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Burkina/Sport : Le Centre de formation de football Naba Kango de Ouahigouya dans une lente agonie

Publié le mercredi 9 août 2023 à 22h20min

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Burkina/Sport : Le Centre de formation de football Naba Kango de Ouahigouya dans une lente agonie

Le Centre de formation de football Naba Kango (CFF-NK), sis à Ouahigouya (chef-lieu de la région du Nord), à environ 190 kilomètres de la capitale, qui faisait la fierté du Burkina Faso et de la sous-région de façon générale, est dans l’agonie. Les problèmes financiers qui existaient du vivant de son fondateur, Noufou Ouédraogo, se sont accrus avec sa disparition, le 23 octobre 2022. Bâti sur une superficie de plus de sept hectares dans cette cité de Naaba Kango, le centre est en passe d’être relégué au rang des souvenirs. C’est le constat qui se dégage sur place à Ouahigouya lors de notre passage le 24 juillet 2023. Des dortoirs au réfectoire en passant par les salles de musculation et les classes, c’est un triste visage d’infrastructures en lambeaux qui s’offre aux curieux. Reportage !

C’est la fête dans la cité de Naba Kango en cette journée de samedi 10 novembre 2001. Toute la ville est en effervescence. Une occasion unique dans ce chef-lieu du grand Yatenga. Le président Noufou Ouédraogo inaugure son Centre de formation de football Naba Kango (CFF-NK). Une présence remarquée des autorités sportive, administrative et politiques du pays. Étaient aussi présents à cette cérémonie d’inauguration, des gloires du football africain, à l’image de Salif Keïta dit Domingo, le premier professionnel africain ; Abédi Pelé, Philippe Doucet, animateur sur CANAL+, deux dirigeants du club d’Anderlecht (Belgique).

L’infrastructure principale est un bâtiment R+1, construit juste à l’entrée et équipé de dortoirs, de toilettes, d’une salle d’attente. A côté de celui-ci, le réfectoire, la cuisine, des bâtisses pour le coach, la direction, la salle de musculation et l’infirmerie. Le complexe contient trois salles de classes (5e, 4e, 3e) et bien entendu, un terrain de football. Un rêve venait ainsi de se réaliser pour Noufou Ouédraogo, ce passionné de football, bien connu du public burkinabè. C’est l’un des rares centres de formation de football dans la sous-région. Bâti sur une superficie de plus de sept hectares, le centre est situé au secteur numéro1 de la ville de Ouahigouya, province du Yatenga, dans la région du Nord.

Autre date, autre constat. Il est environ un peu moins de 11h quand nous arrivions, le lundi 24 juillet 2023, au CFF-NK. Le directeur général du centre, son adjoint et les ayants droit de Noufou Ouédraogo sont en réunion depuis 8h. Peu avant midi, la réunion s’achève. Le directeur général doit répondre à des urgences, lance-t-il, avant de nous confier à son adjoint.

L’état actuel du CFF-NK

S’engage donc une visite guidée de ce qui est aujourd’hui presqu’un beau souvenir : le CFF-NK. C’est un triste visage des infrastructures qui s’offre désormais aux visiteurs. Des dortoirs au réfectoire en passant par la salle de musculation, tout est délabré. Le pronostic vital de ce lieu qui aura tout donné pour le football est engagé. C’est malheureusement le sentiment qui reste pour celui qui a connu le centre il y a plus de 20 ans et ses ambitions de départ. Entre agonie et résistance, le CFF-NK pourra-t-il être sauvé ?

Le CFF-NK est le plus grand projet de feu Noufou Ouédraogo, selon Ibrahim Ouédraogo

Des ambitions de départ

Au départ, le « président », comme on appelait affectueusement son fondateur, ambitionnait de mettre en place un complexe sportif. C’est-à-dire, un projet de formation de joueurs de petites catégories, d’arbitres, de coachs, etc. Faute d’espace, il s’est contenté du Centre de formation de jeunes footballeurs. Ibrahim Ouédraogo, un des fils de Noufou Ouédraogo, se rappelle de la vision de son père comme si c’était hier. « Je me rappelle très bien quand le papa discutait de ce projet avec Domingo et Abedi Pelé. C’était un projet commun pour l’Afrique. Ce sont des gens qui rêvaient de voir le football ouest-africain émerger », relate-t-il.

La construction du CFF-NK, est donc toute une histoire pour lui. « La construction de ce centre c’est toute une histoire pour moi. J’ai participé à sa construction. Nous avons dormi à la belle étoile pour superviser les travaux. C’était le plus grand projet de papa, son plus grand rêve. C’est pourquoi d’ailleurs il est enterré ici. Paix à son âme », précise-t-il. Des sommités du football africain comme Roger Mila et Habib Bèye ont par la suite visité le CFF-NK.

