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Droit de réponse de l’Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat (ASCE) à Yves Millogo et Jean-Baptiste OUALIAN

Publié le lundi 13 mai 2013 à 23h37min

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Droit de réponse de l’Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat (ASCE) à Yves Millogo et Jean-Baptiste OUALIAN

Une fois encore, et à son corps défendant, l’ASCE se voit contrainte de se libérer de l’obligation de réserve à laquelle elle est astreinte comme bien d’autres institutions de la République, et d’exercer son droit de réponse, ceci, suite à l’interview accordée dans sa parution en ligne du jeudi 25 avril 2013 par « lefaso.net » aux sieurs Yves Millogo et Jean-Baptiste Oualian, respectivement secrétaire général et secrétaire à la formation politique et civique de la section France du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), et dans laquelle il est entre autres question de l’ASCE et de ce qu’il est désormais convenu d’appeler « l’affaire Paré Joseph ».

Entre autres griefs, ces individus reprochent à l’ASCE d’avoir cité le nom du seul Paré Joseph dans son rapport général annuel d’activités 2011, de n’avoir pas respecté les procédures de contrôle, et d’avoir diffusé le rapport de contrôle dans les médias.

Au regard des critiques infondées tenues dans cette interview par ces individus qui n’ont d’autres objectifs que de ternir l’image de l’ASCE, contester son travail, amoindrir son efficacité, et au-delà jeter le discrédit sur ses animateurs en mettant en doute leurs compétences techniques, leur indépendance et leur objectivité, il est plus qu’impérieux de porter la réplique pour éclairer l’opinion publique sur le sujet et défendre l’honneur de cette institution que tant admirent au regard des nombreux voyages d’études reçus pour s’enquérir de son expérience ; sur recommandations le plus souvent d’institutions spécialisées dans la gouvernance.

Mais avant cela, il n’est pas superfétatoire de faire un bref rappel des missions et du contexte de création de l’ASCE.

Le Gouvernement du Burkina Faso ayant affirmé sa ferme volonté de promouvoir un développement harmonieux et durable dans le cadre de sa stratégie de lutte contre la pauvreté, a entrepris différentes actions en vue d’améliorer la gouvernance et de renforcer le système de gestion de l’Administration publique en optant pour une lutte efficace contre la corruption et le renforcement de la gestion des finances publiques. Ainsi, la lutte pour la bonne gouvernance est devenue une préoccupation de tous les acteurs du développement et constitue un facteur déterminant dans la mise en œuvre des stratégies de développement.

Le Gouvernement du Burkina Faso qui a fait œuvre de pionnier en adoptant en octobre 1998, un plan national de bonne gouvernance dont les enseignements ont servi à l’élaboration de la politique nationale de bonne gouvernance (PNBG), s’est alors doté d’un dispositif juridique et institutionnel de bonne gouvernance dans lequel l’ASCE apparait comme un acteur majeur, dans le contrôle de gestion des deniers publics et dans la lutte contre la corruption, et le renforcement des mesures coercitives de lutte contre l’impunité dans l’administration publique et les affaires économiques.

QUEL EST LE MANDAT DE L’ASCE ?

L’ASCE est un organe de contrôle de l’ordre administratif, né de la fusion des attributions de trois structures de contrôle qu’étaient la Haute Autorité de Coordination de la Lutte contre la Corruption (HACLC), l’Inspection Générale d’Etat (IGE) et la Coordination Nationale de Lutte contre la Fraude (CNLF).

L’ASCE est principalement chargée de :
 contrôler l’observation des textes législatifs et réglementaires qui régissent le fonctionnement administratif, financier et comptable dans tous les services publics de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics ;
 mener des investigations sur les pratiques de délinquances économiques et de corruption au sein de l’administration concernant les personnes physiques et les personnes morales de droit privé ;
 suivre la mise en œuvre de ses recommandations et des recommandations des autres corps de contrôle de 1’Etat ;
 saisir la justice de toute infraction commise par les services publics de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et de tout organisme national investi de mission de service public, aux textes législatifs et réglementaires qui en régissent le fonctionnement administratif, financier et comptable et de suivre les procédures en justice y afférentes tout au long de leur déroulement ;
 assurer le suivi de la mise en œuvre des politiques nationales de lutte contre la corruption, ainsi que la coordination des actions menées dans ce cadre.

L’ASCE est également chargée d’assurer la coordination technique de l’ensemble des organes de contrôle administratif et reçoit copie de tous les rapports établis par les organes de contrôle internes des départements ministériels, des institutions et des autres corps de contrôle.

