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8-mars : Elle démissionne pour redonner vie à des pneus usagés

Publié le dimanche 8 mars 2020 à 12h00min

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8-mars : Elle démissionne pour redonner vie à des pneus usagés

A chaque entreprise son histoire. Celle d’Eco Art & BTP n’aurait pas existé si Nadège Yanogo n’avait pas quitté son confort de salarié pour se lancer dans le recyclage de pneus usagés. Elle l’a pourtant fait, malgré les conseils de ses proches. Le chemin est parsemé d’embuches. Nadège Yanogo le sait. Elle garde les pieds sur terre et les yeux rivés sur l’horizon : son rêve, nouer un partenariat avec l’Etat burkinabè dans certains projets de voiries et d’aménagement et d’embellissement de la ville de Ouagadougou. Présentement hors du Burkina, elle nous a accordé un entretien sur WhatsApp, mercredi 4 mars 2020. Lisez !

Lefaso.net : D’où vous est venue cette idée de redonner vie aux pneus, vous qui êtes ingénieure civile de formation ?

Au cours de ma formation en gestion des projets de développement, en 2017, on nous a appris à trouver des idées de projet en observant ce qui nous entoure, ce qui constitue un problème à résoudre pour la population. Alors, dans la recherche d’idée de projet, j’ai fait le constat sur l’environnement de Ouagadougou, du problème des pneus usagés jetés dans la ville, sans éventuel projet de gestion. J’ai alors commencé à faire des recherches ciblées dans le but de proposer une solution en rapport avec ma formation initiale. C’est là que m’est venue l’idée de proposer des revêtements de sol à partir des pneus usagés.

Lefaso.net : Quelle a été la réaction de vos proches quand vous lanciez cette affaire ?

Mes proches n’ont pas été enchantés au début du fait que j’ai tout abandonné (j’ai démissionné de mon travail) pour me consacrer au développement de mon projet. Ils auraient préféré que je lance mon projet en étant toujours employé. Mais je pense que c’est très difficile d’être efficace en poursuivant deux lièvres à la fois. Peut-être pour d’autres types de projets ou d’autres entrepreneurs, mais moi, non. J’avais besoin d’être disponible pour mon projet.

Lefaso.net : Quels sont les produits que vous proposez ?

A ce jour, je propose des objets d’art et utilitaires comme des meubles, des pots de fleurs, des jouets, des animaux, ainsi que des revêtements souples de sol. Tout en pneus. Je propose en plus de tout ceci, des prestations en décoration d’intérieur et aménagement paysager.

Lefaso.net : Où trouvez-vous la matière première ?

Au début, nous trouvions les pneus usagés dans la nature. Il existe des endroits dans la ville ou sont jetés les pneus usagés, surement par les vulcanisateurs et autres. Mais maintenant, même chez les vulcanisateurs, il nous faut débourser un certain montant pour les avoir.

Lefaso.net : Qui sont vos clients ?

Les citoyens burkinabè et étranger sont nos clients. Nous espérons et serions vraiment honorés de compter l’Etat burkinabè à travers ses ministères, ses mairies et communes parmi nos clients.

Lefaso.net : Parlez-nous de votre plus grosse commande ?

Ma plus grosse commande était pour une structure privée qui évolue dans l’incubation, le coworking qui souhaitait installer une succursale de leur structure à Bobo Dioulasso avec des produits atypiques, beaux et écologiques. Nous avons été honoré par cette marque de confiance et nous pensons avoir satisfait leur demande.

Lefaso.net : Combien de personnes employez-vous ?

Trois personnes en interne (permanent) et plusieurs autres (menuisiers, soudeurs, peintres, ouvriers maçons, etc.) quand le besoin se fait sentir.

Lefaso.net : Qu’est-ce qui fait la force d’Eco Art & BTP ?

La force d’Eco Art & BTP repose sur son équipe, compétente et travailleuse, ses collaborateurs et partenaires dignes de confiance, l’amour du travail bien fait et la satisfaction du client.

Lefaso.net : Quels sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontées en tant qu’entrepreneure ?

Comme tout entrepreneur, les difficultés ne manquent pas. Les difficultés d’ordre financier surtout. Il s’agit surtout de la maitrise de la gestion comptable et financière ainsi que la fiscalité. Je pense que maitriser ces domaines, constitue la base de la survie d’une entreprise. Aussi, Eco Art & BTP a besoin de financement actuellement afin de pouvoir acheter et installer ses machines pour démarrer la production des pavés Phoenix.

