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Stéréotypes de Genre et Leadership

Publié le dimanche 13 mars 2022 à 21h00min

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Stéréotypes de Genre et Leadership

Sur les champs des luttes d’émancipation des femmes, que de sueurs, que de larmes et de sang ont coulé. Malgré, les grands sacrifices des pionnières de la lutte pour l’égalité des chances et des droits humains, le chemin est encore caillouteux, cabossé et miné par les pesanteurs socioculturelles d’une rare vivacité.

L’idée n’est pas de favoriser la femme par rapport à l’homme. Les femmes battantes n’en veulent pas de cette condescendance masculine. Les femmes veulent juste être considérées dans toute leur dimension humaine. Le combat des femmes s’apparente aujourd’hui aux luttes raciales. De la même manière que l’on ne choisit pas son sexe, c’est de cette même manière que l’on ne choisit pas sa couleur de peau. Toutes les caractéristiques communautaires humaines regorgent des talents, des génies, des tarés et des brebis galeuses.

Cette loi de la relativité humaine naturelle, doit nous interpeller et nous guider constamment, au nom d’une humanité où il ferait mieux vivre. Toutes les injustices et partant toutes les crises naissent et se développent par la négation de cette loi. Une négation nourrie par les égoïsmes, les égocentrismes, les préjugés et les idées suprématistes.

L’objectif de cette publication est de contribuer à réorienter le regard sur la femme par rapport aux questions de Management et du Leadership.

Du management de sa vie au management des organisations, l’idée profondément ancrée qu’il faut décider pour la femme, court toujours. Dans certaines sociétés, lorsqu’une femme à de l’audace, elle est catégorisée de manière péjorative à celle qui s’appartient, l’indépendante, l’autonome. Chez les Mossi par exemple ce type de femme est caractérisée de « sogue m ming soaba ». La femme n’est bien vue que lorsqu’elle vit sous l’ombre d’un homme, qui lui montre la voie, comme on guiderait un enfant.

L’Homme étant le produit d’un processus de socialisation, les codes de reproductions sociales sont si bien élaborés avec le temps, qu’ils paraissent innés. De ces faits, indifféremment de la couche sociale, du secteur d’activité et du niveau d’instruction, les mêmes reflexes discriminants et infantilisants la femme sont perceptibles. Les plus subtiles sont trahis par leurs actes quand certains réclament fièrement leur féodalité.

Au cours des trente dernières années, la plupart des pays ont vu les femmes entrer en nombre croissant sur le marché du travail. L’industrialisation plus généralisée des économies comme l’expansion des services financiers et publics, ont ouvert aux femmes de nouvelles possibilités aussi bien dans les pays développés qu’en développement. A des degrés divers selon le pays, les évolutions économiques, politiques et légales ont favorisé une évolution propice au travail des femmes dans tous les domaines d’activités. Cependant, la féminisation de l’encadrement et des fonctions hautement qualifiées a souvent suivi un rythme lent, dans la plupart des pays [1].

Aux États-Unis par exemple, des résultats de recherches montrent que les femmes diplômées entrent sur le marché du travail à un niveau comparable à celui de leurs collègues masculins, présentent les mêmes références, et ont les mêmes attentes ; mais il apparaît que les expériences et les itinéraires professionnels des hommes et des femmes dans les entreprises divergent très vite [2].

Dans de nombreux domaines, même lorsqu’une femme a des compétences avérées, on ne recourt à elle que lorsqu’il y a des clauses contractuelles rigides comme des contraintes rédhibitoires. Ce type de recourt est donc artificiel et non naturel.
L’absence de neutralité des valeurs organisationnelles, le problème de conciliation entre vie privée/professionnelle ou encore les préjuges socioculturels sont autant de facteurs entravant le développement du leadership des femmes au point qu’aujourd’hui, la femme est bien souvent sanctionnée par la société avant même qu’elle ait prouvé ses compétences et ses capacités à manager.

A la décharge des féodaux de tout poil, il y a des femmes qui acceptent sciemment ou inconsciemment la chosification, l’infantilisation, l’assistanat et réclament à cor et à cris des promotions parce que femme. Leur abondance est un indicateur traduisant que la féodalité a encore de beaux jours.

