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Paul Put, entraineur des Etalons : « Roben méritait plus le trophée du meilleur joueur du Mondial que Messi »

Publié le dimanche 20 juillet 2014 à 23h15min

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Paul Put, entraineur des Etalons : « Roben méritait plus le trophée du meilleur joueur  du Mondial que Messi »

Le débat sur la désignation de l’Argentin, Lionel Messi, meilleur joueur du Mondial 2014 qui s’est achevé le 13 juillet dernier au Brésil, ne finit pas de faire couler beaucoup d’encre et de salive. A la suite d’autres connaisseurs du ballon, Paul Put, entraineur des Etalons du Burkina qui ont été vice-champions d’Afrique à la CAN 2013 en Afrique du Sud, estime que le Hollandais, Aryen Roben méritait plus ce trophée que Messi. Dans cette interview, il se prononce également sur la forme actuelle de ses poulains et aborde les préparatifs des éliminatoires de la CAN 2015 qui débuteront en septembre pour les Etalons.

Lefaso.net : La Coupe du monde s’est achevée avec le sacre de l’Allemagne. Avez-vous été surpris par cette performance allemande ?

Paul Put : Non. Je ne suis pas surpris parce que l’Allemagne a mis du temps pour préparer le mondial. Depuis un an, l’Allemagne avait déjà commencé la préparation de cette Coupe du Monde. En venant à la compétition, ils avaient déjà un objectif clair et pour l’atteindre ils ont mis en place une très bonne organisation. C’est ce qui d’ailleurs les rend forts dans toutes les catégories du football.

On a assisté à une finale Argentine-Allemagne très disputée. Qu’est-ce qui a finalement fait la différence entre les deux équipes ?

Les deux équipes avaient des joueurs qui évoluent dans de grands championnats. En plus de leurs efforts au club, ils ont disputé plusieurs matchs avant d’arriver en finale. Il y avait donc la fatigue.

Comme c’était aussi la finale, les joueurs avaient peur de perdre donc ils évitaient de prendre des risques. C’est en ce moment que le rôle de l’entraineur devient capital. Car il doit savoir à quel moment inciter ses joueurs à attaquer et à quel moment il doit les regrouper à la défense et attendre l’adversaire. Dans cette logique, la finale s’est jouée en plusieurs phases. Les Allemands ont débuté le match en trompe mais par la suite les Argentins ont réussi à équilibrer le jeu. En deuxième partie, ce sont les Argentins qui ont plus dominé le match. Les Allemands qui étaient un peu plus réservés se sont réveillés dans les prolongations.

Personnellement j’ai beaucoup apprécié cette finale. Je n’avais pas pensé que les Argentins allaient aussi mener des attaques. Ils ont pourtant bien joué mais les Allemands étaient plus forts. Ils méritaient de gagner.

Un autre fait marquant de ce Mondial a été la désignation de Lionel Messi comme meilleur joueur du tournoi. Des gens ont critiqué cette décision de la FIFA. Pensez-vous que Messi méritait vraiment ce trophée ?

J’ai aussi fait mes statistiques au cours de ce tournoi. Et si je dois comparer Messi à Roben ou à Muller, les résultats pourraient être différents. Pour moi, Roben était, avec sa pointe de vitesse et ses dribles, plus spectaculaire dans les matchs. Par contre j’attendais encore un peu plus de Messi. Il devait être visible pendant tous les matchs. Mais j’ai remarqué que Messi trainait une fatigue. Même en finale, il n’a pas réussi les coups-francs. J’étais un peu étonné. Mais au regard de sa saison au FC Barcelone, il a été plusieurs fois blessé.

Le physique de Roben était beaucoup mieux que celui de Messi. Ce qui me convainc que Roben méritait ce trophée. En comparant aussi les deux joueurs, Messi était plus décisif pour son équipe. C’est peut-être cela qui explique la décision de la FIFA. Mais pour moi, Roben ou Muller méritait plus ce trophée.

Pensez-vous donc comme Maradona que cette nomination de Messi est un « coup de marketing » de la part de la FIFA ?

C’est une autre chose que de parler de marketing. Je ne regarde pas Adidas ou Nike. Je me base sur des statistiques. Si on prend Muller, il a par exemple couru la plus longue distance de ce tournoi tous les matchs confondus. Il méritait plus, tout comme Roben qui avait une fraîcheur physique, le trophée du meilleur joueur du Mondial. Je ne crois pas non plus à cette histoire de « coup de marketing ». Je pense plus que le choix de Messi est dû au fait qu’il était plus décisif pour son équipe. Il pouvait être absent durant le match et marquer un but à la dernière minute ou faire marquer un coéquipier. C’est en cela qu’il est décisif. Je suis d’une autre pensée mais je reconnais que Messi demeure un grand joueur.

Quels enseignements tirez-vous de ce Mondial ?

Je reviens encore aux statistiques. Je les ai faites sur les 4 meilleures équipes et je me rends compte que toutes méritent leur place. J’ai évalué ces équipes sur des aspects que doit développer une équipe qui participe à un tournoi. Comme je l’avais dit, les Allemands et les Hollandais avaient un objectif clair. Tout part de là. Pour y arriver, ils ont donné plus de temps aux entraineurs de préparer la compétition. Pendant plusieurs années, ils ont mis en place une organisation efficiente qui les a beaucoup aidés durant le tournoi.