De droite à gauche, El Adj Diouf, Noufou Ouédraogo et Habib Bèye

Le CFF-NK est l’initiateur du « Tournoi international de la solidarité des écoles de football ». Une compétition annuelle qui regroupe les écoles de football de la sous-région. La première édition s’est tenue en 2002 et a été remportée par Tama FC du Burkina Faso. Elle s’est poursuivie sans discontinuer jusqu’en 2019. La dernière édition a été remportée par l’As Renaissance du Niger. Des joueurs comme Victor Nikiéma, Fadil Sido, Mohamed Zidane, Victor Ouiya, pour ne citer que ceux-là, ont gouté à cette compétition. Pour les plus anciens, elle a été un tremplin pour des joueurs comme Charles Kaboré, Pierre Coulibaly, Adama Guira, Ali Rabo, Jonathan Pitroipa, Alain Traoré, André Ayew, Jordan Ayew, Okansé Mandela, etc. Les écoles de football qui ont eu à participer au tournoi de la Solidarité de feu Noufou Ouédraogo sont légion. Nous pouvons citer entre autres, Tama FC (Burkina Faso), Nania FC (Ghana), Djoliba AC (Mali), Planète champion international (Burkina Faso), Feyenoord (Ghana), Sahel FC (Niger), Naba Kango (Burkina Faso), Kada School (Burkina Faso), EFAM de la Côte d’Ivoire, As Renaissance du Sahel (Niger).

Abdoul Karim Zerbo, meilleur latéral du Tournoi de la solidarité en 2004

Ce rendez-vous était une référence en la matière dans la sous-région, tant son rôle dans la promotion du football à travers les petites catégories n’était plus à démontrer. N’est-ce pas pour cela que des propositions d’en faire une institution tournante entre des pays de la sous-région ou à défaut, le tenir chaque deux ans, avaient été faites par des gloires comme Abedi Pelé ? Mais Noufou Ouédraogo, malgré le poids financier d’une telle organisation annuelle sur ses épaules, tenait à faire de celle-ci une identité nationale burkinabè. Tant bien que mal, il a tenu le pari jusqu’à 18 éditions. D’ailleurs, Ibrahim Ouédraogo soutient sans sourciller que c’est grâce au CFF-NK que le Burkina Faso a eu sa première étoile en 2011, à la coupe d’Afrique des moins de 17 ans, au Rwanda. Parce que le noyau de l’équipe était issu du centre de son père.

Nous avons rencontré à Ouagadougou Abdoul Karim Zerbo dans une salle de sport de la place. Il est l’un des rares de la première promotion qui a passé cinq ans au CFF-NK. Il a participé à au moins cinq éditions. A l’édition de 2004, il fut meilleur latéral droit du tournoi. Il confie que les noms cités ci-dessus étaient tous ravis de participer au tournoi international des écoles de football.

Le CFF-NK..., et demain ?

« Ce n’est vraiment pas facile de voir le centre mourir. C’est un devoir moral, on est obligés, pour la mémoire du papa, d’aller jusqu’au bout. Tout est à refaire, des salles de classes aux dortoirs en passant par la salle de musculation », précise Ibrahim Ouédraogo. L’âme du centre, c’est-à-dire, la formation des plus jeunes, est suspendue. En attendant, tous les espoirs sont désormais braqués sur l’AS ECO, un club du CFF-NK qui joue le maintien en D2. En effet, avant la suspension de la formation des petites catégories, l’AS ECO a été créé dans la foulée pour jouer les premiers rôles dans le championnat national. Parce que, soutient le directeur général adjoint du centre, Gabin Sow, le centre fonctionne difficilement. « Vous savez que Noufou (Ndlr : Noufou Ouédraogo, le fondateur) avait une influence nationale et internationale. Cela nous facilitait les choses. C’est lui qui nous encourageait, qui finançait le centre. Le président Noufou était un vrai dur. C’est lui qui faisait tout. Vraiment il nous manque beaucoup. Il faut avoir tout de même le courage de continuer », explique-t-il avec une voix nouée.

Le CFF-NK est ouvert à toutes sortes de soutiens, poursuit-il. « Peu importe le type de soutien, d’où qu’il vienne, on est preneur. Un accompagnement de l’Etat serait un ouf de soulagement pour nous. On demande également à toutes les bonnes volontés de venir nous aider parce qu’on ne doit pas laisser le centre disparaître, ne serait-ce que pour la mémoire de son fondateur qui aura tout donné pour le football burkinabè », plaide le directeur général adjoint.

