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Manifestations du 22 janvier 2022 à Ouagadougou : Sur les traces des commerçants Sayouba Ouédraogo et El hadj Abdoul Rachid Karanga, victimes d’incendie

Publié le mardi 22 février 2022 à 13h03min

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Manifestations du 22 janvier 2022 à Ouagadougou : Sur les traces des commerçants Sayouba Ouédraogo et El hadj Abdoul Rachid Karanga, victimes d’incendie

Les séquelles de cette journée de marche de protestation contre le pouvoir Kaboré (samedi, 22 janvier 2022) sont encore vivaces chez Sayouba Ouédraogo et El hadj Abdoul Rachid Karanga dont les commerces ont entièrement été consumés pour le premier et partiellement touchés pour le second. Le sinistre serait parti des tirs de grenades lacrymogènes des forces de l’ordre dans leur poursuite des manifestants. Un mois après cette triste journée, Lefaso.net est reparti ce lundi 21 février 2022 sur les lieux sis à quelques encablures au sud du grand marché de Ouagadougou. Si El hadj Abdoul Rachid Karanga reprend progressivement ses activités, tel n’est pas le cas pour Sayouba Ouédraogo dont les décombres subsistent toujours, comme si le sinistre s’était produit hier, tant les dégâts sont importants.

Grossiste de sucre et de thé, El hadj Abdoul Rachid Karanga est une victime moins touchée que son voisin du nord, l’épicentre de l’incendie. Ayant son bureau et son magasin contigus au magasin de Sayouba Ouédraogo, son commerce a été inondé, ses murs et plafonds endommagés par les flammes et l’eau. Il était absent des lieux au moment des faits, les commerçants de la zone ayant décidé de ne pas ouvrir leurs commerces en cette journée de manifestations.

Ce sont les voisins, les collaborateurs et même des manifestants qui ont dû forcer les portes pour extraire les marchandises dont certaines avaient déjà pris de l’eau. « Comme cela est toujours le cas dans ce genre de situations, il y en a qui ont profité pour partir avec des marchandises. Les pertes à ce niveau sont estimées à deux millions de francs CFA », rappelle El hadj Abdoul Rachid Karanga, rendant grâce à Dieu pour avoir limité les dégâts.

Un mois après, il tente de refaire ses bureaux et magasin. Nous constatons à notre passage que l’essentiel des travaux étaient finis. Peinture, plafonds, comptoir, box d’accueil, carreaux ont été refaits et de nouvelles caméras de surveillance replacées. « Je n’ai pas le choix, il fallait tout reprendre pour pouvoir honorer les engagements. (…). Je peux rendre grâce à Dieu par rapport à mon frère et voisin qui a vraiment tout perdu. C’est vraiment déplorable dans un contexte où les commerçants ne s’en sortaient pas. Des pratiques qui étaient en cours dans l’administration avec certaines autorités n’étaient pas de nature à rendre service aux acteurs du commerce et aux populations. Quand à cette souffrance s’ajoute cette situation, ça devient encore compliqué », soupire El hadj Abdoul Rachid Karanga. Il assure cependant ses partenaires nationaux et internationaux ainsi que ses clients de sa ferme volonté à honorer ses engagements.

El hadj Abdoul Rachid Karanga réaménage dans ses locaux.

A la question de savoir s’il a reçu une visite de l’administration, l’opérateur économique répond par la négative. S’il ne semble pas s’en plaindre, El hadj Abdoul Rachid Karanga saisit le moment pour lancer un appel aux nouvelles autorités sur la nécessité de déconnecter, dans les réformes, l’économique du politique. « Vous aviez des ministres du commerce qui possédaient des sociétés. Ils travaillaient donc à nuire aux autres, dans le but de s’approprier le marché. (…). Ils étaient dans une traque contre les vrais commerçants. C’est un comportement qui tue l’économie d’un pays et rend la vie difficile aux populations. Nous avons beaucoup souffert de cette accointance, nous souhaitons donc que les nouvelles autorités veillent sur cette préoccupation. Ça va soulager tout le monde, à commencer par les populations », a-t-il détaillé.

Sayouba Ouédraogo, lui, a toujours les yeux rivés sur les ruines de son magasin. Un mois après le sinistre, le matériel calciné et les traces des flammes témoignent de l’importance du sinistre. Spécialisé dans la vente du matériel médical, de chirurgie, de consommables et matériels de laboratoire et bien d’autres mobiliers médicaux, Sayouba Ouédraogo pleure 27 années de travail parties en fumée. Parlant des pertes, Sayouba Ouédraogo ne veut, pour le moment, pas avancer de chiffres. « La police et la gendarmerie sont venues faire le constat, on attend le résultat », s’impatiente-t-il. Mais elles sont estimées à plusieurs centaines de millions, voire un peu plus du milliard par des proches interrogés le jour du sinistre.

Ici, dans le magasin de Sayouba Ouédraogo, l’ampleur des dégâts se constatent toujours avec ces femmes qui tentent de rassembler les débris

Aujourd’hui, Sayouba Ouédraogo est orienté vers des recherches de solutions pour pouvoir se relancer et redonner espoir, pense-t-il, à ses nombreux employés et collaborateurs. A notre passage, deux femmes, vêtues de leur blouse de travail, mettaient un peu d’ordre sur les lieux. Regards tristes, le travail de ces femmes consiste désormais à rassembler le matériel et autres consommables calcinés. La tristesse se lit toujours sur les visages. « Je suis à la maison, je vais faire comment, je n’ai plus rien à faire là-bas », a réagi Sayouba Ouédraogo, lorsque nous l’avons joint au téléphone à notre passage.

Rappelons qu’au cours de la même journée, et dans des manifestations similaires, des incendies de boutiques ont été également enregistrées à Bobo-Dioulasso (capitale économique). Là également, les projectiles de gaz lacrymogène des forces de l’ordre ont été mis en cause par des manifestants.

Aussi, un journaliste de la télévision LCA, Ibrahim Compaoré, a été blessé au bras à Ouagadougou par une bombe lacrymogène. Un mois après, l’intéressé est toujours en convalescence.

O.H.L
Lefaso.net

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