Et pourtant, que cette reproduction sociale soit le fait des hommes ou des femmes elles-mêmes, en persistant dans ces perceptions et ces comportements, on passe à côté d’un paquet d’opportunités humaines. Car, il n’y a pas de management de femme et de management d’homme. En effet les résultats de Sarah Saint-Michel chercheure au Centre de Recherches en Management a montré dans une étude publiée en 2011 (résultats de 25 enquêtes européennes et américaines) qu’Il n’y a pas de différence majeure entre les dirigeants hommes et femmes. Leurs traits de personnalité et leur style de leadership sont les mêmes (Le sexe n’était pas une variable pertinente) [3]

Le sexe de l’individu ne détermine donc pas ses comportements de leadership. La faible représentation des femmes à des fonctions de direction ne s’expliquerait pas, par un genre de leadership différent de celui des hommes. Ce n’est pas parce une femme à un poste de direction, qu’elle impactera une dynamique de leadership spécifique, articulée autour de la douceur, de la bienveillance et de la communication. Et inversement, la promotion d’un homme n’entraînera pas un style de management autoritaire, directif et dominant. Le sexe de l’individu n’a probablement aucune incidence sur la performance et l’exercice d’un leadership efficace [4].

C’est pourquoi, la notion de « leadership au féminin », bien que très tendance, est un faux débat et ne saurait prospérer dans un domaine où le seul juge de paix est la performance. On ne peut soutenir résolument que les femmes seraient plus enclines au leadership participatif faite de douceur, d’écoute, de discrétion et d’empathie que leurs homologues masculins plus directifs, autoritaires et rigoureux.

Le leadership est une qualité humaine intrinsèque. Il est important et essentiel pour chacun et chacune de trouver le juste équilibre la mise en œuvre de son style de leadership [4]. Toujours est-il qu’à la fin, « les leaders des deux sexes déploient un style similaire et l’évaluation de l’efficacité du manager est identique » [5]

Si l’on souhaite porter le leadership plus loin et en faire l’outil de changement dont nous rêvons tous, il devient indispensable de rompre avec les stéréotypes de genre. L’agilité, l’ambition, la gestion de soi, le sens politique, la capacité à prendre des risques, l’altruisme, la bienveillance, la flexibilité et la créativité ne sont pas l’apanage des hommes ni des femmes. Ce sont des ‘’qualités asexuées’’ que tous les leaders d’aujourd’hui doivent développer pour faire face à un monde en perpétuel changement

Dans l’art de l’innovation managériale, chaque individu, peu importe son genre, doit apprendre à puiser dans son intelligence émotionnelle pour créer du lien avec ses équipes, tout en sachant se montrer directif lorsque nécessaire. Autrement dit, exercer un leadership efficace résulte d’un doux mélange entre écoute, communication, bienveillance, management agile,
assertivité et fermeté [5]

Nous croyons fermement et profondément que « Les femmes ont droit à une participation pleine et entière, et la société a besoin du principe féminin pour équilibrer et compléter le principe masculin »

En dépit de leurs compétences acquises au prix fort de nombreux sacrifices, les femmes qui prétendent aux fonctions managériales, plus valorisantes et aux meilleures rémunérations se heurtent à un plafond de verre (barrière sociale ou professionnelle implicite, empêchant l’ascension à certaines catégories de personnes), résultat d’une longue cristallisation de tares et d’injustices sociales [6, 7].

La lutte contre ces injustices, loin des ‘’djandjobas ‘’, des ‘’folklores’’et des ‘’gais déguisements circonstanciels’’, passe par un véritable changement culturel : une forme de révolution culturelle centrée sur l’humain et où le sexe n’apparait que pour voir comment optimiser sa contribution au sens commun.

En effet, si les femmes ne progressent pas dans leur carrière, ce n’est peut-être pas tant qu’elles font l’objet de discriminations avérées, mais plutôt parce que les règles implicites de fonctionnement de l’entreprise sont le reflet de mode de fonctionnement masculin. Ces règles ont été construites par des hommes et pour des hommes [6,7].

En somme, la participation des femmes aux postes de décision est un enjeu majeur du management de demain. Les femmes doivent en être pleinement conscientes et se doter les moyens qui leurs permettraient d’occuper utilement toutes les niches de pouvoir de décision sans exception. Il ne s’agit pas de répondre à la complétude d’une proportion. Le quotas genre étant une acceptation implicite d’une infériorité qu’il faut combler artificiellement et mécaniquement.

