d’amende prononcées par les juges d’application des peines en peine de travail d’intérêt général. Actuellement, les peines des personnes condamnées ne peuvent être transformées en TIG pendant leur exécution. Car pour l’instant, la peine de TIG est conditionnée par son prononcé à l’audience de jugement avec le consentement de la personne concernée. Il serait à mon avis, convenable que l’on donne une marge de manœuvre aux juges d’application des peines de pouvoir convertir en application de certaines conditions à prévoir dans la loi, les peines d’emprisonnement voire d’amende, en peine de TIG.

L’institution de cette possibilité de conversion pourrait être une véritable opportunité de désengorgement des prisons et de prévention de la récidive. Pour reprendre les propos du poète Louis Aragon : « C’est par le travail que l’homme se transforme ». En permettant aux détenus condamnés de sortir de la réclusion dans laquelle ils étaient astreints en prison pour travailler ou apprendre à travailler, l’on pourrait rompre plus facilement la chaîne de la récidive. Il sied donc de pousser la réflexion à ce sujet pour ne pas demeurer dans le cycle d’emprisonnement et libération.

L’autre difficulté qui constitue un frein au mécanisme actuel, est la crainte que la personne accueillie, commette encore une infraction. Il est évident qu’une structure qui accueille une personne condamnée pour vol n’est pas rassurée. Cependant, j’estime que cela pourrait se résoudre en améliorant le dispositif actuel.

Le dispositif actuel est tel que, lorsqu’une personne condamnée à une peine de TIG ne l’exécute pas, le juge de l’application des peines doit dénoncer cette inexécution sans délai au procureur du Faso qui engagera à son tour des poursuites. C’est à l’issue de cette procédure autonome que cette dernière pourra être condamnée à une peine d’emprisonnement d’au plus deux ans si elle est majeure ou à une peine d’emprisonnement d’au plus un an si elle est mineure.

On pourrait dans ce cas de figure, faire évoluer le dispositif législatif en permettant à la juridiction qui prononce la peine de travail d’intérêt général, de prononcer ce qu’on pourrait appeler une peine probatoire d’emprisonnement. Il s’agit ici, d’une peine qui sera appliquée si la personne condamnée au TIG n’exécute pas son obligation de faire le travail pour lequel elle a été condamnée.

« Si vous échangez avec les services de l’administration pénitentiaire, ils vous diront qu’il y a plus de récidivistes que de personnes emprisonnées pour la première fois »

Je pense enfin, qu’on pourra à l’occasion de la relecture de la loi portant administration du travail d’intérêt général au Burkina Faso, instituer des services d’insertion et de probation animés par le personnel de service social.

Comment comptez-vous persuader les tribunaux et les juges de les adopter davantage et de les intégrer de manière plus systématique dans le système judiciaire ?

Suivant les dispositions de l’article 210-1 de la loi 040-2019 du 29 mai 2019, portant code de procédure pénale, le ministre en charge de la justice conduit la politique pénale déterminée par le gouvernement. Il présente chaque année au gouvernement un rapport d’exécution de la politique pénale pour l’année écoulée.

Le ministre de la justice veille à la cohérence de l’application de la politique pénale sur toute l’étendue du territoire national. A cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des orientations générales. Il faut entendre par magistrats du ministère public, les parquets généraux, les cours d’appel et les parquets des Tribunaux de grande instance (TGI).

Par ces notes d’orientation pénale et des circulaires, le garde des sceaux, au niveau national, adressera aux magistrats du ministère public, des instructions générales. Cela, afin de les inviter à jouer leur partition pour rendre effectif le recours à la peine du TIG. Dans cet exercice et tenant compte de l’organisation hiérarchique du ministère public, il est coutume que le ministre de la justice s’adresse aux procureurs généraux des cours d’appel. Ces derniers qui animent et coordonnent l’action des procureurs du Faso sont chargés d’adapter la politique pénale, et s’il y a lieu, les instructions générales du garde des sceaux, au contexte de leur ressort par voie de notes d’orientation pénale ou de circulaires.

Enfin, au niveau des TGI, les procureurs du Faso qui sont chargés de la mise en œuvre concrète de la politique pénale ainsi définie, peuvent l’adapter, en cas de nécessité, au contexte de leur ressort. Ainsi, dans le cadre de leur mission de direction de la police judiciaire, ils adressent, aux enquêteurs des instructions générales ou particulières par voie de circulaires.

« Ce travail hiérarchique et coordonné s’il est bien mené, permettra de remédier aux difficultés ci-dessus exposées en lien avec l’étape des poursuites voire à l’étape du jugement »

Je pense que c’est à ces conditions et méthodes que le ministère de la Justice pourra jouer sa partition afin que tous les acteurs de la chaîne pénale puissent s’approprier ce précieux outil à même de donner un visage plus humain à l’institution judiciaire.