Lefaso.net : Vous est-il déjà arrivé de vouloir tout abandonner ? (racontez-nous une anecdote s’il y en a une)

Oui bien sûr… plusieurs fois. Je me rappelle avoir dit un jour à un de mes conseillers, de me trouver quelqu’un ou une structure qui voudrait bien me racheter mon idée de projet, ainsi que les fruits de mes recherches car j’étais à bout de souffle. Mais, j’ai repris espoir en avançant doucement mais sûrement !

Lefaso.net : Que fait Nadège Yanogo lorsqu’elle ne pense pas à Eco Art & BTP ?

Elle chante. C’est sa passion première. Elle travaille même en chantant !

Lefaso.net : Avez-vous des modèles aujourd’hui dans le domaine de l’entrepreneuriat au Burkina Faso et dans le reste du monde ?

Oui je peux dire qu’il y a des entrepreneurs à succès au Burkina Faso et dans le monde. Je m’inspire d’eux et non de quelqu’un en particulier. J’ai un mentor qui me conseille, m’encourage énormément et me pousse à persévérer. Et je suis suivie depuis une année par un incubateur, qui me donne des formations nécessaires au bon fonctionnement de mon entreprise.

Lefaso.net : Ils sont de plus en plus nombreux ces jeunes qui osent entreprendre mais qui échouent au bout de quelques années. Qu’est-ce qui peut expliquer une telle situation selon vous ?

Le manque de formation entrepreneuriale, le manque d’éducation financière, le manque d’accompagnement réel de ces jeunes entreprises par l’Etat et enfin le manque d’environnement sain des affaires dans notre pays. Prenons l’exemple du Sénégal qui vient de voter une loi pour exempter d’impôts les startup / entreprises naissantes pendant trois ans. Nous gagnerions à copier sinon à faire encore mieux. Les impôts de notre pays ne font aucune différence entre une entreprise qui a fait un résultat négatif et celle qui a fait des bénéfices. Trouvez-vous normal qu’une entreprise qui a fait des pertes la première année doive payer des impôts sur le bénéfice ? Quel bénéfice ? Les statistiques même ont montré que les entreprises meurent avant leur troisième anniversaire. C’est parce que rien n’est fait pour qu’on aille au-delà. Et généralement les indicateurs de réussite des fonds et programmes ne se basent pas sur le bon fonctionnement ou l’essor des entreprises mais sur le nombre d’entreprises crées. C’est une aberration !

Lefaso.net : Quels conseils pouvez-vous donner à ces femmes et jeunes qui hésitent à franchir le pas ou qui attendent un coup de pouce de l’Etat pour entreprendre ?

Entreprendre est une mission alléchante, intéressante et à encourager. C’est un challenge. Mais il ne faut rien attendre de personne. Je peux même affirmer que bénéficier de fonds (crédit, prêts, financements, etc…) au démarrage de l’entreprise ne profite pas nécessairement à la réussite de l’entreprise. C’est risqué parce que vous ne maitrisez pas les réalités de votre projet d’abord (vous ne maitrisez que la théorie). Fonctionnez pendant deux ou trois ans avant de chercher un appui financier vous rend plus réaliste, plus vrai et meilleur gestionnaire. Pour entreprendre, il faut prendre le soin de bien étudier son projet avant de se lancer. Il faut y aller avec ses moyens de bord et agrandir au fur et à mesure que son entreprise. Vous maitriserez mieux votre projet, vos finances, et vous ne tomberez pas dans des crédits infernaux. Je dirais que l’appel de l’entreprenariat est une chose irrésistible, mais il faut bien murir le projet avant de se lancer.

Lefaso.net : Quels sont vos projets à court et moyen terme ?

Toujours travailler dans le but d’agrandir l’entreprise, plus précisément acquérir les moyens techniques, les installations techniques afin de commencer la production des revêtements souples de sol « Pavés Phoenix » et « Sol Phoenix ». Je souhaite que Eco Art & BTP devienne un partenaire de l’Etat burkinabè dans la réalisation de certains projets de voiries et d’aménagement et d’embellissement de la ville de Ouagadougou, des autres villes et de tout le pays.

