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Maël Thiam : "Le foot, c’est comme le sucre dans le dèguê"

Publié le lundi 3 octobre 2005 à 06h33min

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C’est sur le petit écran de la Télévision nationale du Burkina (TNB) que beaucoup l’ont connu, à l’occasion des débats télévisés ou sur le plateau d’animation lors des rencontres de football retransmises en direct où il fait montre de ses talents dans l’analyse des matches. Lui, c’est Maël Thiam.

Nous sommes allé à la découverte de ce Sénégalais qui dit être Burkinabè de par sa femme et ses anciens amis, enfants de troupe. Evidemment, nous avons beaucoup échangé sur le football qui l’a révélé au public.

C’est sur la TNB que beaucoup de Burkinabè vous ont connu. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

• Je suis de nationalité sénégalaise, marié et père de trois enfants. J’ai fait mes études au Prytanée militaire de Saint-Louis et les études secondaires et supérieures en France, où j’ai vécu 15 ans. J’y ai entrepris une carrière entrepreneuriale avant de rentrer au pays en fin 1998. Au Sénégal, j’ai élaboré et mis en œuvre le programme de réinsertion des anciens militaires. Au Burkina, depuis 2001, j’ai piloté le Programme d’appui aux entreprises burkinabè financé par la Coopération canadienne, avant de retrouver mon statut d’entrepreneur dans l’expertise. J’ai un cabinet dénommé Tremplin et je suis sur le point d’ouvrir un institut africain de l’entrepreneuriat et du management (IAEM), en partenariat avec l’IAM de Dakar.

Qu’est-ce qui vous a amené à vous installer au Burkina ?

• Il y a trois raisons principales. La première : au Prytanée militaire de Saint-Louis, mes meilleurs amis étaient des Voltaïques. Pendant les vacances, j’avais le plaisir de les amener chez moi, en famille. Ces promotionnaires sont, entre autres, les colonels Gilbert Diendéré, un grand joueur de volley-ball qui a plusieurs fois remporté le championnat du Sénégal ; Dominique Diendéré, (à qui je rends un vibrant hommage. Il m’a beaucoup aidé pour mon intégration au Burkina), Hien Kilmité, grand basketteur lui aussi ; Seydou Koné, hand-balleur et judoka, Antoine Sanou ; le docteur Aristide Tiendrébéogo ; Sylvain Sawadogo. J’avais déjà une famille avant de venir à Ouagadougou. La deuxième raison : ma femme est burkinabè et vous savez, qui épouse femme prend pays. Lors de mon mariage, toute l’organisation a été prise en charge par mes amis anciens enfants de troupe, au point que mes beaux-parents étaient étonnés du fait que j’aie fait autant de connaissances en si peu de temps.

Troisième raison : j’ai toujours cru que les Africains qui s’expatrient en Europe et qui ont la chance d’acquérir l’expertise ont l’obligation de retourner au bercail et de faire profiter de leur savoir au pays. J’ai constaté que le secteur privé est très récent au Burkina et il y a beaucoup à faire. J’ai donc choisi de m’y installer et de rejoindre ma première famille des anciens enfants de troupe et mon épouse, et contribuer au développement du Faso.

Pourquoi n’avez-vous pas poursuivi votre carrière dans l’armée ?

• Au départ, je voulais faire l’aviation militaire, mais avec la pression de mes parents, j’ai dû rejoindre la vie civile. Mais je garde l’esprit militaire dans son intégralité, en tout ce qu’il a comme valeurs, à savoir la rigueur, la solidarité, la stratégie, l’esprit d’équipe, la citoyenneté et la discipline.

M. Thiam sait-il taper dans le ballon ?

• J’ai été footballeur. J’ai commencé à jouer au Prytanée militaire en tant que capitaine de l’équipe et j’ai participé aux championnats scolaires. J’ai évolué dans plusieurs postes. J’ai même été gardien de but. J’ai été capitaine de l’équipe senior et entraîneur de la catégorie cadette. Et en classe de Terminale, j’ai entraîné les cadets de l’As-Ganaw dans le cadre des championnats populaires des vacances dans un quartier dakarois.