La réussite de l’opérationnalisation des travaux d’intérêt général, implique nécessairement la coordination entre les différents acteurs, comme les services correctionnels, les ONG et les collectivités locales. Comment comptez-vous encourager cette collaboration et assurer une communication fluide entre ces acteurs ?

Parlant des avantages du recours à la peine de travail d’intérêt général, j’ai pu relever que le TIG remplissait une fonction de socialisation. Cette fonction repose sur une double adhésion : l’implication du corps social exprimée par l’engagement des organismes, les structures ayant accepté ou postulé pour faire exécuter la peine de TIG et le consentement nécessaire du condamné.

C’est pourquoi la réussite de l’opérationnalisation des travaux d’intérêt général, implique nécessairement la coordination, principalement, entre les acteurs judiciaires de la chaîne pénale, l’administration publique dans sa diversité et les collectivités locales.

« Il est envisagé en ce sens, à l’endroit des collectivités locales, une activité de sensibilisation au profit de présidents des délégations spéciales, dans les ressorts des TGI de Ouaga I, Ouaga II, de Kaya et de Koudougou »

Ces tribunaux sont retenus comme étant des zones pilotes pour lancer l’opérationnalisation de la peine du travail d’intérêt général.
Aussi, il est également prévu au sein de chaque TGI, que les juges d’application des peines ou les juges des enfants avec l’appui constant du ministère public et du procureur du Faso, fassent un travail d’identification de la cartographie des structures d’accueil et un répertoire des postes de travail dans leur ressort.

Cet exercice va bien évidemment exiger du temps à consacrer et des déplacements à effectuer dans les administrations publiques, les Établissements publics de l’État (EPE) et les milieux associatifs pour bien expliquer le dispositif qu’est la peine de TIG. Ce qui passe aussi par la recherche de répondants (points focaux) pour parvenir aux résultats escomptés.
C’est dans une telle dynamique, que nous pensons progressivement sortir de la morosité que connaît la mise en œuvre de la loi n°007-2004.

L’une des préoccupations est celle de la supervision et de l’évaluation des personnes exécutant ces travaux. Comment prévoyez-vous mettre en place un suivi efficace pour garantir que les travaux sont correctement effectués et en toute sécurité ?

La loi n°007-2004 confie les attributions de recherche des institutions de placement et le suivi de l’exécution de la peine de TIG au juge de l’application des peines (JAP) ou au juge des enfants (JE) désignés sous le vocable “magistrat chargé de l’exécution des peines’’. Toutefois, la loi permet au magistrat chargé de l’exécution des peines, de déléguer ces deux dernières attributions soit à un travailleur social ou à toute personne digne de confiance.

Ces personnes qui reçoivent les délégations de pouvoir sont tenues de faire des propositions d’institutions identifiées pour désignation par le JAP ou JE. Les personnes en question, sont aussi tenues d’informer le magistrat chargé de l’exécution de la peine, du déroulement du TIG par un rapport mensuel.
Elles ont également obligation de dresser un rapport de fin d’exécution du TIG, une fois la peine arrivée à échéance.

Ce dispositif déjà prévu par la loi en vigueur pourrait être renforcé notamment dans le cadre de la relecture de la loi, par l’institution des services d’insertion et de probation animés par le personnel du service social et avec une meilleure implication de l’administration des établissements pénitentiaires.

Comment assurez-vous que le processus de sélection des personnes éligibles aux travaux d’intérêt général sera objectif et dépourvu de discrimination ?

La loi de 2004 s’est voulu assez claire sur les conditions que doit remplir le prévenu pour être éligible à la peine du TIG.
D’abord, la personne ne doit pas être un individu dangereux. Elle ne doit pas avoir été déjà condamnée au cours des cinq années précédant les faits pour crime ou délit de droit commun, soit à une peine criminelle, soit à une peine d’emprisonnement sans sursis supérieure à quatre mois.

Ensuite, la personne doit disposer soit d’un domicile fixe, soit d’une adresse certaine ou présenter une attestation délivrée par une tierce personne acceptant de l’héberger gratuitement pendant la durée de la peine tout en présentant des garanties suffisantes de représentation.
Enfin, la personne éligible à la peine du TIG doit avoir au moins 16 ans.

Les travaux d’intérêt général peuvent également être une opportunité de réhabilitation et de réintégration des personnes condamnées dans la société. Quelles sont les initiatives prévues pour offrir des formations et des compétences aux personnes participant à ces travaux, afin de favoriser leur réinsertion ?

En effet, la peine du TIG a pour finalité la réhabilitation et la réintégration des personnes condamnées ayant commis des infractions. Mais il est important de souligner qu’elle ne consiste pas à octroyer de l’emploi à des personnes qui ont agi contre la société. Il s’agit plutôt d’une sanction qui vise à réparer le tort, à offrir l’opportunité de se réconcilier avec la société.

Alors, si l’intéressé pendant ce temps, et à l’issue de la peine, parvient à acquérir des aptitudes professionnelles, ceci peut être considéré comme un bonus pour ce dernier.
Cependant, j’entends par réinsertion dans la société, le fait pour la personne condamnée d’avoir tiré leçons de ses actes grâce à la peine de TIG.

