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Au palais de justice : Mis à la porte pour une déclaration dans la presse

Publié le vendredi 25 mars 2005 à 09h41min

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Le tribunal du travail de Ouaga s’est penché sur, entre autres dossiers à son rôle le 22 mars dernier, celui de Cyprien Nanéma, ex-magasinier à la société des brasseries du Burkina (BRAKINA).

Ce dernier demande au tribunal de déclarer son licenciement en mars 2004 suite à un écrit dans la presse et de condamner, par conséquent, la société à lui payer un certain nombre de droits.

A la date de son licenciement le 2 mars 2004, Cyprien Nanéma totalisait 24 ans de service à la BRAKINA. A la barre le 22 mars dernier, il a relaté ce qui lui est arrivé. L’on retient que son licenciement est consécutif à une déclaration, des travailleurs de la BRAKINA signé de son nom et paru dans la presse nationale le 17 février 2004. Une déclaration qui fait état de difficultés au sein de la société nées de la volonté du nouveau directeur général de remettre en cause les acquis obtenus de haute lutte auprès de son prédécesseur.

La direction ayant jugé l’écrit comme portant atteinte à l’image de la société a décidé de frapper fort en le licenciant ainsi que 13 autres travailleurs. A ce niveau du récit, la présidente du tribunal, Mme Léontine Zombré, a demandé à l’ex-travailleur pourquoi il a accepté de signer une déclaration collective alors qu’il n’est plus délégué du personnel ou délégué syndical.

Réponse de celui qui dit avoir été délégué du personnel et responsable syndical pendant 10 ans à la BRAKINA : c’est pour donner du crédit à la déclaration, pour qu’elle ne ressemble pas à un tract. Sa réponse est complétée par un ex-travailleur de la BRAKINA et délégué du personnel jusqu’à son licenciement appelé à la barre. Ce dernier dit avoir sollicité la signature de M. Nanéma en sa qualité d’expert en dialogue social et en négociation chargé de résoudre les conflits au sein de l’usine.

Ce fut, dit-il, un dernier recours en vue d’exposer à l’opinion nationale la situation à la BRAKINA étant donné que les délégués du personnel ont été licenciés bien avant la parution de la déclaration. L’expert en dialogue, qui était toujours en activité, était qualifié pour endosser la responsabilité de la déclaration, les ex-délégués ne pouvant plus agir en cette qualité, ajoute cet autre ancien travailleur.

Expulsé manu militari

Après la parution de la déclaration, l’expert connaîtra le même sort que les autres en allant grossir le nombre des licenciés. En effet, il sera expulsé manu militari, le 3 mars 2004, de l’usine sise à Kossodo par des vigiles, a raconté, en sanglots, l’intéressé devant la barre. Et cela sans avoir jamais été informé auparavant de ce qui lui est reproché par la direction, hormis un pli fermé qui lui a été adressé le 2 mars par la secrétaire du responsable des ressources humaines sans lui dire ce qu’il contenait, précise l’ex-travailleur, remis de ses sanglots après les consolations de son avocat, Me Ali Neya, et l’intention de la présidente de renvoyer le dossier à une autre audience s’il ne se ressaisissait pas.

Le pli qu’il a refusé de prendre, ajoute-t-il, c’est plus tard qu’il a su, chez un huissier, qu’il contenait sa lettre de licenciement. Après d’autres questions d’éclaircissement, l’ex-travailleur a été autorisé à aller s’asseoir dans la salle où il a, à nouveau, éclaté en sanglots en regagnant ses ex-collègues.

La BRAKINA absente à l’audience

La parole est revenue ensuite à l’avocat de l’ex-travailleur, Me Ali Neya, pour les plaidoiries. En l’absence de la BRAKINA qui n’était représentée ni par un employé ni par son conseil, le Cabinet Issouf Joseph Baadhio, la plaidoirie a été à sens unique. L’avocat a fait savoir que le licenciement de son client n’a respecté aucune règle élémentaire.

Ainsi, relève-t-il, celui-ci a été mis à la porte sans avoir été entendu par la direction en présence d’un délégué du personnel comme ce devait être le cas conformément au règlement intérieur de l’usine. En plus, aucune explication n’a été demandée à son client, à en croire Me Neya. Compte tenu de ces éléments, et de bien d’autres, le licenciement est abusif à ses yeux. C’est pour cette raison qu’il a demandé au tribunal de le déclarer tel.

Par rapport à la déclaration qui est à l’origine des déboires du sieur Nanéma, Me Neya a laissé entendre que son client a accepté de la signer pour deux raisons. La première est qu’il est une personne ressource au sein de l’usine pour avoir longtemps été délégué du personnel et responsable syndical. La deuxième raison est que son client s’est senti obligé d’endosser cette responsabilité en raison du licenciement des délégués du personnel et responsables syndicaux.

L’avocat a aussi rejeté l’atteinte à l’image de l’usine reprochée à son client et qui a été invoquée pour le licencier. Pour lui, il n’ y a pas eu de diffamation, son client n’en a jamais eu l’intention, sinon il ne se serait jamais battu pour redorer le blason de l’usine terni par une affaire de bière sale qui a défrayé la chronique en 1999. Et, ajoute-il, si la BRAKINA s’était sentie diffamée, elle pouvait saisir les juridictions pénales et demander réparation ; ce qu’elle n’a pas fait.

Conclusion de l’avocat : le licenciement fondé sur l’opinion du travailleur est abusif. Il a demandé au tribunal de le déclarer tel et de condamner l’usine à payer à son client des dommages et intérêts de plus de 55 millions de FCFA et un certain nombre de droits sociaux (indemnité de préavis, indemnité de licenciement, etc.) d’un montant cumulé de plus de 4 millions de FCFA.
L’ex-travailleur sera fixé sur ses demandes le 26 avril prochain, date à laquelle le tribunal rendra en principe sa décision.

Par Séni DABO
Le Pays

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