Actualités :: Lettre ouverte au président du Faso : "L’heure est grave"

Dans sa lettre ouverte au président du Faso, monsieur Olivier Hien, membre du Comité des cadres de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD), demande le désengagement immédiat et total de celui-ci de la crise ivoiro-sous-régionale.

Monsieur le Président,

Vous avez prêté serment de respecter la Constitution, de veiller à la sécurité collective. Mais vos comportements ont plusieurs fois été à l’opposé de votre serment.

Plus d’une fois, sans avoir reçu le feu vert de l’Assemblée, vous avez engagé le pays dans des aventures. Plusieurs fois, vous avez monté des opérations qui ont violé les interdits constitutionnels. Plusieurs fois encore, vous avez refusé de donner suite à des lois votées, et plus grave, vous avez charcuté la Constitution en vue de substituer votre volonté à celle du peuple souverain et d’instaurer la monarchie républicaine.

Tout le long de vos mandats successifs, vous avez ainsi gouverné, mettant sous coupe réglée l’économie du pays, violant les droits humains fondamentaux, domestiquant la justice, parodiant la démocratie. Vous vous êtes ainsi rendu passible de poursuites pour atteinte à la Constitution conformément à l’article 166 qui dispose que « La trahison de la Patrie et l’atteinte à la Constitution constituent les crimes les plus graves commis à l’encontre du peuple".

On peut dire aujourd’hui, avec la situation qui prévaut en Côte d’Ivoire, que vous êtes allé trop loin dans le mépris de la loi fondamentale. Malgré vos dénégations et celles de vos partisans, la preuve est maintenant faite que vous avez, sans l’assentiment du Parlement, sans l’habilitation du peuple, et en violation donc des lois de la République et des lois internationales, offert notre territoire national à des mercenaires, à des hommes sans foi ni loi que vous avez blanchis, nourris, logés, soutenus matériellement, diplomatiquement, financièrement, militairement, bref aidés selon un plan prémédité à envahir la Côte d’Ivoire.

Le serment de la JNP n’est pas respecté

Vous l’avez fait, circonstance aggravante, au lendemain même d’un autre serment pris devant le peuple, au cours de la Journée nationale de pardon, de gouverner dorénavant le pays comme un bon président, comme un bon père de famille.

Une journée au cours de laquelle vous avez juré : « Plus jamais ça !". En ne respectant pas ce serment, vous avez plongé le peuple ivoirien, comme naguère vous l’avez fait des peuples libérien, sierra léonais..., dans une guerre douloureuse, abominable, dont on n’a pas encore fini de mesurer les conséquences.

Monsieur le Président, en violant votre serment, vous avez fait baisser le niveau des valeurs citoyennes, vous avez aussi troublé pour longtemps la paix dans la sous-région, mis en danger nos ressortissants en Côte d’Ivoire et semé la graine de l’insécurité, de la division, de la haine au Burkina Faso. Ce pays que vous deviez pourtant gouverner dans la paix et l’harmonie.

Au moment où les rebelles, sur lesquels vous n’avez pas exercé les pressions demandées notamment par vos pairs, refusent de désarmer, et où les Forces nouvelles suspendent une énième fois leur participation au gouvernement et instaurent un couvre-feu, tout le monde sent qu’il se prépare des lendemains encore plus difficiles pour la Côte d’Ivoire, mais aussi pour le Burkina Faso.

L’éclatement d’un conflit en terre éburnéenne risque de ne pas se limiter aux frontières de ce pays, car le Faso a été, contre le gré des Burkinabé, constitué en base arrière ; les rebelles sont ici quasiment comme en pays conquis. Ils roulent carrosse, mènent la vie de château. Pendant ce temps, les armes circulent sur tout le territoire national, semant l’insécurité comme le montre la recrudescence des actes de banditisme commis avec des armes de guerre un peu partout. Par votre faute, vous exposez tout le pays au chaos !

Pour l’amour de la patrie, dites aux rebelles de rentrer chez eux

Monsieur le Président, cette attitude est si grave qu’on sent que vous seriez même prêt, pour brouiller votre responsabilité, à engager le pays dans un conflit armé en jouant sur la corde du patriotisme, vous disant en quelque sorte « Après moi, le déluge ! ».

Cette lettre est une supplique. Il est encore temps d’éviter ce drame. De grâce, pour l’amour de la patrie, dites aux rebelles de rentrer chez eux, de réintégrer le processus de désarmement. Je vous en conjure, écoutez le président Omar Bongo qui demande à sa manière directe de laisser les autorités ivoiriennes travailler, mettez par-dessus tout le peuple burkinabé à l’abri de toute aventure guerrière.

Engagez le dialogue patriotique et républicain, avec les associations, les partis politiques, les forces coutumières et religieuses pour aider à rattraper ce qui peut l’être, pour éviter que les torts que vous avez causés, ne débouchent sur l’irréparable.

En tout état de cause, j’en appelle, au nom des sans-voix et particulièrement des populations de l’Ouest, qui souffrent le plus de ce conflit, à la vigilance des Burkinabè, j’en appelle à l’engagement de la communauté internationale pour éviter que, par le chantage au patriotisme, les Burkinabé soient entraînés, à leur corps défendant, dans un conflit qu’ils n’ont jamais voulu.

L’heure est grave, de plus en plus grave. C’est maintenant ou jamais qu’il faut sortir du cycle infernal de l’ingérence ; c’est maintenant ou jamais qu’il faut sauver le peuple burkinabé du risque fatal de l’engrenage de la violence.

Monsieur Compaoré, malgré tout ce que vous avez fait, ce peuple, ne l’oubliez pas, reste un peuple pétri de paix, un peuple qui garde toujours le sens de l’indulgence. S’il vous plaît, évitez l’erreur de vouloir le contraindre, coûte que coûte, à s’approprier votre entreprise injuste en Côte d’Ivoire.

Dans l’espoir d’une écoute patriotique, Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma très haute considération.

Koudougou, le 30 octobre 2004

Olivier HIEN

Membre du Comité des cadres de l’UNDD

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