« J’estime à cet effet, que les personnes qui commettent des infractions routières peuvent être condamnées à des peines de TIG pour réguler la circulation comme le font les Volontaires adjoints de sécurité (VADS) »

Comment envisagez-vous de mettre en place des campagnes de sensibilisation efficaces pour éliminer les stigmates associés à cette approche et encourager l’acceptation sociale ?

Il est vrai que cela peut paraître avilissant que vous et moi, nous nous retrouvions dans un service où tout le monde sait que nous y sommes parce que nous avons été condamnés pour travailler gratuitement. Mais je pense quand on a mal agi on doit savoir faire preuve de responsabilité et assumer les conséquences de ses actes. De ce point de vue, la sensibilisation doit à mon avis avant tout porter sur les personnes qui agissent contre la loi.

La peine du TIG qui expose d’une certaine manière les personnes condamnées, participe des effets préventifs de la commission des infractions. Cette peine peut ainsi, décourager toute personne qui ne voudrait pas être exposée aux yeux de tous, de rompre avec la récidive. Si l’on aboutit effectivement à un tel résultat, cela peut constituer un avantage pour la société.

Car certains revenus de la prison laissent croire qu’ils étaient en voyage et ces personnes sont potentiellement des récidivistes. Tandis que celui qui a connu la honte dans le cadre de l’exécution de sa peine, ne va plus le recommencer.
Ensuite, la sensibilisation doit porter sur les responsables des structures qui accueillent la personne placée. A leur endroit, il y a une exigence générale de confidentialité. En effet, tout doit être mis en œuvre pour que le condamné ne soit pas humilié délibérément.

Dans la mesure du possible, le condamné ne doit pas être tenu à l’écart des autres travailleurs pour l’isoler. Il doit, autant que possible, porter les mêmes vêtements qu’eux et être autorisé à utiliser les mêmes installations. Il va de soi que le tact et la discrétion sont ici de rigueur. Non que le mensonge soit recommandé : de toute façon, il est peut-être inévitable que d’autres personnes dans la structures finissent par savoir ou aient su que cette personne est un condamné. Néanmoins, il reste que le tigiste doit être traité avec un maximum de savoir-vivre et de pragmatisme.

Si la presse visite la structure d’accueil et demande à s’entretenir avec le condamné, son accord est nécessaire. L’on doit toujours avoir l’esprit que le recours au TIG vise la réhabilitation de la personne, pas sa disgrâce ou son déshonneur.

Existe-t-il des exemples concrets de réussite de l’opérationnalisation des travaux d’intérêt général dans d’autres pays ?

Lors des recherches documentaires en vue du cadre d’échange et de réflexion en vue de l’opérationnalisation du TIG, nous avons pu remarquer qu’il existe sous d’autres cieux, des exemples réussis concernant l’administration pénitentiaire de façon générale, mais en matière de mécanisme du TIG. Ces expériences peuvent donc être dupliquées ici au Burkina Faso, voire avec une meilleure mise en œuvre. Pour peu que l’on mette les ressources humaines, matérielles et financières à la disposition de l’administration pénitentiaire.

« Aujourd’hui, si on le veut, on peut faire de nos prisons, des centres de production capables d’alimenter nos villes »

Les établissements pénitentiaires, les maisons d’arrêt et de correction peuvent être autosuffisants. Mais pour que ce soit une réalité, il faut évidemment un véritable investissement de départ. Car si l’on consent le sacrifice une bonne fois, l’on peut alors résoudre le problème de façon structurelle.

Je rappelle que la peine de travail d’intérêt général est appliquée pour les infractions qualifiées de délits lorsqu’il s’agit des majeurs qui constituent l’écrasante majorité des personnes en conflit avec la loi même si depuis la réforme du code de procédure pénale 2019, il est loisible que des mineurs ayant commis des crimes puissent être condamnés à des peines de TIG.

Par conséquent, pour les crimes commis par les majeurs qui sont les infractions les plus graves, ils pourraient encourir jusqu’à l’emprisonnement à vie. Et ces personnes peuvent être utiles à la société bien qu’étant en détention. Et pour que cela advienne, il faudrait que l’on crée les conditions afin que les maisons d’arrêt cessent d’être des lieux seulement de réclusion. Mais qu’elles puissent aussi servir de lieux de correction où les gens apprennent et y vivent en étant utile à eux et à la société.

Pour moi la prison est comme un petit village où tous les évènements de la société peuvent arriver. Mais on ne pas concevoir un village où personne ne travaille. C’est vrai que l’administration pénitentiaire fait du mieux qu’elle peut pour occuper les détenus mais il reste que les moyens limités font qu’elle n’arrive pas à exploiter véritablement les potentiels qu’offrent les personnes détenues.

Interview réalisée par Hamed Nanéma
Lefaso.net

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