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Burkina /Insécurité : De Beled à Dédougou, le quotidien d’un agent de santé à base communautaire déplacé avec sa famille

Publié le mercredi 5 juillet 2023 à 22h05min

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Burkina /Insécurité : De Beled à Dédougou, le quotidien d’un agent de santé à base communautaire déplacé avec sa famille

Des Burkinabè, par dizaines, par centaines et même par milliers fuient, depuis des années, leurs localités d’origine pour espérer sauver ce qu’ils ont de plus cher : la vie. La famille Kogdbéogo fait partie de ceux-ci. La cause de cette situation est un secret de polichinelle : les exactions des groupes armés terroristes qui écument, comme des pirates, plusieurs localités du Burkina Faso. La famille en question s’est réfugiée à Dédougou où la vie lui sourit à peine et son rêve le nec plus ultra est de repartir d’où elle est venue.

Une famille forte de 25 personnes déplacées à nourrir, le loyer de six maisons à payer à la fin de chaque mois, des ordonnances médicales à honorer en cas de maladie et la liste est loin d’être exhaustive. C’est cette équation à plusieurs inconnus que s’emploie à résoudre, chaque jour que Dieu fait, Abdoul Salam Kogdbéogo, agent de santé à base communautaire et chef de ladite famille. Le comble, ce quinquagénaire est confronté à l’oisiveté au quotidien depuis son arrivée à Dédougou, chef-lieu de la région de la Boucle du Mouhoun, il y a plus de trois ans.

« Quand je me lève le matin et comme il n’y a pas de travail, je suis là à ne rien faire. Particulièrement, nous les hommes, il n’y a pas de travail pour nous », confie-t-il apparemment désespéré, le regard perdu dans le ciel comme s’il y cherchait les solutions à son équation existentielle. Un court temps de silence et le fil de la conversation est renoué. Abdoul Salam Kogdbéogo déballe : « Souvent je prends mon vélo pour aller chercher un fagot de bois en brousse pour ne pas rester à ne rien faire. J’ai fait des démarches auprès de certaines structures pour avoir un travail, mais rien pour le moment ».

Selon Abdoul Salam Kogdbéogo, il n’est pas donné à tout le monde de pouvoir vivre en ville

Souvenirs d’un passé « glorieux »

Plongé dans ses souvenirs, ce mari de deux femmes revit en images ce qu’il considère déjà comme un bon vieux temps lorsqu’il était dans son Soum (dans le Sahel) d’origine. « J’étais agent de santé. Je travaillais au CSPS de Beled. J’étais aussi le conseiller municipal de mon village. En plus, je travaillais avec la Croix-Rouge, l’UNICEF, l’OCADES et Solidarité internationale dans le cadre de plusieurs projets. Je participais à des campagnes de sensibilisation sur la propreté, la salubrité, etc. A la fin de chaque semaine, je déposais un rapport et on me payait. Mais ici, je suis au chômage. Si je compare ma situation d’hier à celle d’aujourd’hui, j’ai envie de verser des larmes. Mais, ce n’est pas la solution », dit-il, presque dévasté par un mélange de nostalgie et de désespoir. Sa famille et lui ont fui Beled, leur village d’origine situé dans la commune rurale de Tongomayel, province du Soum dans la région du Sahel. C’est de cette localité qu’ils se sont retrouvés à Dédougou.

Vie de peines

La famille Kogdbéogo vivote, en location, dans la zone non lotie du secteur n°2 de Dédougou. « Je paye six maisons à raison de 5000 F CFA l’unité à la fin de chaque mois. Je n’arrive même pas à honorer le loyer », avoue le chef de ménage. N’eut été l’humanité ou encore la solidarité des bailleurs, il y a certainement très longtemps que la famille Kogdbéogo était jetée dans les ruelles de Dédougou. « Je traîne beaucoup d’arriérés. Je peux dire que c’est grâce à la compréhension de notre situation par mes bailleurs que ma famille est toujours là, sinon on serait mis dehors depuis longtemps », est-il tenté de se réjouir.

Les épouses Kogdbéogo décortiquent le sac d’arachides de 100 kg contre la somme de 2 000 F CFA en moyenne

Pour survivre, la famille compte essentiellement sur des revenus obtenus à partir de menues activités, comme le décorticage des arachides, le nettoyage des maisons, la lessive ou la vaisselle dans des restaurants de la place, menées par les deux conjointes. Il y a également des travaux de maçonnerie, d’aide-jardinier, etc. auxquels se livrent certains membres de la famille pendant la saison sèche. N’ayant pas de champ à son nom, le sieur Kogdbéogo et les membres de sa famille entendent monnayer leur force de travail dans les travaux champêtres contre quelques sous au cours de cette campagne agricole qui s’installe déjà.

Sur les sept enfants qui partaient à l’école à Beled, seulement trois ont pu poursuivre leur cursus à Dédougou. L’indisponibilité des places dans les établissements d’enseignement publics et le manque de moyens pour les inscrire dans le privé sont les raisons, explique Absétou Yirgué, l’une des épouses.

Désir inextinguible de réinvestir le bercail

Aux dernières nouvelles, Abdoul Salam Kogdbéogo a réussi à se faire embaucher dans un secrétariat public de la place à Dédougou. Malgré son âge un peu avancé, il ne trouve pas de gêne à y travailler. L’ex-agent de santé avoue d’ailleurs sa fierté d’avoir été finalement engagé pour un job qui lui rapporte mensuellement environ vingt mille francs CFA. « Sans ce travail, ce serait la catastrophe », a-t-il soufflé avant de relever qu’il y a plus de dix mois que sa famille n’a pas bénéficié d’assistance alimentaire. [ Cliquez ici pour lire l’intégralité ]

Yacouba SAMA
Lefaso.net

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