En termes de chiffres, 37 personnes ont composé le staff de Louis Van Gaal, l’entraineur des Pays-Bas pour préparer le Mondial pendant une année et demie. C’était à peu près le même nombre que les Etats-Unis et l’Allemagne.

Un autre aspect est le physique. En faisant le top 20 des joueurs qui ont parcouru le plus de distance, j’ai 7 Allemands, 5 Argentins, 6 Hollandais et 2 Brésiliens. La préparation physique est importante pour une équipe. Pour les passes réussies, j’ai fait un top 10 des joueurs qui ont le plus réussi leurs passes. J’ai pu noter 5 Allemands, 3 Argentins, 2 Hollandais et 0 Brésilien.

Pour un tournoi comme le Mondial, chaque entraineur cherche à composer son équipe avec des joueurs complets. En faisant une équipe complète du Mondial, j’ai 6 Allemands. Ce qui justifie amplement que l’Allemagne mérite de remporter le Mondial. Dans la catégorie des joueurs qui ont le plus donné pour leur équipe, j’ai Manuel Neuer (le gardien allemand), Stefan de Vrij (défenseur hollandais), Mats Hummels (défenseur allemand), Thiago Silva (défenseur brésilien), Marcos Rojo (défenseur argentin), Toni Kroos (milieu de terrain allemand), Oscar dos Santos (milieu de terrain brésilien), Philipp Lahm (défenseur allemand), James Rodriguez (milieu de terrain colombien et meilleur buteur du Mondial), Arjen Roben (attaquant hollandais) et Thomas Muller (attaquant allemand). Nous avons au total 5 Allemands. Ces statistiques sont les miennes. Je ne suis pas Mourinho qui pourrait avoir une autre manière d’analyser les choses.

Comme d’habitude les pays africains n’ont pas été au rendez-vous à ce Mondial. Comment expliquez-vous cette contre-performance des équipes africaines ?

Pour être honnête, je n’ai pas vu une différence de talents. J’ai vu beaucoup de joueurs africains ont le même talent que des joueurs européens ou d’autres pays. Mais le problème était au niveau de l’organisation. On a vu les joueurs camerounais qui ont mis du retard à prendre leur vol pour des raisons de prime. Le Ghana et le Nigeria ont connu le même problème. On n’entendra jamais parler de cela en Allemagne, en Argentine ou aux Pays-Bas. Cette question est réglée même avant le début de la compétition. C’est pour cela que je dis que l’organisation est très importante. En principe, l’entraineur devait prendre les choses en main et mettre la pression afin que la question des primes soit réglée avant le tournoi.

Dans l’ensemble, les Africains ont fait une bonne performance. On attendait peut-être plus de la Côte d’Ivoire et du Cameroun. Malheureusement on a vu des joueurs indisciplinés sur le terrain. On ne voit jamais cela avec les grandes équipes. L’entraineur devait régler tout cela pendant les entrainements avant le Mondial. Il faut noter au passage que la discipline doit se ressentir au niveau des autorités. Je tire par ailleurs mon chapeau à l’Algérie pour la manière, la volonté, la détermination et l’intelligence dont les joueurs ont fait montre pendant ce Mondial.

Coach, on a aussi vu beaucoup d’actes d’anti-jeu. On se rappelle du coup de coude d’Alexandre Song, du coup de dent de Luis Suarez et du tacle de Blaise Matuidi sur Onazi. Qu’est-ce qui peut expliquer que les joueurs en viennent à de telles animosités ?

C’est souvent dû à la pression que vit l’équipe. Les joueurs veulent gagner à tout prix, personne ne veut être tenu pour responsable d’une possible défaite. Ils se mettent donc une pression supplémentaire. Par moment ces actes se déroulent pendant les entrainements. Et c’est en ce moment-là que l’entraineur doit calmer ses joueurs.

Certains estiment que les équipes africaines sont les mal-aimées des coupes du Monde. Partagez-vous le même avis ?

Permettez-moi de prendre le cas du Burkina Faso. C’est la même chose que nous avons vécue en Algérie. Le tacle sur Charles Kaboré devait coûter un carton rouge à l’Algérien. En plus de cela, un but a été refusé sans raison au Burkina Faso. Alors que le chrono marquait 5 minutes de temps additionnel, l’arbitre arrête le match une minute après. Ce sont des constats. Et si vous remarquez tous les avantages étaient algériens. Ces erreurs d’arbitrage arrivent. Je n’ai pas de raison à donner. Si tu es dedans, ces décisions font mal. C’est tout comme la faute sur Onazi. Pour moi c’était un carton rouge. L’arbitre n’a donné qu’un jaune sans être sanctionné. Alors que pour avoir refusé deux buts au Mexique, des arbitres ont été renvoyés chez eux. Des sanctions sont souvent prises contre l’arbitre mais l’équipe lésée gagne quoi ? Rien ! C’est difficile d’accepter mais ce sont des choses qui arrivent.

