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Burkina / Développement de l’intelligence artificielle : « De grands efforts sont en train d’être faits, surtout sur la formation de compétences locales », Dr Rodrigue Kafando

Publié le jeudi 10 août 2023 à 22h32min

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Burkina / Développement de l’intelligence artificielle : « De grands efforts sont en train d’être faits, surtout sur la formation de compétences locales », Dr Rodrigue Kafando

L’intelligence artificielle (IA) est un sous-domaine de l’informatique, qui se consacre à la création de systèmes algorithmiques capables d’imiter le comportement humain comme le raisonnement, la planification et la créativité. Assez avancée dans les pays développés, l’IA est encore au stade embryonnaire au Burkina Faso. Son utilisation dans des domaines tels la médecine, l’agriculture, ou encore l’industrie, pourrait pourtant aider au développement, même si elle n’est pas sans risques. Dans cette interview qu’il a bien voulue nous accorder, Dr Rodrigue Kafando, enseignant chercheur à l’université Virtuelle du Burkina Faso et au Centre de recherche Interdisciplinaire en IA (CITADEL), revient sur les enjeux de l’utilisation de l’IA au Burkina Faso.

Lefaso.net : Qu’est-ce que l’intelligence artificielle en termes simples ?

Rodrigue Kafando : L’intelligence artificielle (IA) est un sous-domaine de l’informatique, qui se consacre à la création de systèmes algorithmiques capables d’imiter le comportement humain. Les algorithmes d’IA tirent des enseignements à partir d’ensembles de données existantes et sont conçus pour automatiser des tâches qui nécessitent normalement la logique ou l’intervention humaine.

C’est le cas de la compréhension du langage naturel, la reconnaissance de formes dans les images et la prise de décisions basées sur des prédictions. Elle vise essentiellement à concevoir des programmes informatiques qui résolvent des problèmes de manière identique à l’humain, capable d’analyser de vastes quantités de données, de déceler des tendances, de prendre des décisions et de s’adapter de manière dynamique à de nouvelles situations.

Quels sont les domaines dans lesquels elle est généralement utilisée ?

L’IA prend de plus en plus du terrain et s’intègre pleinement dans notre quotidien. D’après l’IA Index, jusqu’en 2014, la production de modèles d’IA étaient conçus par les structures de recherche, mais depuis, les industries ont pris le dessus. Par exemple en 2022, 32 modèles significatifs ont été produits par les industries, contre seulement 3 pour les académiciens. Cela pour dire, que la montée de l’IA est en grande partie provoquée par les industries, opérant dans plusieurs domaines.

Les domaines qui connaissent une forte application sont entre autres, la santé pour des tâches allant de l’analyse d’images médicales à la prédiction des maladies, pour l’amélioration de la précision des diagnostics au développement de traitements personnalisés. Ensuite nous avons le domaine de la technologie ou encore la FinTech, où l’IA est déployée pour automatiser les processus financiers, détecter la fraude, fournir des conseils d’investissement personnalisés et améliorer les prédictions de risque.

Outre cela, nous avons le domaine du commerce en détail, où elle est généralement utilisée pour améliorer l’expérience client, optimiser la gestion des stocks et la logistique, et personnaliser les recommandations de produits. Nous pouvons ajouter également le domaine de la sécurité, où elle est utilisée pour améliorer la détection des menaces et la réponse aux incidents, ainsi que pour améliorer la précision de la surveillance vidéo grâce à la reconnaissance d’objets et de personnes. Il y a également des domaines comme le transport et les véhicules autonomes, l’éducation pour proposer des cursus d’apprentissage personnalisé, l’agriculture, etc.

Quel est l’état des lieux de l’utilisation de l’intelligence artificielle au Burkina Faso ?

Au Burkina Faso, comme dans plusieurs pays d’Afrique, la population est encore consommatrice de produits IA venant de pays développés. Néanmoins, il faut noter que de grands efforts sont en train d’être faits, surtout sur la formation de compétences locales, qui reste l’une des bases la plus importante, lorsque nous voulons mettre en place des solutions sûres, digne de confiance, inclusives et responsables et qui nous sont propres.

C’est le cas de l’université Virtuelle du Burkina Faso qui a mis en place le 1er master en Intelligence artificielle et fouilles de données au Burkina, sous la coordination du centre CITADEL. Ce master bénéficie de l’expertise de la diaspora, plus de 90% des enseignants de ce master sont tous de la diaspora qui est une source de compétences sûres et très sous-exploitée par nos différentes structures.