Lefaso.net : Comment voyez-vous votre entreprise dans 10 ans ?

Une entreprise écologique et prospère, une entreprise de travaux publics pour les travaux de voiries dans les villes du Burkina Faso et de la sous-région ; qui produit et pose des revêtements souples de sol dans les stades, les terrains de sport, les salles de sport, les écoles, les espaces publics, etc.

Lefaso.net : Dans quelques jours, c’est la journée internationale de la Femme. Quel message avez-vous à l’endroit des femmes du Burkina ?

Je suis fière de la femme burkinabè, de la femme en général et en particulier des femmes de ma génération. Elles sont des battantes, et je nous encourage à toujours travailler dans ce sens pour le bien de nos familles, et du développement de notre pays. Travailler pour l’épanouissement de la femme est un bon investissement pour la nation. Par conséquent, je souhaite et j’encourage les actions déjà engagées par le gouvernement et je l’invite à toujours mieux faire dans ce sens. A toutes mes sœurs et mamans entrepreneures, bon courage à nous !

Entretien réalisé par Herman Frédéric Bassolé
Lefaso.net

Contacts de Mme Nadège Yanogo : +226 78 14 76 42 / ecobtp.bf@gmail.com

Portfolio

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Vos commentaires

  • Le 8 mars 2020 à 07:46, par Le petit tranquilos En réponse à : 8-mars : Elle démissionne pour redonner vie à des pneus usagés

    Merci Mr Bassolet. Vous ne mettez pas le contact de l’artiste. On fait comment pour la joindre ? Si je pouvais avoir son contact je pourrai faire une commande a ma bourse. Courage Mme et toutes mes félicitations.

  • Le 8 mars 2020 à 09:39, par Bertrand En réponse à : 8-mars : Elle démissionne pour redonner vie à des pneus usagés

    Bonjour,
    Great et félicitations à Mme.
    Bon vent et soyez rassurez d’une future commande.

  • Le 8 mars 2020 à 11:33, par Vérité indiscutable En réponse à : 8-mars : Elle démissionne pour redonner vie à des pneus usagés

    Félicitations Frédéric et Félicitations à Lefaso.net pour ce travail de valorisation. Vous êtes parfaitement alignés sur l’axe de nos attentes en matière de communication.
    Madame YANOGO, mon chapeau est très bas devant toi !
    Apprenez-leur (les hommes bien sûr) que vous avez plus d’esprit et qu’ils n’ont vraiment pas intérêt à vous maintenir dans la domination.
    Vive la Femme Burkinabè !

  • Le 8 mars 2020 à 12:55, par golden En réponse à : 8-mars : Elle démissionne pour redonner vie à des pneus usagés

    Madame c’est bien dit :
    "Les impôts de notre pays ne font aucune différence entre une entreprise qui a fait un résultat négatif et celle qui a fait des bénéfices. Trouvez-vous normal qu’une entreprise qui a fait des pertes la première année doive payer des impôts sur le bénéfice ? Quel bénéfice ?"
    Par exemple l’impôt minimum forfaitaire qui est payé en debut d’exercice alors qu’il n’y a aucune garantie que la l’entreprise fera benefice l’année en question.
    Je crois que cet impot minimum peut être supprimé pour les petites entreprises et pour les nouvelles pour les accompagner.

    • Le 8 mars 2020 à 19:56, par Tonton En réponse à : 8-mars : Elle démissionne pour redonner vie à des pneus usagés

      Vous voyez donc la souffrance du privé.Et pendant ce temps d autre refusent de payer l iuts pcq c est eux qui connaissent papier du blanc.Au moment de prendre cette decisiono on a demandé l avis de quel entrepreneur..A la fin je me demande de qui on se moque.

  • Le 8 mars 2020 à 19:29, par john En réponse à : 8-mars : Elle démissionne pour redonner vie à des pneus usagés

    Courage à vous et bonne suite ! Voici une femme battante !

  • Le 8 mars 2020 à 19:32, par SAWADOGO Maïmouna En réponse à : 8-mars : Elle démissionne pour redonner vie à des pneus usagés

    Waouh Félicitations et bon vent à vous madame. C’est vraiment beau.

