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Bruno Zabsonré, magistrat, SG du SAMAB : « L’autorité de la justice ne peut être consacrée sans l’accompagnement du garant de son indépendance »

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Publié le lundi 2 octobre 2023 à 11h02min

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Bruno Zabsonré, magistrat, SG du SAMAB : « L’autorité de la justice ne peut être consacrée sans l’accompagnement du garant de son indépendance »

Les acteurs de la justice sacrifient, ce lundi 2 octobre 2023, à la tradition de la rentrée judiciaire, 2023-2024. Par cette interview, le magistrat Bruno Zabsonré, secrétaire général du Syndicat autonome des magistrats du Burkina (SAMAB), situe l’importance de ce rendez-vous solennel, les attentes et défis de l’année nouvelle qui s’ouvre pour ce pouvoir, le judiciaire, pilier de la République et de la société.

Lefaso.net : En quoi consiste et à quel objectif répond une rentrée judiciaire ? Est-ce un acte obligatoire ?

Bruno Zabsonré : L’histoire de la cérémonie de rentrée judiciaire nous enseigne, selon l’héritage reçu du système judiciaire français, qu’elle tire ses origines des rentrées du Parlement de Paris au XIVe siècle. Son organisation tient du symbole que représente le pouvoir judiciaire en tant que pilier de l’Etat de droit. C’est l’article 80 de la loi organique N050-2015/CNT portant statut de la magistrature qui prévoit que « L’audience solennelle de rentrée des juridictions est fixée au 1er octobre de chaque année, dans les conditions déterminées par ordonnance conjointe des présidents de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes. Cette ordonnance est notifiée au ministre de la Justice. Lorsque le 1er octobre est un dimanche, un jour férié ou chômé, l’audience solennelle de rentrée est tenue le premier jour ouvrable qui suit ». Sur ce fondement textuel, la rentrée judiciaire a lieu au terme de la période des vacances judiciaires au cours de laquelle il est constaté la clôture de l’année judiciaire et l’ouverture de l’année nouvelle. Cette mercuriale a pour objectif, d’une part, de clore l’année judiciaire achevée et d’acter l’ouverture de la nouvelle année judiciaire, mais aussi de consacrer un temps de réflexion sur une thématique présentant un intérêt majeur pour la justice.

Le justiciable pourrait se demander en quoi les rentrées judiciaires apportent-elles un plus dans la qualité de la justice ?

C’est vrai que la cérémonie de rentrée judiciaire a souvent été qualifiée de "folklore" et avec une dose d’ironie de rituel judiciaire, mais ce qu’il convient de retenir, c’est qu’elle a une portée pédagogique en raison des réflexions menées autour du thème qui fait l’objet d’un rapport. En effet, le thème développé à l’occasion de la rentrée judiciaire, instruit ou sensibilise, à suffisance, les acteurs judiciaires qui y prennent part. Ce qui induit inéluctablement un renforcement des capacités des acteurs judiciaires qui, naturellement, les utiliseront, à bon escient, dans le cadre de l’exercice quotidien de leurs missions en vue d’améliorer la qualité du service de la justice.

A cela, il faudrait ajouter qu’elle participe de la communication judiciaire et de sa redevabilité vis-à-vis de la population. C’est l’occasion où le garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire partage les réflexions qui retiennent l’attention du corps judiciaire, en présence de tous les corps constitués. Il s’agit donc d’une instance pleine de solennité qui témoigne bien d’une justice sacralisée.

Quels sont les éléments essentiels d’une audience solennelle de rentrée judiciaire ?

Les éléments essentiels d’une audience solennelle de rentrée judiciaire sont l’ouverture de l’audience par le président de la juridiction supérieure qui organise la rentrée judiciaire ; la lecture, par le greffier en chef de ladite juridiction supérieure, des textes juridiques fondant la tenue de l’audience solennelle de rentrée judiciaire ; la lecture, par le conseiller rapporteur, du rapport sur le thème choisi. On a également la prise de parole par le bâtonnier ou son représentant ; les réquisitions du procureur général ou du commissaire du gouvernement près ladite juridiction supérieure et la clôture de l’audience par le président de la juridiction supérieure organisatrice qui déclare close, l’année judiciaire écoulée et ouverte l’année judiciaire nouvelle.

La rentrée judiciaire est-elle une tradition qui est universellement partagée ?

