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Kystes de l’ovaire : Une pathologie à la fois bénigne et redoutable

Publié le vendredi 7 février 2020 à 09h00min

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Kystes de l’ovaire : Une pathologie à la fois bénigne et redoutable

Très fréquents chez la femme, les kystes ovariens sont malheureusement peu connus. En effet, ils sont le plus souvent bénins et disparaissent dans certains cas, sans traitement. Toutefois, certains kystes peuvent présenter des complications. Gynécologue obstétricien au Centre hospitalier Yalgado-Ouédraogo, le docteur François Xavier Kaboré donne plus de précisions sur cette pathologie.

Lefaso.net : Qu’est-ce qu’un kyste ovarien ?

Dr François Xavier Kaboré : Le kyste ovarien est une tumeur qui est le plus souvent liquidien, mais il peut être solide, qui se développe au dépend de l’ovaire. Les femmes sont des femmes parce qu’elles ont des ovaires. En effet, ce sont les ovaires qui produisent des hormones féminines et les ovules destinées à la fécondation.

Existe-t-il plusieurs types de kystes ovariens ? Lequel est le plus répandu et le plus grave ?

Il existe deux grands groupes de kystes. Il y a ce qu’on va appeler les kystes fonctionnels et les kystes organiques. Les kystes fonctionnels sont les plus répandus et ils représentent au moins 20% de tous les kystes.

Dans le groupe des kystes organiques, il y a plusieurs types de kystes organiques. Il y a d’abord le kyste séreux qui est le plus fréquent des kystes organiques, les kystes dits mucoïdes qui sont généralement volumineux, les kystes endométriosiques et, enfin, les kystes dermoïdes. Ces kystes dermoïdes contiennent le plus souvent des résidus embryonnaires. Dans ce type de kystes, on observe souvent des cheveux, des dents …

Quels sont les causes du kyste ovarien ?

Dans le groupe des kystes fonctionnels, c’est en fait un trouble dans le fonctionnent normal des ovaires. Le plus souvent, vous avez une situation d’hyper stimulation des ovaires, c’est-à-dire, quand un hyperfonctionnement des ovaires se produit, il peut y avoir l’apparition des kystes. Et de ces kystes fonctionnels, il y a deux sous-groupes. Il y a le kyste folliculaire et kyste lutéal qui dérive du corps jaune. A partir de là, trois principaux facteurs peuvent provoquer l’apparition des kystes fonctionnels.

Dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation, quand on utilise des médicaments pour stimuler l’ovulation, cela peut favoriser l’apparition des kystes. Il y a également certains contraceptifs comme la pilule qui, selon le contenu de dosage, peuvent entraîner l’apparition des kystes. A côté de la pilule, il y a une contraception qu’on appelle DIU au lévonorgestrel, un dispositif intra-utérin qui contient une hormone qu’on appelle le lévonorgestrel.

Mais les kystes fonctionnels, comme leur nom l’indique, sont liés à un dysfonctionnement cyclique et elles disparaissent spontanément dans 90% des cas au bout de deux à trois mois. Ce ne sont pas des kystes qui sont graves. La gravité apparaît au niveau des kystes organiques qui peuvent à la longue provoquer un cancer. Ce sont ces kystes qui peuvent être redoutables.

Comment se manifeste la maladie ?

Dans 50% des cas, le kyste est latent, il n’y a pas de manifestation pour vous tiquer, pour dire que cette personne-là porte un kyste. Et d’habitude, c’est au cours d’une échographie qu’on découvre de façon fortuite le kyste, mais dans les 50 autres cas, le kyste va se manifester par des douleurs pelviennes. La femme aussi peut sentir qu’il y a une sensation de pesanteur au bas ventre. Il y a également des cas où les kystes se manifestent par des troubles du cycle, les règles ne viennent pas, ça peut faire plus de 45 jours ou trois mois avant de venir.

On peut aussi avoir des saignements en dehors des règles qu’on appelle des métrorragies, qui peuvent se manifester et ça dépend également du volume du kyste ; si le kyste est très volumineux, il peut comprimer le rectum et entraîner une constipation chronique chez la femme, ça peut également comprimer la vessie et entraîner une pollakiurie qui est une augmentation de la fréquence de ces mictions chez la femme.

En dehors du cancer, quels sont les autres cas de complications possibles ?

Les complications dépendent aussi de la nature du kyste. Si le kyste est lourd, surtout le kyste organique, il peut facilement se tordre et donner une douleur abdominale atroce à la femme avec souvent des nausées et vomissements qui vont imposer en fait une prise en charge urgente, une intervention chirurgicale pour protéger l’ovaire, sinon on risque de compromettre le devenir de l’ovaire parce qu’il va entraîner une mortification complète du tissu ovarien et réduire la probabilité de la fertilité chez la femme.

