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Langues maternelles : « On ne peut rien construire de durable en empruntant l’outil langagier à une autre culture », Pr Albert Ouédraogo

LEFASO.NET | Par Nicole Ouédraogo

Publié le vendredi 1er mars 2019 à 10h50min

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Langues maternelles : « On ne peut rien construire de durable  en empruntant l’outil langagier à une autre culture », Pr Albert Ouédraogo

« Les langues autochtones, ça compte pour le développement, la construction de la paix et la réconciliation ». C’est sous ce thème que le Burkina Faso a commémoré en différé ce jeudi 28 février 2019, la 20ème journée internationale de la langue maternelle. Célébrée le 21 février de chaque année, cette journée vise à faire prendre conscience aux populations de l’importance des langues nationales pour une éducation de qualité faisant appel au multilinguisme et en faveur d’un soutien aux langues autochtones.

La langue autochtone désigne « la langue parlée uniquement dans une communauté autochtone et/ou ayant son origine dans une communauté ou un pays donné ». La langue maternelle désigne « la première langue d’un enfant, celle qu’il apprend à la maison auprès des membres plus âgés de sa famille ». Selon l’UNESCO, « environ 40% des habitants du monde n’ont pas accès à l’instruction dans une langue qu’ils parlent ou maîtrisent ». Cette situation, selon le représentant de l’UNESCO, Tidiane Sall, perdure malgré des études montrant que la maîtrise de la langue maternelle facilite l’apprentissage.

En effet, dit-il, la langue maternelle est essentielle pour l’alphabétisation car elle facilite l’acquisition des compétences de base de la lecture, de l’écriture et du calcul dans les premières années de scolarisation. Et le ministre de l’Education nationale, de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales, le Pr Stanislas Ouaro, de soutenir qu’avec la langue maternelle, on apprend mieux et cela, quel que ce soit ce qu’on apprend. « (…) La maîtrise de la langue maternelle offre une certaine aisance maximale de la communication et de l’apprentissage à l’enfant. Elle contribue à minimiser le taux de déperditions scolaires donc à l’amélioration des indicateurs de qualité de notre système éducatif », a-t-il signifié.

Chaque langue maternelle mérite d’être reconnue

Le représentant de l’UNSECO, Tidiane Sall, en est convaincu, « chaque langue maternelle mérite d’être connue, reconnue et valorisée davantage dans toutes les sphères de la vie publique ». Et quand celle-ci n’a pas le statut de langue nationale, de langue officielle ou d’enseignement, il estime que cette situation peut contribuer à la dévaloriser davantage et à la faire disparaître dans le long terme. Le ministre en charge de la promotion des langues nationales ne dira pas le contraire , lui qui soutient que la promotion des langues nationales, loin d’être une action d’éclat , est un processus de valorisation, de considération et de mise en relief de la place qu’on leur accorde dans les domaines de la vie socioéconomique et administrative.

« Qui parle votre langue est considéré comme un parent »

Paneliste, le Pr Albert Ouédraogo, s’exprimant sur le thème de la célébration de la présente journée, affirme qu’il est impossible de construire quelque chose de durable en empruntant l’outil langagier à une autre culture. « Si on veut que le développement soit endogène, qu’il soit en phase avec les aspirations des populations, il faut que le développement se décline dans les attentes des populations, qu’elle émane des populations et que les populations l’expriment dans leurs langues d’abord », a-t-il noté. Puis d’ajouter : « Il est bon que le développement ne soit pas comme une sorte de mirage derrière lequel on court. Le développement doit se faire en rapport avec nos propres valeurs, nos propres attentes et nos propres canevas ».

Quant à la question de la construction de la paix et de la réconciliation, le Pr Albert Ouédraogo souligne que celle-ci se construit dès l’instant où vous considérez que l’autre n’est pas un étranger. « Qui parle votre langue est considéré comme un parent. Savoir parler la langue de l’autre, c’est considérer l’autre comme un autre soi-même, c’est déjà un respect pour l’autre et ça évite les mauvaises compréhensions ».

A titre d’illustration, il confie que l’une des difficultés de la justice burkinabè réside dans la barrière des langues maternelles. « Même quand vous avez le Baccalauréat, quand le juge prononce le verdict, vous avez besoin de quelqu’un pour traduire, parce que vous ne savez pas ce qu’il a dit. Que dire de ceux qui n’ont jamais été à l’école alors qu’on rend la justice au nom du peuple ? Comment vous-voulez fonder une société de paix et de réconciliation, quand la justice elle-même ne parle pas la langue du peuple ? », s’est-il interrogé.

Cette journée a servi de cadre au lancement des activités relatives aux nouvelles attributions du ministère de l’Education nationale, en l’occurrence la promotion des langues nationales. Stanislas Ouaro a indiqué qu’un projet de loi est en cours d’élaboration pour jeter les bases du développement des langues nationales au Burkina Faso.

Nicole Ouédraogo
Lefaso.net

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