Elle peut être chargée par le Chef de l’Etat et le Chef du Gouvernement de toute étude ou enquête quel qu’en soit l’objet.
Elle peut se saisir de tout cas de manquements aux textes législatifs, règlementaires et des instructions administratives régissant le fonctionnement administratif, financier et comptable relevés dans tous les services publics de l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics et dans tout organisme national investi de mission de service public.

L’ASCE couvre donc un champ très large lui permettant d’intervenir dans l’ensemble des structures bénéficiant du concours financier de l’Etat (subvention ou exonérations fiscales et/ou douanières) à un titre quelconque. Ses missions de contrôle sont inopinées et sont exécutées par des Contrôleurs d’Etat qui ont prêté serment devant la Cour de Cassation, la plus haute instance judiciaire du Burkina Faso et qui ont fait la déclaration de leurs biens auprès du Conseil constitutionnel.
Leur profession est régie par le décret n°2008-342/PRES/PM/MFPRE/MEF du 24 juin 2008 portant organisation de l’emploi spécifique de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat.

En fin, ils sont soumis à un code de déontologie et aux normes de la pratique professionnelle du contrôle (Inspirées des normes et des codes de déontologies de l’IIA, l’IFAC et l’INTOSAI).

QUID DE LA MISSION DE CONTROLE DU MINISTERE DES ENSEIGNEMENTS SECONDAIRE, SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (MESSRS)

Le contrôle doit se comprendre comme un pouvoir actif qui permet de s’assurer du fonctionnement régulier des services et éventuellement de détecter des pratiques corruptives et autres délinquances financières, faire des recommandations et proposer des sanctions.

En ce qui concerne le Ministère des Enseignements Secondaire, Supérieur et de la Recherche Scientifique, tout commence par une dénonciation. En effet, suite au contrôle de plusieurs établissements d’enseignement secondaire, il a été constaté le refus de reversement de la part des frais d’inscription revenant au Ministère. Interrogés sur cette situation, les chefs d’établissement l’ont justifiée par des présomptions de détournement de ces fonds par le Ministère.

Pour confirmer ou infirmer ces allégations, le Contrôleur général d’Etat a décidé de diligenter une mission. C’est ainsi que le 02 avril 2010, par la lettre n°10 -225/PM/ASCE/SG, Monsieur le Contrôleur Général d’Etat (CGE) informait Monsieur le Ministre des Enseignements Secondaire, Supérieur et de la Recherche Scientifique en l’occurrence monsieur Paré Joseph, de ce que dans le cadre de l’exécution du programme d’activités de l’Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat, une équipe de contrôleurs d’Etat effectuera une mission de contrôle et de vérification de la Direction de l’Administration et des Finances (DAF) du Ministère.

Dans sa lettre, Monsieur le Contrôleur Général d’Etat demandait au Ministre des Enseignements Secondaire, Supérieur et de la Recherche Scientifique de prendre toutes les dispositions utiles pour faciliter l’accès illimité des Contrôleurs d’Etat à tous les documents et assurer une totale disponibilité de ses collaborateurs, particulièrement du personnel de la DAF, vis-à-vis de la mission de contrôle et de vérification.

Le rapport provisoire de mission de contrôle de la gestion des fonds de reversements des frais d’inscription de la mission de contrôle fut transmis à Monsieur le Ministre des Enseignements Secondaire et Supérieur, par lettre n°11– 843/PM/ASCE/CAB/CONF du 18 novembre 2011. Dans cette lettre Monsieur le Contrôleur Général d’Etat lui demandait de bien vouloir recueillir et de lui faire parvenir, les réactions des personnes impliquées dans la gestion ou ayant bénéficié desdits fonds, sur les conclusions du rapport ; et que « conformément aux dispositions de l’article 26 du décret n°2008 -160/PRES/PM du 8 avril 2008 portant organisation et fonctionnement de l’ASCE, les intéressés disposent d’un délai maximum d’un mois pour me faire parvenir leurs réactions. »

En tête de ces personnes (huit au total) citées nommément dans cette lettre confidentielle, figurait Monsieur Paré Joseph Ministre des Enseignements Secondaire, Supérieur et de la Recherche Scientifique au moment du contrôle.