En France, le football m’a beaucoup aidé pour financer mes études en ce sens que j’évoluais dans un club qui s’appelait l’As-Villeurbanne. J’ai dû abandonné le terrain suite à deux fractures pour m’inscrire au stage d’entraîneur de la région rhônale, d’où je suis sorti 3e. J’ai par la suite entraîné des cadets au championnat de France (6e au classement) et remporté le tournoi international d’ Orléans .

J’ai également coaché la sélection de la région lyonnaise et j’en ai profité pour faire venir mon petit frère Mamadou Thiam, qui a évolué à Nîmes ainsi que d’autres footballeurs comme Abdoulaye Camara, ancien capitaine des Lions du Sénégal. Enfin, j’ai été entraîneur général du Football club de la Croix- Rousse (FCCR) et j’avais en charge la gestion de 520 licenciés (des minimes aux seniors).

Vous suivez certainement le championnat national ; quelle appréciation faites-vous du niveau du jeu ?

• Le championnat burkinabè est en train de se faire. Pendant longtemps, notre football n’a pas donné ce qu’il est capable de donner réellement. Le Burkina Faso regorge d’une potentialité énorme de footballeurs, depuis les minimes jusqu’aux seniors. Je n’étais pas encore dans ce pays lorsqu’on parlait des Silures de Bobo-Dioulasso et de grands joueurs comme Saboteur.

Le Burkina n’a pas le droit d’avoir un complexe devant le football des autres pays. Ce qui reste à faire, c’est au niveau de l’organisation et de la prise en charge des joueurs. Je pense que ceci a été compris, avec toutes les mesures qui se prennent çà et là. Pour en revenir au championnat national, il faut dire qu’il est un peu trop serré avec plus de la moitié des équipes qui s’équivalent.

Après la défaite des Etalons face au Cap-Vert, vous avez déclaré lors d’un débat télévisé que la presse y est pour quelque chose...

• Cela a choqué certains journalistes. Ce n’est pourtant pas à la presse seulement que j’ai envoyé des flèches. Elle faisait partie d’un ensemble d’acteurs que j’ai désignés comme ceux-là qui ont contribué à la défaite des Etalons. Défendre l’équipe nationale est une tâche patriotique. Pour cela, elle requiert l’adhésion parfaite de tous les citoyens. Chacun, en ce qui le concerne, doit apporter un tant soit peu d’expertise, d’énergie pour pousser le Onze-national à la victoire.

Lors de ce match, il m’a semblé m’être aperçu que pratiquement tout le monde pensait que le match serait facile et nous avons évité de mettre en exergue, avant le match, tous les dangers que nous courions tant du point de vue de la stratégie de jeu du Cap-Vert que de ses talents comme Carlos. Il est important de faire une analyse globale et une analyse des individualités ; c’est ce que nous avons fait contre l’Afrique du Sud. La presse a un grand rôle à jouer. La Fédération, l’entraîneur, les supporters n’ont pas les mêmes yeux que les journalistes. Il ne faut pas avoir peur des critiques. L’euphorisme peut égarer et c’est à la presse d’attirer l’attention de tous. Sinon, notre presse sportive est pertinente dans son ensemble.

Selon vous, que faut-il pour avoir une équipe compétitive ?

• Il faut un travail de base, une bonne gestion des effectifs, des infrastructures et des moyens financiers. Mais il ne faudrait pas aussi dire qu’il n’y a pas de moyens. L’absence de moyens est un moyen. On peut travailler avec le peu qu’on a. A l’As-Ganaw, nous utilisions des pneus et des outils de récupération pour baliser le terrain. D’autre part, il faut développer la culture du football ; l’élan de solidarité nationale doit s’exprimer. Par ailleurs, la formation des entraîneurs est d’une nécessité impérieuse. On ne peut pas prétendre être une grande équipe si, dans le même temps, on n’investit pas dans la formation.

Enfin, une équipe compétitive doit être fondée sur des valeurs : le patriotisme, l’esprit du résultat, le leadership partagé et l’engagement des joueurs et des dirigeants. Sur ce dernier point, chaque joueur, chaque dirigeant doit être engagé au même niveau que le sucre s’est engagé dans le dèguê jusqu’à se dissoudre.

