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Burkina Faso : Les essences de bois utilisées et préférées des femmes comme sources d’énergie pour la cuisson de la bière locale et du beurre de karité dans la province du Ziro

Publié le jeudi 13 octobre 2022 à 20h00min

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 Burkina Faso : Les essences de bois utilisées et préférées des femmes comme sources d’énergie pour la cuisson de la bière locale et du beurre de karité dans la province du Ziro

1. Introduction

Depuis l’époque préhistorique, l’homme utilise le bois comme première source d’énergie. C’est à travers le bois de la forêt que l’homme s’est initié à l’utilisation du feu. De nos jours, la plupart des pays africains utilisent toujours le bois à grande échelle dans les ménages où l’utilisation du charbon de bois et le gaz ne vient qu’en appoint au bois-énergie. Au Burkina Faso, environ 90% des ménages utilisent encore le bois comme principale source d’énergie (INSD, 2017).

Pour les activités rémunératrices telles que la production de la bière locale et du beurre de karité, les femmes utilisent surtout le bois comme source d’énergie. Si pour les activités de préparation de bière de locale et de transformation de beurre de karité, la principale, sinon, l’unique source d’énergie est le bois de feu, on constate cependant un manque d’informations sur les différentes espèces utilisées par les femmes comme bois d’énergie pour ces deux activités, leurs préférences et les raisons du choix de ces espèces.

L’objectif de cette étude est d’identifier les espèces utilisées comme bois de chauffe dans la préparation de bière locale et la transformation de beurre de karité, d’apprécier les niveaux d’exploitation de ces espèces et de cerner les raisons du choix de ces espèces par les utilisatrices. La connaissance des préférences des espèces prioritaires par les femmes doit aider aux prises de décisions et guider les différents acteurs de la gestion des ressources naturelles pour un choix judicieux des espèces dans les activités de restauration du couvert végétal.

2. Méthodologie

Les données de cet article proviennent d’une étude conduite dans la province du Ziro, localité située au Sud du Burkina Faso et dans la région du Centre-Ouest. Cette province couvre une superficie d’environ 5.291 km² et est constituée de trois (3) départements que sont : Sapouy, Cassou, Bakata. La province du Ziro a connu l’intervention du projet Aménagement des Forêts Naturelles de 1985 à 2002, ce qui lui a valu d’être l’une des principales pourvoyeuses de bois de chauffe et de charbon de bois des villes de Ouagadougou et de Koudougou.

L’étude a concerné quatre villages que sont : Cassou, Dao, Kou et Vrassan où un échantillon de 47 productrices de bière locale et 30 % des productrices de beurre de karité soit 45 femmes a été retenu pour les enquêtes. La dispersion de l’échantillon entre les 4 villages a été faite selon la proportion de l’effectif des productrices de beurre recensées dans chaque village par rapport à l’effectif total.

Ce qui a permis de retenir :

28 femmes à Vrassan 7 à Dao 5 à Cassou et à Kou.

Des entretiens semi-structurés et des suivis qualitatifs ont été effectués dans les 04 villages sites. L’ensemble des données ont été saisies à l’aide du tableur Microsoft Office Excel et analysées à l’aide du logiciel IBM SPSS Statistics 20. Pour comprendre les raisons de préférence de certaines essences de bois-énergie par les femmes productrices de la bière locale et du beurre de karité, des échantillons de bois de ces essences ont été prélevés et envoyés au Laboratoire des Systèmes d’énergies Renouvelages et Environnement de l’Institut de recherche en Sciences appliquées et technologies (IRSAT) du Burkina Faso pour analyse.

Le Pouvoir Calorifique Inférieur (CPI) moyen en Mégajoule par Kg de matière sèche (Mj/kg) a été estimé à l’issu de 3 mesures sur chaque échantillon de bois des espèces de bois-énergie à 0% d’humidité dans une bombe calorimétrique suivant la norme NF M03-005.

3. Résultats

Au total dix-neuf (19) espèces ligneuses ont été citées comme servant de bois d’énergie pour les préparatrices de bière locale et de beurre de karité dans la zone de l’étude (Tableau 1).

Tableau 1 : Liste des espèces ligneuses utilisées comme bois-énergie

Parmi ces espèces, il ressort 4 qui sont fortement utilisées, 4 autres moyennement et 11 faiblement utilisées (figure 1).

Anogeissus leiocarpa, Burkea africana, Detarium microcarpum et Vitellaria paradoxa se présentent comme celles qui sont fortement utilisées par les femmes comme bois d’énergie pour la préparation du beurre de karité et de la bière locale. En zone sahélienne Camerounaise, Folefack et Abou (2009) ont aussi rapporté Combretum glutinosum, Balanites aegyptiaca, Anogeissus leiocarpa et Prosopis africana comme espèces prioritairement utilisées comme bois de chauffe. Pour Traoré et al. (2011), les espèces suivantes : Detarium microcarpum, Anogeissus leiocarpa, Prosopis africana, Pterocarpus erinaceus, Combretum collinum, Hymnocardia acida et Pericopsis laxiflora sont les plus prisées par les utilisatrices pour leur bois de feu. Les résultats de ces auteurs sont donc en accord avec ceux de la présente étude.

Les pouvoirs calorifiques des espèces utilisées sont présentés dans la figure 2.