La rentrée judiciaire est une exigence légale. Universellement partagée, je n’en suis pas si sûr, mais ce qui est certain, elle est organisée dans beaucoup de pays.

Comment arrête-t-on le thème de l’année ? Les acteurs (magistrats, greffiers, avocats, huissiers…) ont-ils la possibilité d’apporter des contributions au thème ?

En cours d’année judiciaire, les acteurs judiciaires sont invités par les premiers responsables des juridictions supérieures à faire des propositions de thèmes. Une fois les propositions de thèmes collectées, les premiers responsables procèdent au choix du thème et un comité d’organisation de la rentrée judiciaire est mis en place pour l’organisation pratique de la cérémonie et l’élaboration du rapport sur le thème qui sera lu à l’audience solennelle de rentrée judiciaire.

Chaque année judiciaire étant placée sous un thème, y-a-t-il un suivi-évaluation qui est fait du thème de l’année précédente ?

Malheureusement, il n’existe pas, pour le moment, de mécanisme de suivi évaluation des recommandations formulées dans les différents rapports de rentrée judiciaire.

La rentrée judiciaire de l’année 2022-2023 a été organisée par la Cour des comptes. A quoi répond l’organisation tournante de la rentrée judiciaire ?

L’organisation tournante de la rentrée judiciaire répond à une exigence légale contenue dans l’article 80 du statut de la magistrature qui indique que l’audience solennelle de rentrée judiciaire est organisée dans les conditions déterminées par ordonnance conjointe des présidents de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes.

« Renforcement de la relation entre la justice et les justiciables : gage de cohésion sociale, de bonne gouvernance et de développement » est le thème de l’année judiciaire 2022-2023 qui s’achève. Qu’est ce qui a été fait dans le sens de ce thème et quel bilan ou commentaire pouvez-vous en faire ?

Il faut regretter d’emblée que la cérémonie de rentrée judiciaire 2022-2023 n’a pas pu avoir lieu en raison du coup d’Etat ayant donné lieu à l’avènement du MPSR II. Bien que le rapport sur le thème ait été rédigé, il n’a pas pu être publié. Il n’est donc pas possible d’en faire un bilan.

Quels sont les défis de l’année judiciaire à venir ?

Pour l’année judiciaire à venir, il s’agira, en premier lieu, pour les acteurs judiciaires, d’œuvrer à améliorer davantage la qualité du service public de la justice à travers une meilleure satisfaction des besoins des justiciables. En second lieu, l’autorité de la justice ne peut être consacrée sans l’accompagnement du garant de son indépendance. Le président de la transition est particulièrement attendu dans ce sens. En troisième lieu, le processus de révision constitutionnelle de 2015 qui pourrait être lancé au cours de cette année judiciaire devra, concernant le pouvoir judiciaire, consolider et renforcer les engagements énoncés dans le Pacte national pour le renouveau de la justice et la révision constitutionnelle.

Quelles propositions faites-vous pour l’évacuation rapide des nombreux dossiers pendants en justice et dont les populations attendent impatiemment le dénouement ?

Il faut surtout retenir qu’il n’est pas possible d’atteindre de bons résultats sans une volonté politique réelle de prendre à bras-le-corps les problèmes de la justice. Plusieurs causes des difficultés de la justice doivent être traitées (absence d’autonomie financière dans la prise en charge des dossiers criminels, insuffisance en personnel, déficit en matière de renforcement des capacités du personnel, cadre institutionnel à réformer, etc.) Lorsque, par exemple, pour la tenue des audiences criminelles, un ministère de souveraineté est tributaire de la générosité d’un partenaire technique et financier, on ne devrait pas s’étonner, pour peu qu’on soit animé d’un minimum de bonne foi, de ce que certains dossiers criminels pendants en justice et dont les populations attendent impatiemment le dénouement piétinent. Les acteurs judiciaires sont dans de bonnes dispositions pour accomplir avec professionnalisme et dévouement leur sacerdoce, pour peu que les contraintes objectives à la réalisation de leurs missions soient levées.

Les syndicats de magistrats, notamment le SAMAB, ont-ils des attentes particulières de cette rentrée, voire l’année judiciaire 2023-2024 ?

Nous souscrivons à l’affirmation sans faille de l’Etat de droit avec ses corollaires de l’indépendance de la justice et de la séparation effective des pouvoirs, sans velléités de manipulation de l’opinion pour la dresser contre la justice.

Interview réalisée par
Oumar L. Ouédraogo
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