A votre avis, les Etalons peuvent-ils toujours se qualifier ?

Notre destin ne dépend plus de nous. A partir du moment où la qualification n’est pas entre nos mains, nous ne sommes pas encore définitivement éliminés. Les Etalons peuvent se qualifier. Il est évident que pour cela, il y a tellement de "si". Parmi ces "si", il y en a qu’on ne maîtrise pas. Il faut impérativement gagner le match contre l’Ouganda. Je pense que cela est possible compte tenu de la prestation de l’équipe face à l’Afrique du Sud. C’est le lieu ici de féliciter les dirigeants du football pour la persévérance et l’humilité dont ils ont fait preuve. Ils ont montré qu’ils sont capables de donner des résultats.

Mes félicitations vont également à l’endroit de Simondi, qui a enfin trouvé le chemin, et aux joueurs, surtout à Aziz Nikièma, la nouvelle étoile. C’est un joueur qui a du toucher et une bonne vision du jeu. Il accélère quand il le faut, conserve quand c’est nécessaire. Il a été la cheville ouvrière du milieu de terrain face aux Sud-Africains. Je félicite enfin les supporters qui sont partis d’une grande déception à une mobilisation sans faille. Le jour du match, j’avais mon ticket et je n’ai pas pu accéder au stade. Mais cela m’a fait plaisir de constater une telle solidarité. Si l’on regarde dans la lucarne, on doit cela un peu à Noufou Ouédraogo.

Et la qualification de votre pays, le Sénégal, pour Allemagne 2006 ?

• Parlez plutôt du Sénégal ou de mon pays de naissance. Aujourd’hui, je me sens plus Burkinabè que Sénégalais. Mon épouse est burkinabè, moi-même je suis là pour contribuer au développement, à travers mes activités professionnelles de conseil et d’entrepreneur. J’essaie de créer des emplois et mes lendemains, je ne les vois qu’au Burkina. Ceci étant , le Sénégal a dormi sur ses lauriers alors qu’il avait de très hautes potentialités pour se qualifier facilement à la coupe du monde. Mais certains joueurs ont fait la grosse tête. En plus, on a fait un mauvais choix d’entraîneur. Cela ne signifie pas qu’il n’est pas bon. Il y a eu un problème de gestion des humeurs et des personnalités dans les équipes. Les Sénégalais ont réagi à cela. Ce qui m’a fait plaisir, c’est d’avoir fait confiance aux nationaux. L’Afrique dispose d’expertise pour relever le défi. Pour en revenir à la qualification du Sénégal au Mondial, cela est du domaine du rêve.

Quel est le club de votre cœur au Burkina ?

• En tant que militaire, c’est l’équipe des forces armées (USFA).

Si, aujourd’hui, une formation burkinabè demandait vos services en tant qu’entraîneur, accepteriez-vous ?

• Question difficile ! Des équipes m’avaient demandé de le faire et j’ai refusé car je ne me sentais pas capable de relever le défi. Une équipe de football, c’est un ensemble. Il y avait un certain nombre de maillons de la chaîne qui étaient très fragiles et que je ne pouvais pas avoir la prétention de solidifier , étant donné que mon rôle était ailleurs. Mais pour une équipe qui a des ambitions claires, avec une organisation minimale de base et qui viendrait me solliciter, j’étudierais la sollicitation.

Entretien réalisé par Adama Ouédraogo (damiss_78@yahoo.fr)
L’Observateur

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Vos commentaires

  • Le 4 octobre 2005 à 17:54, par Super Jos En réponse à : > Maël Thiam : "Le foot, c’est comme le sucre dans le dèguê"

    Mr THIAM faisait de très bons commentaires à la télé. Mais les journalistes qui sont des flécheurs par excellence détestent être fléchés. Pourtant la vérité rougit les yeux mais ne tue point. Il avait simplement dit en son temps que tout le monde était responsable de l’echec des étalons en commençant par les journalistes. Sûrs de la victoire, personne n’avait imaginé un scénario où il fallait disposer des pions au cas où...
    Je ne sais pas s’il sera aussi bon entraineur qu’orateur, mais j’ai confiance en lui. Il semble être un bon meneur d’homme.

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