Création de Forces spéciales : Des organisations redoutent un escadron de la mort
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C’est autour de la préoccupation sécuritaire, avec notamment la tuerie de Solhan, que la Coordination nationale des organisations de la société civile (COP) s’est prononcée, à travers une conférence de presse, ce mercredi 16 juin 2021 à Ouagadougou. Pour l’occasion, les responsables de l’organisation se sont inquiétés de la création des Forces spéciales.
Par décret signé du 2 juin 2021, le président du Faso a annoncé la création, au sein des forces armées nationales, de « Forces spéciales » avec pour mission « de mener des opérations spéciales visant à atteindre des objectifs d’intérêt stratégique le plus souvent en dehors des cadres d’opérations conventionnelles ». Analysant le contexte national, les porte-parole de la Coordination nationale des organisations de la société civile (COP) se sont inquiétés de cette décision et, ce, pour plusieurs motifs.
En effet, selon les conférenciers, Marcel Tankoano et Pascal Zaïda, la création des forces spéciales est « une perte de temps inutile », car de leur avis, une telle décision aurait pu intervenir depuis les premiers moments des attaques (janvier 2016 avec l’attaque de Cappuccino). « Aujourd’hui, le ver se trouve dans le fruit », concluent-ils.
Aussi, prenant le cas de l’ex-RSP (Régiment de sécurité présidentielle), chargé d’avoir été à la solde d’un pouvoir pour des missions pas catholiques, les intervenants à la conférence se disent convaincus que cette force spéciale sera un instrument de règlement de comptes (ceux qui seront dans les opinions contraires au pouvoir seront en ligne de mire). Ils en veulent pour illustration que le pouvoir est de plus en plus hostile aux critiques et allergique à la vérité.
Ils estiment en outre que la création de cette force spéciale peut créer un sentiment de frustration dans les Forces armées nationales. De leur avis, autant l’ex-RSP a été taxé de n’être pas une armée républicaine, autant cette force en gestation apparaît comme un « RSP bis », quand bien même ils disent reconnaître que si le RSP était toujours en activité, « aucune portion du territoire national n’allait aujourd’hui être occupée ».
« Il faut construire une armée républicaine, qui protège les populations », suggèrent-ils, ajoutant qu’il y a des hommes au Burkina capables de faire face à la situation et à qui il faut avoir le courage de faire appel.
Pour les responsables de la COP, ce qui est en jeu aujourd’hui n’est pas une affaire de personnes, mais plutôt une urgence de préserver l’intérêt général. Les conférenciers disent être meurtris par cette situation où des enfants de deux ans sont assassinés, après avoir assisté à l’égorgement de leurs parents, pour des choses de la vie qu’ils ignorent.
« Pourquoi les mines ne sont pas attaquées et ce sont les populations qui le sont ? C’est parce qu’elles ont signé un contrat de sécurisation avec le gouvernement burkinabè. Pourquoi ne pas le faire aussi pour les populations ? », s’interrogent les conférenciers, expliquant que dans une commune de l’Est, la population est empêchée par les terroristes de sortir pour trouver refuge dans les pays voisins, et personne n’y entre.
« Ils (les terroristes) font ce qu’ils veulent maintenant. Et cela se passe à un jet de pierre d’une position militaire. (…). Je ne vous souhaite pas de voir quelqu’un égorgé, posé, pourri », rapportent-ils de la situation du terrain. Ils interpellent les décideurs à ne pas limiter le Burkina aux seules Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, et aux autorités coutumières et religieuses à « parler » au président Roch Kaboré de changer le fusil d’épaule.
Pour la COP, la situation du pays est tellement grave qu’elle s’interroge sur l’inertie de l’opposition et des syndicats. « Même s’ils (les dirigeants, ndlr) ont mis du ‘wack’ dans l’eau pour que personne ne puisse parler, qu’ils sachent que ça va passer et les gens vont se lever », émettent-ils.
Les responsables du M21 (Mouvement du 21 avril), Marcel Tankoano, et du Cadre d’expression démocratique (CED), Pascal Zaïda, rappellent au pouvoir que le Burkina n’appartient ni à une entité politique, ni à un clan quelconque, mais à l’ensemble des Burkinabè. Ils déplorent que la vie humaine soit si banalisée au Burkina.
O. L
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