La réaction du ministère, signée de son DAF, parviendra à l’ASCE par la lettre n°109/MESS/SG/DAF du 16/12/2011. Dans cette lettre, plutôt que de répondre objectivement aux constats faits sur le caractère flou, vague et suspect de certains documents et sur les manquements relevés - comme par exemple les financements accordés pour la participation à la construction d’une mosquée et d’une église ; les paiement en espèce de plusieurs millions de francs CFA à des garagistes sans adresse, sans factures pour des véhicules non identifiés ; la prise en charge de nombreuses missions sans ordre de missions, les largesses et autres appuis accordées au ministre, à ses proches collaborateurs et à des personnes tierces etc., sur le compte des fonds de reversements des frais d’inscription - le DAF et le régisseur des recettes ont préféré nier l’évidence en des termes souvent arrogants et peu empreints de courtoisie.

L’analyse de cette réaction a été faite par la lettre n°12-335/PM/ASCE/CAB du 18 juin 2012 de Monsieur le Contrôleur Général d’Etat à Monsieur le Ministre des Enseignement Secondaire et Supérieur et par laquelle il lui transmettait la version finale du rapport de contrôle de la gestion des fonds de reversements des frais d’inscription.

Et c’est seulement le 16 août 2012 (après donc publication du rapport général annuel d’activités 2011), que Monsieur le Contrôleur Général d’Etat recevra une lettre sans date tenant lieu de réaction du désormais ex-ministre des Enseignements Secondaire, Supérieur et de la Recherche Scientifique Monsieur Paré Joseph au rapport général annuel d’activités 2011 de l’ASCE et concernant le rapport de contrôle de la DAF du Ministère des Enseignements Secondaire, Supérieur et de la Recherche Scientifique.

Ce qui a suscité la lettre n°12 -426 PM/ASCE/CAB du 17 août 2012 de Monsieur le Contrôleur Général d’Etat à Monsieur Paré Joseph, ex-Ministre des Enseignements Secondaire, Supérieur, et de la Recherche Scientifique, lui rappelant que conformément à l’article 26 du décret n°2008-160/PRES/PM du 08 avril 2008, portant organisation et fonctionnement de l’Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat, il lui avait transmis par lettre n °11 -843/PM/ASCE/CAB/CONF du 18 novembre 2011, pour réaction dans un délai d’un mois le rapport de contrôle et de vérification de la Direction de l’administration et des finances du Ministère des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique (DAF-MESSRS).

Ce courrier rappelait aussi qu’il avait été demandé de recueillir les réactions des personnes impliquées dans la gestion ou ayant bénéficié desdits fonds, sur les conclusions du rapport.

La suite avait été communiquée, rappelons le, au Contrôleur Général d’Etat par lettre n°109/MESS/SG/DAF du 16/12/2011. Et c’est suite à l’analyse de cette réaction que la mission a rédigé le rapport final dont le résumé figure dans le rapport général annuel d’activités 2011 de l’ASCE.
On est donc étonné que l’ex-ministre Paré Joseph qui était au courant d’une mission de contrôle et de vérification dans sa DAF ait attendu près d’une année et demie (au lieu d’un mois) pour réagir à ce rapport transmis en novembre 2011, avant de venir se présenter en victime expiatoire de l’ASCE comme si l’institution avait quelque chose contre sa personne. Un adage public ne dit-il pas que le mensonge peut porter des fleurs mais jamais ne produit des fruits ?

Tels sont donc les faits, et avant de vociférer sur l’ASCE, les sieurs Millogo et Oualian devraient au moins commencer par cette chose simple : lire la loi n°032-2007/AN du 29 novembre 2007, portant création, attributions, composition et fonctionnement d’une Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat, pour connaitre l’institution, et lire ensuite le Rapport Général Annuel d’Activités 2011 de l’ASCE où nulle part, le nom de Monsieur Paré Joseph n’est cité. L’ASCE ne contrôle pas les individus, mais les institutions ou les services. Elle est cependant dans l’obligation de situer les responsabilités, sans parti pris.

C’est le sens de l’instruction donnée par Son Excellence Monsieur le Président du Faso, lors de son adresse à la Nation le 31 décembre 2007 ; je cite : « J’encourage les autorités de veille et de contrôle à s’assumer pleinement. Notre Administration doit se moderniser profondément et gagner au quotidien le pari de la rigueur, de la transparence et de l’efficacité ». Fin de citation.

DE LA DIFFUSION DU RAPPORT DE CONTROLE DANS LES MEDIAS

En application de la loi n°032-2007/AN du 29 novembre 2007 portant création, attributions, composition et fonctionnement d’une Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat (ASCE), « Le Contrôleur Général d’Etat adresse au Président du Faso un rapport général annuel d’activités avec copie au Premier Ministre et au Président de l’Assemblée Nationale. Ce rapport est rendu public ». L’ASCE ne publie donc pas de rapports de contrôle, mais plutôt, le rapport général annuel d’activités.

