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Procès de présumés terroristes au Burkina : Deux combattants d’Ansaroul Islam de Malam Dicko condamnés à 20 ans de prison ferme

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Publié le mardi 10 août 2021 à 23h27min

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Procès de présumés terroristes au Burkina : Deux combattants d’Ansaroul Islam de Malam Dicko condamnés à 20 ans de prison ferme

Pour cette deuxième journée des audiences pour actes et faits de terrorisme, N.A. et D.A. étaient appelés à la barre. Tous deux membres du groupe Ansaroul Islam de Malam Dicko, ils auraient fait partie du commando de six personnes qui a incendié, le 2 mai 2018, l’école primaire de Bafina dans le Sanmatenga. Ils auraient en plus incendié le domicile du directeur de l’école et soustrait sa motocyclette ainsi que celle d’une autre enseignante de l’école, des téléphones portables et de l’argent. Après délibération, le tribunal les a condamnés chacun à 20 ans de prison ferme dont 15 assortis de sûreté et à payer solidairement des dommages et intérêts aux deux enseignants.

D.A est un berger qui a rencontré des membres du groupe Ansaroul Islam pendant qu’il faisait paître ses animaux. Ceux-ci lui parlent de leur groupe et le convainquent que c’est en les rejoignant qu’il pourra avoir la chance de rencontrer Dieu au paradis. Convaincu par ceux-ci et les prêches de Malam Dicko, il vend un de ses animaux et acquiert une kalachnikov à 430 000 FCFA, pour faire le djihad et convaincre les populations d’adhérer à sa religion et appliquer la Charia.

Quant à N.A, il était orpailleur. C’est en écoutant les différents prêches, qu’il se radicalise et rejoint le groupe Ansaroul Islam. Il y faisait des corvées d’eau et de cuisine, et participait aux différentes formations organisées. C’est après huit mois au sein du groupe qu’il est envoyé le 2 mai 2018, avec cinq autres personnes dont D.A pour, dit-il, affronter le groupe d’auto-défense Koglweogo de Gendbila qui leur avait déclaré la guerre. Une fois à Bafina, dans le Sanmatenga, ils vont violenter le directeur de l’école A.D, retirer sa motocyclette ainsi que d’autres biens et incendier sa maison avec tous ses effets personnels à l’intérieur.

Ils visitent également l’enseignante B.C et emporte sa motocyclette, son téléphone portable et de l’argent. Ils incendient également le seul bâtiment de l’école construit en dur, le reste des classes étant fait de paillottes. C’est en tentant de prendre la fuite que D.A et N.A seront appréhendés par les Koglweogo et remis aux forces de l’ordre.

Pourquoi s’en prendre aux enseignants et à l’école ?

Interrogés sur la raison qui les a poussés à s’en prendre à l’école et aux enseignants, alors qu’ils étaient initialement venus pour les Koglweogo, les accusés répondent sans détour. Les enseignements qui y sont donnés sont contraires aux dispositions de la Charia prônée par le groupe Ansaroul Islam. Ils ont même fait savoir aux enseignants que s’ils voulaient continuer à instruire les élèves, ils devaient le faire en langue arabe.

Dans le cas contraire, ils auraient de sérieux ennuis à leur prochain passage. De plus, l’école représente pour eux un symbole de l’Etat qu’il faut faire disparaitre afin d’instaurer la Charia et appliquer ses lois. D.A et N.A disent ne pas reconnaître les lois de l’Etat burkinabè. C’est pourquoi, ils n’ont pas jugé nécessaire de se prémunir d’un permis de port d’arme à feu avant d’en acquérir.


Lire aussi Attaques terroristes au Burkina : Des présumés combattants répondent devant la Justice burkinabè


Sont-ils conscients des conséquences de leurs actes ?

« Êtes-vous conscients qu’à cause de vos actes, des Burkinabè ne peuvent plus mener paisiblement leurs activités et certains ont dû quitter leurs villages pour se réfugier en ville où ils ne connaissent personne, et sont obligés de mendier pour vivre ? » A cette question du juge, N.A affirme ne pas vouloir faire souffrir quelqu’un par ses actes. Selon lui, l’application de la Charia est une mission confiée à lui par Dieu et il ne fait que l’exécuter. C’est pourquoi ils s’en prennent aux symboles de l’Etat, pour le contraindre à appliquer la Charia sur tout le territoire. Et à la question de savoir pourquoi donc certains groupes s’en prennent aussi aux civils, N.A répond que ceux-ci en font trop et rendent la vie impossible aux populations, alors qu’elles ne sont pas leurs principales cibles.

Face aux juges, N.A. et D.A. ont reconnu les faits d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, de dégradation de biens et de détention illégale d’armes à feu et de munitions. Ils ont cependant réfuté l’accusation de vol pour les biens matériels des enseignants, estimant que lorsque l’on va faire la guerre à son ennemi, les biens récupérés constituent leur butin. Le tribunal a permis aux victimes que sont A.D et B.C de relater leurs versions des faits et estimer le montant des préjudices subis.

Au cours de ses réquisitions, le procureur a soutenu que les agissements des deux présumés terroristes n’avaient rien à voir avec la religion qu’ils défendaient bec et ongles. Pour lui, ils étaient bien conscients de la nature du groupe Ansaroul Islam en l’intégrant et de la gravité des actes posés. C’est pourquoi le procureur a requis qu’ils soient condamnés chacun à 20 ans de prison ferme avec 15 ans de sûreté.

Le tribunal a abondé dans ce sens, en condamnant les prévenus à la peine requis par le procureur. Il les a aussi condamnés à payer solidairement la somme de 2 975 074 FCFA à A.D et 758 000 FCFA à B.C au titre des dommages et intérêts. Les condamnés ont 15 jours à compter de la prononciation du verdict pour faire appel.
Le deuxième dossier du jour qui devait être jugé, a été renvoyé au jeudi 12 août 2021. L’audience reprendra le mercredi 11 août 2021 à partir de 08h.

Armelle Ouédraogo
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