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Mutilations génitales féminines : L’excision se terre en brousse

Publié le lundi 11 avril 2005 à 07h03min

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Dans l’un des 25 villages où l’ACD (Association action communautaire pour le développement) a mis en oeuvre un Plan intégré de communication (PIC) sur l’excision, une dizaine de fillettes ont été excisées. Mais comment l’exciseuse et ses complices se sont-elles prises pour commettre ce forfait sans éveiller des soupçons ?

"Sachant que l’excision est interdite au Burkina Faso, et que le village est sous la surveillance des noyaux-relais, ces personnes avaient abouti à la conclusion que la seule solution pour elles était de se déporter en brousse," raconte Samuel Bamogo, président de l’ACD, qui est basée à Kaya. "C’était pendant l’hivernage. Elles sont donc allées au champ et en ont profité pour exécuter leur plan."

Dénoncer ma propre épouse ?

Lorsqu’il a été mis au courant, le mari d’une des complices s’est retrouvé dans un dilemme insoluble. « Je ne peux tout de même pas dénoncer ma femme », se disait-il. Pendant ce temps, l’information, transportée de bouche à oreille, est parvenue quand même au noyau-relais du village qui a alerté la police.

Un autre homme s’est littéralement effondré lorsqu’il a été informé que son enfant avait elle aussi été excisée. C’était le jour où la police est venue justement chez lui arrêter une de ses trois épouses, la mère de l’enfant donc. Du reste, c’est la police qui l’a informé. L’homme était abattu. "C’est terrible !", s’était-il exclamé. Habituellement, son enfant en question gardait les moutons de la famille. Un matin, le monsieur a vu sa femme attacher les moutons. Il lui demande : « Pourquoi la fille ne les amène-t-elle pas en brousse ? » Elle répondit que l’enfant était malade.

Après 48 heures, il redemande : « Mais de quoi souffre-t-elle ? » La dame répondit : "C’est le paludisme." Alors le monsieur lui donne de l’argent tout en lui enjoignant de la conduire au dispensaire. La femme prend l’argent, mais au lieu du dispensaire, elle est allée au champ avec la fillette. Troisième jour, les moutons sont toujours attachés et le monsieur s’inquiète à nouveau. "La santé de la petite ne s’est toujours pas améliorée ?", s’enquit-il. Un "Non !" sec et retentissant lui cloua le bec. L’homme se tut. Cependant, il commença à se poser des questions car, apparemment, la petite, bien que calme, n’avait pas la mine d’une paludéenne. Le quatrième jour allait lui donner la réponse. La police est là. Le père est interloqué. Il demande à la police : « C’est laquelle de mes filles au juste ? Parce que j’en ai plusieurs ! » Lorsque la police a décliné l’identité de l’adolescente, c’est là qu’il a compris. La femme a reconnu les faits, se plaignant du fait que des gens l’avaient trahie. Sinon, dit-elle, ça pouvait passer inaperçu. "Ce que cette dame ignore, c’est qu’avec les noyaux-relais, la dénonciation est devenue systématique," indique Bamogo. "Quand il y a une opération en préparation aujourd’hui, quel que soit le village, nous sommes mis au courant. Et c’est ce qu’il y a de plus encourageant pour nous et pour l’UNICEF (Fonds des Nations unies pour l’enfance), qui nous finance pour la réalisation de ce projet."

Cette dame victime de l’ignorance, ne sait pas non plus que ces dénonciations ont permis de sauver des centaines de filles de l’excision à travers le pays. Elles ont également permis de réparer les sexes endommagés de milliers de filles et de femmes dans le Sanmatenga, la Tapoa, le Kadiogo ou encore le Houet. Comme le dit Bamogo, les résultats sont encourageants. "Néanmoins, nous devons rester vigilants", dit-il.

Mieux, il faut même redoubler d’effort, durcir encore la loi si nécessaire, afin de vaincre les mutilations génitales féminines.

Les jeunes opposés à l’excision

S’appuyant sur la communication de proximité, l’ACD a installé des noyaux-relais dans des villages de la région du Centre-Nord (Bam, Namentaga, Sanmatenga). Ainsi que l’indique Bamogo, naguère les gens pratiquaient l’excision au grand jour, malgré son interdiction. Ils n’avaient pas peur de le faire. Dans les villages, c’était la loi du silence, parce que les populations craignaient les représailles. "Après les activités de sensibilisation de nos noyaux-relais, il y a eu un grand changement," explique Bamogo. "Maintenant, non seulement le phénomène est rare, mais qui plus est, il est devenu clandestin, presque marginal."

Ce qui est également encourageant, c’est cette prise de conscience et de position des jeunes Burkinabè par rapport aux MGF (Mutilations génitales féminines). Ainsi, dans la province de la Tapoa, un groupe de jeunes se réunit et déclare sans ambages : "Nous avons fait le serment de n’épouser aucune fille excisée."

De l’avis de Alkamissa Lido, directeur de la radio locale Buyaba (à Diapaga), cette mise en garde aux adeptes de l’excision montre à quel point les jeunes sont, dans leur grande majorité, opposés aux MGF. Si certains d’entre eux évoquent des raisons sanitaires pour expliquer leur attitude, pour d’autres, c’est une question de sensualité. "Il est plus intéressant de faire l’amour avec une femme qui a son sexe intact, avec le clitoris, les grandes et les petites lèvres", disent-ils. Mais il peut y avoir aussi des raisons financières. "Dans le Gulmu, habituellement, les cérémonies d’excision coûtent très cher au futur époux qui doit débourser entre 200 000 et 500 000 FCFA," souligne Alkamissa Lido. "Le mariage avait lieu juste après la cérémonie d’initiation."

Abdoulaye GANDEMA
Sidwaya

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