Crossopterix febrifuga et Burkea africana montrent les pouvoirs calorifiques les plus élevés alors que Parkia biglobosa et Vitellaria paradoxa ont un pouvoir calorifique relativement plus bas (voir figure 2).

L’estimation du pouvoir calorifique a montré que ce sont les espèces fortement à moyennement utilisées qui ont un bois à pouvoir calorifique élevé. Les femmes de la zone d’étude les ont caractérisés en ces termes : « la grande vivacité de leurs flammes pendant la combustion », « leur longue durée de consumation », et par le fait qu’ « elles dégagent moins de fumée et d’étincelles ». Ajonina & Usongo (2001) notent que le pouvoir calorifique d’une espèce et la capacité à se consumer lentement sont des critères de choix des espèces comme bois-énergie.

Selon Folkfack et Abou (2009), la préférence des espèces comme bois-énergie est liée au fait qu’« elles brûlent bien et lentement, donnent moins de fumée et produisent beaucoup de charbon ». Gning et al. (2013) ont cité Vitellaria paradoxa parmi les espèces les plus utilisées comme bois de feu au Sénégal en argumentant que les préférences des populations des espèces sont justifiées par leurs pouvoirs calorifiques et les avantages liés à leurs combustions (flamme suffisamment vive, durée de consumation assez longue et dégage moins de fumée et d’étincelles).
Selon la réglementation forestière au Burkina Vitellaria paradoxa et Parkia biglobosa sont des espèces protégées et elles ne devraient donc pas être exploitées comme bois de chauffe. Si les populations enfreignent à cette réglementation en utilisant préférentiellement Vitellaria paradoxa comme source d’énergie c’est sans doute pour ses caractéristiques calorifiques intéressantes.

L’exploitation à grande échelle des espèces prioritaires comme bois de chauffe combinée aux effets du changement climatique constitue une menace à la diversité floristique (Ali et al ; 2016). Des actions de plantations d’espèces agroforestières exotiques telles Acacia sp., Azadiracta indica (neem), Eucalyptus camaldulensis ont été effectuées dans l’optique d’améliorer les potentialités en bois d’énergie et cela mérite d’être poursuivi avec les essences fortement sollicitées.

4. Conclusion

La connaissance des préférences des espèces prioritaires utilisées comme source d’énergie par les femmes devient alors une information cruciale de la restauration du couvert végétal des terroirs villageois. Pour les campagnes de plantation d’arbres et de régénération naturelles assistées, ces espèces préférées des femmes doivent être massivement produites par les pépiniéristes du secteur privé, des organisations non gouvernementales ainsi que des services forestiers des Etats des pays du Sahel. Avec le haut potentiel de séquestration de carbone que cela représenterait, les Contributions Nationales Déterminées pour lesquelles les pays se sont engagés à l’Accord de Paris sur le climat se trouveraient donc renforcées.

COULIBALY-LINGANI Pascaline
CNRST/INERA/Laboratoire de l’Environnement et des Ecosystèmes Forestiers, Agroforestiers et Aquatiques/Ouagadougou/Burkina Faso

5. Pour en savoir plus

Ajonina G. N. & Usongo L., 2001 : Preliminary assessment of wood utilization
impact and conservation prospects of coastal mangrove forest of Douala-Edea reserve Cameroon. Tropical 7 (2-3) : 137-149.

Ali A., Abdou L., Douma S., Mahamane A., Saadou M., 2016 : Les ligneux alimentaires de soudure dans les communes rurales de Tamou et Tondikiwindi : diversité et structure des populations. Journal of Animal &Plant Sciences. Vol.31, Issue 1 : 4889-4900, http://www.m.elewa.org/JAPS.

Alassane Dao A., Coulibaly/Lingani P., Lamien N, 2020. Préférences des femmes et pouvoir calorifique d’essences de bois d’énergie utilisées pour la cuisson de la bière locale et du beurre de karité au Burkina Faso. Journal of Applied Biosciences 156 : 16139 - 16146 ISSN 1997-5902

Folefack D. P., Abou S., 2009 : Commercialisation du bois de chauffe en zone sahélienne du Cameroun. Sécheresse 2009 ; 20 (3) : 312-8.

Galland J.P., 2014 : 1er portail d’infos pratiques sur l’habitat durable et la transition énergétique, article : Isolation, chauffage, énergies, http://www.acqualys.fr/page/bois-de-chauffage-pouvoir-calorifique-pci-pcs-sechage-stockage.

Gning O. N., Sarr O., Gueye M., Akpo L.E., Paul Marie N. 2013 : Valeur socio-économique de l’arbre en milieu malinké, Sénégal. J. Appl. Biosci. 2013, vol 70, pp 5617– 5631, ISSN 1997–5902

INSD, 2017. Tableau de bord social du Burkina Faso. 287 p. Accessible à http://www.insd.bf/n/contenu/pub_periodiques/tableaux_de_bord/TBS/TBS_2017.pdf

communautaires sur les services écosystémiques d’approvisionnement fournis par le peuplement ligneux de la Réserve de Biosphère du Ferlo (Sénégal). Vertigo Volume 14, Number 2, September. pp 1492-8442 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1034699.

Traore L., Ouedraogo I., Ouedraogo A. et Thiombiano A., 2011 : Perceptions, usages et vulnérabilité des ressources végétales ligneuses dans le Sud-Ouest du Burkina Faso Int. J. Biol. Chem. Sci. 5(1) : 258-278. Available online at http://ajol.info/index.php/ijbcs

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