Pour ce qui est du milieu industriel, des Start-Up commencent à voir également le jour et cela sur plusieurs domaines. Par exemple, les différents hackathons organisés lors de certains évènements comme l’école d’été en 2022, IndabaX en 2023 ont permis à des étudiants de se lancer dans la maturation des idées innovantes qu’ils ont eu à proposer. Tout cela annonce davantage de belles perspectives quant à l’adoption de l’IA au Burkina dans les grandes entreprises et à la mise en place de solutions locales qui répondent à nos besoins.

Quels sont les domaines dans lesquels l’utilisation de l’intelligence artificielle pourrait améliorer les conditions de vie des populations au Burkina Faso ?

Sur plusieurs domaines, disons qu’au Burkina, le développement est nécessaire pour presque tous les domaines. Par contre, nous pouvons avoir des priorités, qui sont entre autres, la santé pour améliorer les diagnostics médicaux, la gestion des soins de santé, et aussi sur la recherche de maladies, notamment sur les maladies qui tuent la majorité de nos populations, tels que le paludisme, etc.

Ensuite, nous avons l’agriculture qui doit nous permettre d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. L’IA peut nous aider à prédire les rendements des cultures, à détecter les maladies des plantes, à optimiser l’irrigation et à gérer de manière plus efficace les ressources agricoles. Il y a également la question de la langue, qui constitue une véritable barrière pour nos populations.

L’IA peut nous permettre de traduire automatiquement, en audio comme en texte, d’une langue à une autre et cela pour faciliter la communication, la distribution de l’information, d’améliorer l’éducation etc. L’IA est également une occasion pour nous d’améliorer l’efficacité des services publics et la transparence, lutter contre la corruption et faciliter la participation des citoyens. Au centre CITADEL, nous travaillons déjà sur des sujets qui couvrent ces différents points.

Qu’est ce qui pourrait justifier la réticence de certains quant à l’utilisation de l’intelligence artificielle ?

Plusieurs points peuvent justifier cela, suivant le niveau de compréhension ou des pays. Une enquête de IPSOS de 2022 montre par exemple qu’à la question : Faut-il utiliser les produits de l’IA, 78% de personnes interrogées en Chine sont pour, contre 35% aux Etats-Unis. Pour la plupart du temps, il s’agit essentiellement d’un manque de compréhension dû au fait que l’IA soit souvent perçue comme trop complexe, créant un sentiment de méfiance.

Les craintes peuvent aussi être liées à la vie privée et à la sécurité, car l’IA soulève des préoccupations sur la confidentialité des données à grande échelle dont elle a besoin pour mieux fonctionner, et la sécurité des systèmes fonctionnant sur la base de cette technologie. La peur de certaines personnes quant à la disparition de certains emplois suscite également des inquiétudes. Nous pouvons enfin noter le manque de contrôle dû au fait que son automatisation puisse créer une perte de contrôle de son fonctionnement à un moment donné.

Tous les points mentionnés ci-dessous, qui ne sont pas exhaustifs, constituent d’une manière ou d’une autre, des sujets de recherche comme l’explicabilité des systèmes d’IA, qui visent à donner des réponses visant à encadrer et à mieux diversifier la compréhension autour de l’IA. De façon générale, il est primordial d’investir dans la formation de talents dans le domaine, et de travailler à proposer des cadres règlementaires pour la protection de la vie privée et de promouvoir les bonnes pratiques en matière d’éthique.

L’utilisation de l’intelligence artificielle peut-elle porter atteinte à la vie privée ?

Oui, comme nous venons de le mentionner ci-dessus, cela arrive très souvent et constitue l’une des craintes quant à l’adoption de l’IA. Les solutions d’IA sont capables de collecter et analyser d’énormes volumes de données, et peuvent potentiellement compromettre la vie privée.

Les technologies comme la reconnaissance faciale, les deep fake vocales, l’analyse prédictive, etc. peuvent récolter des informations détaillées et parfois intrusives sur les individus. Pour garantir le respect de la vie privée, il est essentiel d’établir des règles légales et éthiques autour des solutions d’IA de sorte que toutes leurs fonctionnalités soient transparentes vis-à-vis de l’utilisateur.

Propos recueillis par Armelle Ouédraogo/Yaméogo
Lefaso.net

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