Mais il est loisible d’imaginer que les fuites peuvent venir des personnes « épinglées » par le contrôle, toutes étant destinataires du pré-rapport. Dans le cas présent, huit (08) personnes étaient concernées et chacune en lisant le rapport savait ce qui était reproché aux autres.
Du reste, ce n’est pas la première fois que des médias publient les éléments d’un rapport de contrôle de l’ASCE.

LE FAIT QUE LA MISSION DE CONTROLE N’AURAIT PAS ENTENDU MONSIEUR JOSEPH PARE

Il n’appartient pas aux personnes concernées par le contrôle (dont monsieur Paré), encore moins à ses porte-voix (messieurs Millogo et Oualian), de déterminer les techniques que les contrôleurs doivent mettre en œuvre pour conduire leurs enquêtes en toute indépendance. Les contrôleurs mènent leurs investigations en toute objectivité, conformément au serment qu’ils ont prononcé avant d’entrer en fonction et dans le respect des normes internationales et des bonnes pratiques de contrôle.

Les constats faits sont fondés sur les textes législatifs et réglementaires, ainsi que sur les pièces (annexées au rapport) et faits probants ; ne laissant aucune place au sentiment, à la partialité ou à un acharnement quelconque contre les personnes dont les entités sont contrôlées. C’est d’ailleurs dans le souci de l’objectivité, de la transparence et du contrôle contradictoire (qui associe le gestionnaire contrôlé) qu’une copie du projet de rapport a été transmise à chacun des huit personnes concernées, afin qu’elles puissent contredire, au besoin, avec preuves à l’appui, les observations qui leur ont été faites.

Pourquoi celui qui se plaint de n’avoir pas été entendu, n’a-t-il pas saisi l’opportunité qui lui a été offerte de réagir au projet de rapport ? En fait, qu’aurait pu bien changer l’entretien avec monsieur Paré ? Des constatations faites sur la base de pièces comptables ? Le faux arrêté signé par lui à dessein et détecté par les contrôleurs ? Cela ressemblerait bien à une négociation, chose qui ne sied pas dans le cadre d’un contrôle de régularité.

En tout état de cause, les principaux gestionnaires du fonds que sont le DAF et le régisseur ont été entendus et les procès verbaux y relatifs ont été joints au rapport. Si les deux ministres n’ont pas été entendus, c’est parce qu’ils n’ont pas pu (ou voulu) dégager un temps de leur agenda pour recevoir les contrôleurs. Ils auraient pu rattraper cela en exploitant judicieusement le rapport provisoire qui leur a été soumis pour assurer leur défense.

Monsieur Millogo affirme que monsieur Paré a « demandé à trois reprises des rendez-vous avec l’ASCE et qu’elle n’est pas venue ». Si tel était le cas, pourquoi monsieur Paré n’a-t-il pas saisi le Contrôleur Général d’Etat de qui relèvent les contrôleurs en mission dont on connait la totale affabilité ?

D’ailleurs, le fait que le DAF et le régisseur aient pris ou accepté la responsabilité de répondre à eux seuls à la place de tous les mis en cause dans le rapport peut révéler une stratégie tendant à protéger ou à blanchir le premier responsable du département.

Qu’à cela ne tienne ! En tout cas, le soin laissé au DAF et au régisseur de répondre se sont révélé une stratégie de défense erronée. A qui la faute ? L’on ne peut pas se prévaloir de sa propre turpitude dit-on !
Les sieurs Millogo et Oualian ont perdu une bonne occasion de se taire en parlant de ce qu’ils ne savent pas !

L’ASCE continuera à faire son travail dans les règles de l’art, tout en demeurant convaincu qu’en conjuguant les efforts, l’on pourra changer les mœurs économiques et administratives, et positiver progressivement les comportements de l’ensemble de la population pour l’ancrage d’une bonne gouvernance qui, comme l’a affirmé le 30 janvier 2013, le Chef du gouvernement dans sa Déclaration de Politique Générale, passe « par une culture de la responsabilité, de l’imputabilité, de la discipline, de la rigueur et de la transparence. Cette culture doit être portée par tous ».

La Direction de la documentation,
de l’informatique et de la communication
(DDIC)

Lire aussi Yves Millogo/ Jean-Baptiste Oualian (CDP France) : « Il faut que l’ASCE reste professionnelle et démocratique et non un instrument de désordre »

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