Et que gagnerait une société en recalant des hommes compétents au profit de femmes moins compétentes sous le fallacieux prétexte de l’approche genre ? Il s’agit plutôt de respecter simplement et réellement la politique de l’égalité des chances afin que tout être, fille ou garçon puisse poursuivre ses rêves et ses ambitions, sans effets du sexe, quel qu’il soit.

Définitivement, les femmes doivent se retrousser les manches, aussi haut que les hommes le font, peut-être même plus. C’est par leurs compétences professionnelles d’une rare sophistication qu’elles s’imposeront et gagneront le respect de leurs homologues et collaborateurs.

Dr Bougouma Edith Christiane
Pharm.D, Ph.D. en Santé Publique et Microbiologie
(Certifiée en SMQ /QHSSE Gestion des Risques/
Gestion des Conflits/Gestion des projets)

Références :

1. Wirth Linda, Breaking through the glass ceiling. Women in management Geneva, international Labour office , 2001 (Updated version in 2004 included) (ilo.org)
2. Catalyst, (2000). 2000 Catalyst Census of Women Corporate Officersand Top Earners. https://www.catalyst.org/wpcontent/uploads/2019/02/2000_ catalyst_census_women_corporate_officers.pdf
3. Sarah Saint-Michel (20110 L’ impact du genre sur les traits de personnalité des leaders et les effets sur le style de leadership .http://www.theses.fr/2011PA010056
4. Leadership féminin, vers un futur égalitaire en management (moovone.eu)
5. Davidson, Marilyn J, et Ronald J. Burke (2004). « Les femmes dans le management. Une perspective mondiale », Revue française de gestion, vol. no 151, no. 4, 2004, pp. 129-14. https://doi.org/10.3166/rfg.151.129-144
6. Gary N. Powell, D. Anthony Butterfield, Jane D. Parent (2002) Gender and Managerial Stereotypes : Have the Times Changed ? First Published April 1, 2002 Research Articlehttps://doi.org/10.1177/014920630202800203
7. Reille, C. (2009). Les femmes et le top management Résultats d’une étude sur la mixité dans les postes de décision. Humanisme et Entreprise, 295, 89-95. https://doi.org/10.3917/hume.295.0089

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Vos commentaires

  • Le 14 mars 2022 à 08:02, par Maiga En réponse à : Stéréotypes de Genre et Leadership

    Article très intéressant et bien écrit..
    Tant que nous serons confronté à ce problème, nos sociétés auront des problèmes.

  • Le 14 mars 2022 à 12:24, par Hama En réponse à : Stéréotypes de Genre et Leadership

    Les vérités historique sont difficiles à démentir...De nombreuses générations d’Hommes ont grandi ayant en tête qu’ils sont supérieurs les uns par rapport aux autres...je pense que pour que les lignes bougent a ce sujet il faudra l’implication de toutes les couches sociales (coutumière et religieuses surtout) et politique...il est temps qu’on redefinisse certaines réalités et valeurs...en conclusion la femme doit retrouver un rôle honorable dans la société pour le bien de l’humanité dans le strict jeu de l’égalité entre sexes...

  • Le 15 mars 2022 à 12:33, par Ida Rachel En réponse à : Stéréotypes de Genre et Leadership

    Très bonne analyse : je pense l’on gagnerait à repenser l’approche genre car très souvent, elle intègre cette notion de "quota" soit disant en "faveur des femmes", ce qui ne les valorise point.
    Je pense très sincèrement qu’il faudrait travailler à ce que chacun (hommes comme femmes) ait sa place dans la construction, le développement de nos pays à travers cette affirmation de soi ! L’acceptation de l’égalité des chances est un préalable pour amorcer le vrai développement du leadership des femmes dans nos sociétés africaines en particulier.

  • Le 16 mars 2022 à 15:42, par Ariel IBATA En réponse à : Stéréotypes de Genre et Leadership

    Article très instructif et aux antipodes des tendances féministes qui consistent simplement à réclamer des droits ou des postes en se fondant uniquement sur le genre.
    Seul en effet la compétence devrait faire la différence entre deux candidats indépendamment de leur genre.
    Cependant, favorisé les femmes dans certains secteurs de l’économie en mettant des quotas n’est pas mal en soi. Dans la mesure où des siècles d’injustice ont été à l’origine de la mise à l’écart des femmes dans certains métiers. Un rééquilibrage est donc parfois nécessaire.

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