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André Nikièma, coordonateur régional de IBFAN : "Les contaminations des laits pour nourrisson devraient être traités comme des cas d’empoisonnements"

Publié le mardi 7 juin 2005 à 12h36min

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La commercialisation des produits alimentaires, notamment laitiers a été au devant de l’actualité nationale ces derniers temps avec la révélation de la présence sur le marché de produits impropres à la consommation.

André Nikièma, le coordonnateur régional de IBFAN Afrique francophone basé à Ouagadougou nous parle de l’alimentation des enfants et des dangers que font courir aux nourrissons, ces produits contaminés qu’on retrouve souvent sur nos marchés.

Sidwaya : Dites-nous brièvement ce que c’est que IBFAN

André Nikiéma : IBFAN est un réseau de groupes et d’associations s’occupant de la promotion des bonnes pratiques de l’alimentation infantile, notamment de l’allaitement maternel. Le groupe du Burkina Faso est l’Association pour la Promotion de l’Alimentation Infantile au Burkina Faso, APAIB en abrégé. Au niveau mondial il y a plus de 200 groupes IBFAN répartis dans pratiquement tous les pays. Le sigle IBFAN qui est en anglais signifi le Réseau international des groupes d’action pour l’alimentation infantile. La Coordination régionale pour l’Afrique francophone couvre présentement 11 pays qui sont le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée, le Mali, le Niger, la République Centrafricaine, le Sénégal et le Togo. Pour l’Afrique anglophone et lusophone il y a un autre bureau de Coordination basé au Swaziland.

S. : Quels sont les principaux problèmes de nutrition infantile observés dans les pays que vous couvrez ?

A.N. : Ces problèmes sont de différents ordres. A la création de notre Réseau on avait fait le constat du déclin de l’allaitement maternel au niveau mondial. Depuis lors, il y a eu une amélioration. Pour ce qui concerne l’allaitement par exemple, en Afrique, la vaste majorité des mères allaitent leurs bébés. Le problème c’est comment elles le font, puisqu’elles donnent en même temps beaucoup d’autres aliments ou produits qui réduisent la part du lait maternel dans l’alimentation du nourrisson. Vous connaissez sans nul doute les pratiques nocives telles le gavage avec des décoctions de plantes, le don d’eau sucrée les premiers jours suivant la naissance de l’enfant. Le premier lait qui sort du sein de la mère après l’accouchement est très concentré, il est épais et de couleur jaune. C’est le Colostrum qui est très riche et protège le bébé. Malheureusement, dans nos sociétés traditionnelles, on dit que c’est du lait sale qu’il faut presser et jeter. C’est pourquoi nous faisons la promotion de l’allaitement exclusif jusqu’à six mois.

C’est-à-dire que jusqu’à six mois on ne donne que le lait de la mère à l’enfant. Il n’a pas besoin d’eau ou d’autres choses. Bien sûr, en cas de maladie, on va lui donner des sirops ou d’autres médicaments. C’est la meilleure façon d’assurer une alimentation saine et sûre des bébés jusqu’à l’âge de six mois. En plus cela ne coûte pas trop cher à la famille.

La mauvaise utilisation, souvent inutile, du lait artificiel est très fréquemment source de maladies. Beaucoup de femmes vous raconteront comment elles ont souffert avec le biberon.

Il y a aussi les problèmes liés aux carences en micronutriments tels la vitamine A ou l’iode. La vitamine A est disponible dans le lait de la mère en quantité suffisante mais il faut complémenter cela par les apports provenant d’autres aliments dès que l’enfant atteint six mois parce que la teneur en vitamine A du lait maternel baisse progressivement. Ces problèmes ne sont as exhaustifs car il y en a bien d’autres.

S. : La presse a fait état ces derniers temps de produits laitiers impropres à la consommation mais qui se retrouvent sur le marché. Quels commentaires vous inspirent ces faits ?

A.N. : Ceci est un des dangers de l’alimentation artificielle. Dans le cas mentionné dans la presse ces jours-ci, il s’agit de contamination du lait par un agent pathogène, Salmonella enterica Sérotype agona. C’est très dangereux pour un nourrisson de consommer un tel lait. Cela va se traduire par des diarrhées, des maux de ventres et autres que l’on ne saurait traiter efficacement. En décembre dernier des enfants sont morts en France parce qu’ils avaient été nourris avec un lait artificiel contenant un autre agent pathogène appelé Enterobacter sakazakii. Avec cet agent pathogène, l’enfant développe des méningites, des entérocolites, des diarrhées, etc. Vous pouvez imaginer aisément que si cela survient en France, là où il y a tous les moyens techniques de détection de ces contaminations, c’est encoure pire dans nos pays à technologie très limitée. C’est d’ailleurs l’Union Européenne qui a donné l’alerte pour ces laits contaminés à Salmonella enterica, sinon on les aurait tranquillement consommés. Des enfants vont tomber malades et mourir et on ne fera même pas le lien avec le lait qu’ils ont bu. A la limite on dira que « Dieu a donné et Dieu a repris » ces enfants, alors que ceci devrait être traité comme un empoisonnement. La contamination des produits se fait dès la chaîne de fabrication à l’usine. Les fabricants de lait le savent.

Cette question de contaminants du lait pour nourrissons a fait l’objet d’une résolution adoptée à la dernière Assemblée Mondiale de la Santé qui a fait ressortir que ces produits ne sont pas stériles et que cela doit être mentionné sur les boîtes de lait parce que les agents de santé comme ceux qui s’occupent des enfants ont droit à cette information. Le Burkina Faso y a exprimé d’ailleurs sa vive inquiétude et suggéré que l’on développe les capacités locales de surveillance et de détection.

Propos recueillis par Hamado NANA
Sidwaya

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