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Education : L’ombre d’un manguier comme école à Labretenga

LEFASO.NET | Par Marcus Kouaman

Publié le mercredi 26 octobre 2016 à 03h36min

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Education : L’ombre d’un manguier comme école à Labretenga

Depuis des années, le Burkina Faso met un accent particulier sur la scolarisation des enfants, à travers la construction d’écoles et le recrutement en grand nombre d’enseignants. Malgré cela, force est de constater que des localités non loin de nos centres urbains ont pour salles de classes, des paillotes ou l’ombre des arbres. L’école primaire du village de Labretenga en est un exemple.

De passage dans cette école avec la délégation du ministre de l’Eau et de l’assainissement dans le cadre du suivi du Programme présidentiel d’urgence composante eau et assainissement le samedi 22 octobre dernier, tous étaient surpris. Dans le cadre de ce programme, l’école primaire de Labretengaa a eu droit à des latrines institutionnelles. Mais de quelle école parle-t-on au juste ?

Cette école ‘’fictive’’ (existence sur papier) sommes-nous tenté de dire, a ouvert ses portes le 15 septembre 2015. Nous la disons ‘’fictive’’ car de sa date d’ouverture jusqu’au moment où nous traçons ces lignes, aucune infrastructure n’a été construite par le ministère de l’Education nationale (MENA), inutile de parler de dotation en table-bancs. La seule chose dont cette école a pu bénéficier est l’affectation d’un enseignant.

8 mois de cours sous un arbre

Cette école qui relève de la Circonscription d’éducation de base (CEB) de Tenkodogo numéro 2, est située à 10 km de la commune urbaine de Tenkodogo. Le seul enseignant et directeur de l’école, Séni Sana, nous raconte son calvaire lorsqu’il a pris service en septembre 2015. Il était surpris en 2015 de se retrouver sur un terrain nu, qui fait office d’école. N’ayant pas le choix, il a dû se résoudre à installer sa classe de CP1 (Cours primaire 1ère année) sous un manguier qui était sur la place officielle de l’école. Ainsi, l’école primaire de Labretenga est un manguier.

8 mois durant, l’enseignant-directeur et seul fonctionnaire du MENA, a travaillé avec les élèves sous le manguier pour le compte de l’année scolaire 2015-2016. Comment a-t-il fait pour encadrer les enfants en plein air, sans table-bancs ni salle de classe ? Les élèves suivaient les cours en étant au sol. Comme le village disposait d’un centre d’alphabétisation, les intéressés ont accepté donner leurs table-bancs pour soulager un tant soit peu la souffrance des plus jeunes.

Pour Séni Sana, « s’il faut s’asseoir pendant 8 mois sous un manguier pour enseigner des enfants, à moins d’être un homme engagé, ce n’est pas facile ». Il se demande ce qui allait en être, si c’était une enseignante qui avait été affectée dans cette localité dans de pareilles conditions. Il ajoute que durant les 8 mois, lorsqu’il faisait trop froid ou trop chaud, les élèves étaient libérés.

En cette rentrée scolaire 2016-2017, l’école a un effectif de 50 élèves avec 17 garçons inscrits en classe de CP2. Donc le taux de scolarisation des filles est élevé, mais les conditions ne sont pas appropriées. Cette année, pas de recrutement en classe de CP1 car il n’y a ni personnel enseignant, ni salle de classe.

L’engagement des villageois

Enseignant depuis 16 ans, le directeur affirme avoir vu pire dans sa carrière. Avant d’être parachuté sous ce manguier, il dit avoir enseigné dans des localités comme Gaoua, Gourcy Ouahigouya, Yako. « A Gaoua, j’ai servi pendant 6 ans sous paillote », confie-t-il. Il se réjouit de l’engagement du chef du village et de sa population.

Soucieux de l’avenir de leurs enfants, les villageois ont décidé de se cotiser. C’est cette cotisation qui a permis la construction du bâtiment. Mais il n’y a pas de tôles. Par manque de moyens, le toit est recouvert par de la paille. « A midi déjà, la lumière empêche les enfants de travailler », laisse entendre ce fonctionnaire de l’Etat qui semble être abandonné à son triste sort. Il se réjouit de l’engagement du chef de village et dit bravo aux villageois. Il affirme avoir souffert au début, « mais aujourd’hui, je me sens bien ».

C’est la deuxième fois que les villageois construisent l’école sur fonds propre. Une première tentative avait eu lieu mais le vent est venu faire tomber le bâtiment. Il a fallu reprendre le tout, ce qui a donné le bâtiment actuel. Du coup, plus d’argent pour la toiture. L’enseignant demande non seulement de l’aide à l’Etat à travers son ministère de tutelle qu’est le MENA, mais aussi aux bonnes volontés. Il félicite le don de latrines institutionnelles (toujours en construction), mais aurait souhaité que cet argent serve à payer des tôles pour son école.

Les villageois à bout de souffle économiquement se demandent si leurs efforts ne sont pas vains et s’inquiètent pour l’avenir de leurs enfants. C’est déjà la deuxième rentrée scolaire et les choses ne semblent pas bouger. A cette allure, à la prochaine rentrée, il y a de fortes chances qu’il n’y ait ni de CP1, ni de CP2.

Marcus Kouaman
Lefaso.net

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