Mais j’ai foi que les choses vont changer un jour. Puisqu’à chaque édition du Mondial, le niveau des équipes évoluent. Cela a été perceptible à ce Mondial. Les Africains ont eu encore plus de respect avec la prestation des équipes. Ce sera progressivement que ça va changer. Mais il va falloir encore attendre plusieurs autres coupes du Monde.

Equipe nationale. Un an après la CAN en Afrique du Sud, quel bilan faites-vous du parcours de vos poulains ?

Ce sont les mêmes joueurs. Ils ont une année d’expérience et de maturation de plus. Aucune des équipes qui étaient présentes à la CAN n’a fait autant de résultats que le Burkina. Après la CAN, nous avons confirmé pendant les éliminatoires du Mondial. Nous avons gagné 4 matchs et des enquêtes faites par certaines structures du football démontrent que l’équipe burkinabè était la plus complète de la CAN. Je pensais que mes joueurs qui avaient montré leur valeur, leur qualité devaient évoluer dans de grands clubs. Mais je constate que non. En tant qu’entraineur, j’accepte difficilement cela.

Le plus dur est que je ne trouve pas d’explication à cela. Si partout, on parle de l’équipe et des joueurs burkinabè qui ont fait leur preuve pendant la CAN, c’est qu’ils méritent mieux que ce qu’ils ont actuellement. C’est comme si je prends le cas de l’Allemagne où Toni Kroos va au Réal Madrid et d’autres vont changer de clubs. En tant qu’entraineur, j’ai confiance en mes joueurs. Mais si je fais le bilan, je note que Mohamed Koffi a signé à Zamalek, ce qui est mieux que l’Irak, Paul Koulibaly n’a pas encore signé, Jonathan Pitroipa va à Al-Jazira. Je croyais que lui allait trouver un club en Angleterre. Aristide Bancé est aussi actuellement sans club. Bakary Koné évolue d’un championnat d’un bon niveau, Charles Kaboré, son championnat est acceptable, Préjuce Nakoulma est en train d’attendre (NDLR, il vient de s’engager avec le club turc Mersin Idmanyurdu). Alors que la forme des joueurs compte pour beaucoup dans les matchs. Je ne dispose plus de temps comme à la CAN pour les remettre en forme. Je n’ai qu’à prier pour qu’ils gardent leur meilleur niveau pour les échéances à venir.

C’est inquiétant ce que vous dites puisque les Etalons vont disputer dès septembre les éliminatoires de la CAN 2015. Comment comptez-vous vous y prendre ?

J’ai fait un rapport complet que j’ai déposé depuis le 25 mai dernier. J’ai entre autres demandé de faire la prospection pour les hôtels, les terrains, la restauration. Nous devons aller soit au Kenya ou au Lesotho. Pour cela nous devons attendre les résultats de leurs matchs aller-retour. Et pour aller en Angola, nous allons devoir passer trop de temps à Addis Abeba, en Ethiopie et cela va fatiguer les joueurs. Pour cela, j’ai demandé d’organiser des vols directs Ouaga-Luanda et Ouaga-Libreville. Comme je ne connais pas les systèmes de jeu du Kenya ou de Lesotho, j’ai demandé un scouting manuel ou filmé. Cela va me permettre de mieux préparer les matchs surtout que notre match amical qui était prévu en août a été annulé.

Nous sommes dans le même groupe que le Gabon, l’Angola et le vainqueur de l’opposition Kenyan-Lesotho. Quelles peuvent êtres les chances des Etalons ?

Au mondial, peu de personnes pensaient que le Chili ou le Costa Rica allaient faire la performance qu’ils ont réalisée. J’ai déjà joué contre l’Angola et le Gabon avant leur qualification pour la CAN 2012.

L’Angola a une bonne équipe mais ils sont très agressifs. Ils avaient une manière de jouer mais le nouvel entraineur a changé de petits détails. Ce sera compliqué de jouer là-bas. Pour le Gabon, on connait l’équipe. On sait aussi que ce n’est pas facile de jouer là-bas. Mais si nos joueurs ont de la compétition dans leur club et qu’ils ont un bon niveau, en principe, on ne doit pas avoir peur de ces deux équipes. Les Etalons ne sont pas vice-champions d’Afrique par hasard ou ils n’ont pas joué les éliminatoires du Mondial par hasard. J’ai confiance en eux et l’équipe est comme une famille. Pour y arriver, tout le pays doit nous appuyer. Car dans le football, le plus difficile est la confirmation.

Pour clore cette interview, où en êtes-vous avec votre condamnation par la justice belge dans l’affaire des matchs truqués ?

Nous avons fait appel de la décision. Comme l’a dit l’avocat, il n’y a pas de raison de paniquer. Nous n’étions pas présents au premier procès donc nous ne nous sommes pas défendu pas. Nous avons fait appel et nous attendons.

Pour finir, je voudrais inviter les supporters et le public burkinabè à rester mobilisés pour l’équipe nationale. Si nous faisons un pas, les supporters doivent en faire deux pour pousser l’équipe à garder le cap.

Propos recueillis par Jacques Théodore Balima

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