A côté de cette torsion, il y a également l’hémorragie intraksytique. C’est une complication des kystes fonctionnels, c’est-à-dire que ça va commencer à saigner à l’intérieur des kystes et augmenter les douleurs chez la femme. Au-delà de l’hémorragie intrakystique, il y a la rupture ; comme le kyste est de contenu liquidien, ça peut se rompre et le liquide va se retrouver à l’intérieur de la cavité abdominale et ça peut provoquer une péritonite, une inflammation de la cavité péritonéale.

Il peut aussi y avoir une surinfection du kyste dans les cas où on ponctionne le kyste pour l’enlever, ça peut se surinfecter et donner un abcès ovarien. Mais si le kyste est associé à la grossesse, il peut constituer un obstacle, ce qu’on appelle l’obstacle preavia qui empêche l’enfant de descendre au cours de l’accouchement. On sera obligé de faire une césarienne pour contourner l’obstacle.

Mais est-ce qu’une femme qui porte des kystes a d’office des difficultés pour tomber enceinte ?

Ça dépend de la nature du kyste. Si le kyste est un kyste fonctionnel, il va disparaître fonctionnellement ; mais si c’est un kyste organique, il risque d’entraîner un trouble de l’ovulation chez la femme et une femme qui n’ovule pas ne peut pas tomber enceinte, donc si ça aboutit à ce genre de situation, tant qu’on ne va régler ce problème, la femme ne pourra pas tomber enceinte.

Dans quel cadre parle-t-on d’un cancer de l’ovaire ?

Le cancer de l’ovaire est le plus souvent fréquent chez les personnes âgées, et comme on parlait des kystes fonctionnels, les kystes fonctionnels se retrouvent le plus souvent chez les femmes en activité génitale.

Un kyste organique peut se transformer en un cancer, surtout chez les personnes âgées et en ce moment, ça va donner des complications avec altération de l’état général de la personne ; la personne va perdre beaucoup de poids, elle va devenir pâle et ça peut se compliquer avec une ascite, c’est-à-dire qu’il y aura de l’eau qui va s’accumuler dans son ventre et comme la complication redoutable de tous les cancers, ça peut se métastaser, c’est-à-dire que ça quitte au niveau de l’ovaire et ça part au niveau de la cavité péritonéale comme les organes du voisinage, et même ça peut aller au niveau du foie, des poumons et le décès va survenir inévitablement.

En dehors de l’échographie, comment se fait le diagnostic du kyste ?

Le diagnostic d’un kyste se fait à travers une échographie mais aussi à la coelioscopie. L’échographie va donner les caractéristiques du kyste, mais il y a des signes également à l’écho qui peuvent nous orienter que ce kyste ressemble plus à un cancer, la forme compliquée.

En ce moment, nous sommes obligés de faire un prélèvement pour faire un examen au laboratoire pour que l’examen anatomo-pathologique confirme (c’est le seul examen habilité à dire) si c’est un kyste bénin qui n’a pas de problème ou bien c’est un cancer. Donc l’examen clé pour confirmer le diagnostic, c’est surtout l’anapath, mais l’échographie et la coelioscopie donnent des signes d’orientations.

Comment se fait la prise en charge ?

La prise en charge dépend du type de kyste. Si c’est un kyste fonctionnel, il n’y a pas de traitement obligatoire. Il faut juste une surveillance. Le kyste, dans 90% des cas, va disparaître au bout de deux à trois cycles et si le kyste se complique, c’est là que le traitement devient une urgence et ce qui est normalement préconisé, c’est de faire un traitement endoscopique avec la cœlioscopie, c’est-à-dire qu’on ouvre le ventre avec une micro-chirurgie.

Au lieu de faire une chirurgie à ciel ouvert, on fait une micro chirurgie au cours de laquelle on va introduire des trocarts pour pouvoir enlever le kyste ; malheureusement, ce genre de traitement n’est pas accessible à tout le monde pour le moment. Cette méthode existe au Burkina, mais c’est dans certaines cliniques privées seulement et à Tengadogo. A Yalgado, nous avons une colonne de cœlioscopie qui n’est pas encore fonctionnelle et nous espérons qu’elle le sera bientôt.

Pour le moment, quand l’état d’un un kyste nécessite une opération, nous avons recours à une chirurgie à ciel ouvert. On fait une laparotomie et en fonction de ce qu’on va trouver, on peut juste enlever le kyste avec la coque et on referme. On peut être aussi conduit à enlever carrément l’ovaire et la trompe si elle est complètement nécrosée ; c’est ce qu’on appelle l’annexectomie.

Y a-t-il des précautions à prendre ?

Il s’agit surtout des femmes qui sont exposées ou subissent des traitements pour l’assistance médicale à la procréation ; il faut que ça soit des spécialistes qui induisent ces ovulations. Mais malheureusement, on assiste à un abus de l’utilisation de ces médicaments, ce qui prédispose ces femmes à avoir des kystes parce ce qu’il y a ce qu’on appelle souvent le syndrome hyperstimulation qui peut apparaître. Au-delà de cette question, il faut prendre des précautions pour certaines femmes qui ne tolèrent pas les pilules qui sont des facteurs favorisants.

Entretien réalisé par Nicole Ouédraogo
Lefaso.net

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