Moustapha Seydou Ouédraogo sollicite l’intervention de l’Etat

Aux premières heures de la création du CFF-NK, pour l’intégrer, il fallait passer d’abord par une présélection, ensuite une sélection. On est définitivement retenu après des examens médicaux. Moustapha Seydou Ouédraogo a fait partie de la première promotion (2001-2003). Il a été sélectionné au poste de milieu offensif. Il est natif de Ouahigouya et est actuellement enseignant. Nous l’avons rencontré à Ouahigouya. « Vu l’état du centre, c’est insupportable. L’état des dortoirs, de la pelouse, de la salle de musculation, tout est délabré. Vu ce qu’on a vécu ici et les ambitions de départ fixés par le fondateur, il est difficile d’admettre ce spectacle. On se demande quelle sera la suite dans quelques mois », s’inquiète-t-il avant de persister : « je pense que peu importe d’où viendra l’aide, on ne peut pas laisser ce centre mourir de sa belle mort. Il serait judicieux que l’Etat s’implique pour le sauver d’une mort programmée. Concernant les anciens pensionnaires de la 1re promotion on se concertera pour voir comment chacun pourra contribuer à sa manière afin de redonner vie au centre. On a des promotionnaires qui sont à l’extérieur, s’il y a la bonne volonté, on peut faire quelque chose ne serait-ce qu’avec du matériel sportif (ballons, jeux de maillots, paires de chaussures, etc.) ».

Quelque chose doit être fait pour la mémoire de son fondateur, selon Bachour Madjed

Le natif de Ouahigouya, Bachour Madjed, alias le technicien, est basé au secteur numéro 10 de Ouahigouya. Commerçant de son état, il est aussi promoteur d’un maquis et d’un hôtel de la place. C’est un ancien footballeur. Il a fait les beaux jours de l’Union sportive du Yatenga (USY). Il a également évolué à l’Union sportive de Ouagadougou (USO). Il connaît très bien le CFF-NK et son fondateur. Il témoigne : « Le centre Naba Kango faisait la fierté de Ouahigouya. Mais à l’heure-là, c’est déplorable. Quand quelque chose meurt comme cela ce n’est pas intéressant », dit-il. Il en appelle aux bonnes volontés pour reprendre les choses en main ; parce que, explique-t-il, on ne peut pas laisser disparaître ce centre comme cela, ne serait-ce que pour rendre hommage à son fondateur qui n’est plus de ce monde et préserver ce patrimoine national.

Dramane Yira, alias Rigobert Song, a aussi fait partie de la première promotion du CFF-NK. Il jouait au poste de libero et était le capitaine de l’équipe. Il fait aujourd’hui partie des Forces de défense et de sécurité, précisément du corps de la gendarmerie. Nous somme entré en contact avec lui à Ouagadougou. Il dit retenir de son passage au centre Naba Kango, beaucoup de choses. « Cobayes d’une nouvelle expérience, nous étions pour la plupart, séparés de nos familles pour la première fois et nous avons vécu comme une famille pendant des bons et des moins bons moments. Aujourd’hui encore nous prenons les nouvelles des uns et des autres, malgré la distance », témoigne-t-il. De son avis, le CFF-NK va mal aujourd’hui, parce que l’envie seule ne suffit pas, il faut s’entourer de personnes qui maîtrisent le système à tous les niveaux. « Mon vœu le plus cher, est de voir ce centre survivre après cette tempête, améliorer sa politique de formation. Le rêve du président fondateur ne doit pas s’arrêter en si bon chemin, et nous, anciens pensionnaires, ne ménagerons aucun effort pour apporter notre soutien », promet-il.

Le président de la ligue du Nord de football, Seydou Sidibé, exhorte les opérateurs économiques de la région à s’impliquer

Pour le président de la ligue régionale du Nord de football, Seydou Sidibé, même si le club AS ECO, n’arrive pas à monter en première division, chaque année, il joue pour le maintien. Cette année, le club a même pu fournir deux joueurs à l’équipe nationale. « El Hadj Noufou Ouédraogo a tout fait pour le football. Le centre faisait la fierté de la région et au-delà. Il fournissait le noyau des Etalons cadets. Franchement dit, Aladji Noufou Kango a trop œuvré pour le développement du football. Présentement, le centre est en train de mourir. Depuis sa mort, la gestion est un peu difficile. C’est déplorable et très regrettable, au vu des efforts fournis par ce monsieur », se désole-t-il. Pour lui, il faut de la motivation pour les enfants. « Cela c’est à tous les niveaux, ce n’est pas seulement le centre Naba Kango seulement. Tous les clubs de la région ont besoin de soutien. On a des opérateurs économiques dans la région, ils peuvent nous aider pour soutenir les clubs de la région. Nous qui sommes de la ligue, nous essayons d’organiser des tournois mais ce n’est pas facile. On va profiter plaider auprès de nos opérateurs économiques pour aider nos équipes pour qu’on puisse faire mieux », plaide-t-il.

Obissa Juste Mien
justemien@gmail.com
Lefaso.net

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