  • Le 8 mars 2020 à 22:07, par Passakziri En réponse à : 8-mars : Elle démissionne pour redonner vie à des pneus usagés

    Toutes mes félicitations et mes encouragements madame ! Vos produits sont très beaux . Vous devriez inspirer beaucoup de nos soeurs qui préfèrent les tissus chinois et les djanjobas. Beaucoup de succès à votre projet et pensez toujours à la labelisation et á patenter vos produits ! Vous soulevez aussi un probléme qui devrait être resolu pour éviter les injustices et faciliter l’emergence des affaires. Je n’ai jamais compris que ma maman qui faisait son pétit commerce au village pour aider son mari était régulierement traquée par le receveur des impôts pour payer une somme qu’on lui fixait , sans chercher à comprendre quelle bénefice elle faisait. Quand j’ai compris qu’une partie de ces impôts étaient deduite pour un soit- disant fonds commun, j’ai ressenti un grand sentiment d’injustice à l’egard de ces nombreuses femmes qui se battent comme elles peuvent et qui son malmenées de tous les côtés. Par les hommes, par l’etat et par les nombreux parvenus.

    Passakziri

  • Le 9 mars 2020 à 05:28, par Annie En réponse à : 8-mars : Elle démissionne pour redonner vie à des pneus usagés

    Bravo, bravo, Mme YANOGO. Vous êtes un exemple de témérité. Vos produits sont très beaux. Félicitations et bonne continuation. Je note bien vos contacts.

  • Le 9 mars 2020 à 09:51, par Gausu En réponse à : 8-mars : Elle démissionne pour redonner vie à des pneus usagés

    Ce n’est pas parce qu’une entreprise est créée qu’elle doit être considérée immédiatement comme contribuable. Il y’a un parcours semé d’embuches, embuches constituées souvent par nos Administrations, fiscales en particulier. On a l’impression que les textes fiscaux sont appliqués mécaniquement, sans discernement. L’essentiel n’est pas de « rançonner » les entreprises tout de suite (pour alimenter le Trésor public qui en a certes besoin) mais de faire en sorte qu’elles se consolident à moyen terme pour garantir à long terme la création d’emplois, l’accroissement de la demande interne, la distribution de revenus, …, la protection de l’environnement en plus pour ce qui concerne Eco Art et BTP.

    Il ne faut pas tuer les entreprises dans l’œuf pour un petit gain à court terme ; il faut les accompagner pour en faire des poules aux œufs d’or. La Chambre de commerce et d’industrie, la Maison de l’entreprise, le ministère chargé de la promotion de l’entreprise, les services fiscaux, … doivent se concerter pour trouver le mode opératoire optimal allant dans ce sens.

    Bon vent à Mme Yanogo

  • Le 9 mars 2020 à 11:36, par Maro En réponse à : 8-mars : Elle démissionne pour redonner vie à des pneus usagés

    Bravo Madame ! Quel courage. Mes souhaits de santé, paix et réussite vous accompagnent.

  • Le 9 mars 2020 à 15:35, par Sacksida En réponse à : 8-mars : Elle démissionne pour redonner vie à des pneus usagés

    Courage et Perseverence a Mme Yanogo Nadege car cette idee d’inovation corrobore ce que Sankara disait : "Tout ce qui sort de l’imagination de l’homme est realisable par l’homme". Si depuis 1987 l’Etat Burkinabe avait continue cette politique revolutionnaire hardie de "Produire et Consommer Burkinabe ; et de la gestion vertueuse de nos biens, nous n’en serions pas a la traine en matiere bien sur de developpement. Depuis 30 ans combien de milliers de milliards sont partis en fumee dans des fraudes et des corruptions qui auraient pu servir au financements de nos projets productifs et donc enrailler le chomage. Il est tres urgent de changer de paradigmes et travailler a notre independance economique, politique et culturelle. En 30 ans nous avons perdu trop temps dans des politiques tres inefficaces et extraverties. Courage encore Mme Yanogo et que Dieu vous accompage. Salut.

  • Le 11 mars 2020 à 13:26, par Dibi En réponse à : 8-mars : Elle démissionne pour redonner vie à des pneus usagés

    Bon courage et félicitations à vous. Vous êtes belle, fière et politiquement consciente. Cela se voit ; vous êtes au naturel, sans javel, sans faux cheveux, en nappy hair, sans faux cils ni burka !
    Na an lara an sara !
    La patrie ou la mort !

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