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Lettre de Yaoundé : J’ai failli ne pas être à Bitam

Publié le jeudi 19 janvier 2012 à 01h02min

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C’est avec ce Boeing 737-300 que la délégation burkinabè a fait le déplacement pour le match amical contre les Panthères du Gabon
C’est toujours un plaisir de revoir une ville qu’on a déjà visitée. En ce me concerne, je veux parler de Yaoundé, la capitale du Cameroun, où j’avais séjourné en janvier 2011. C’était avec l’Union sportive des forces armées (USFA) en match aller du tour préliminaire de la coupe CAF contre le Fovu de Baham (1-2). Cette fois, je suis là dans le cadre de la préparation des Etalons pour la phase finale de la CAN 2012. De Yaoundé, je n’oublierai pas le petit tour avec le onze national à Bitam au Gabon à l’occasion du match amical contre les Panthères. Mais j’ai failli ne pas y être alors qu’il y avait…

Contrairement à mon précédent voyage au Cameroun qui avait été fatigant, celui que je viens de faire s’est passé très agréablement. J’ai quitté Ouaga le 6 janvier 2012 dans la matinée avec un vol d’Air Burkina en direction d’Accra. J’étais avec le ministre des Sports et des Loisirs, le colonel Yacouba Ouédraogo, le président de la Fédération burkinabè de football (FBF), Zambendé Théodore Sawadogo, Antoine Battiono des Editions Le Pays et Victorien Marie Hien de la Télévision accompagné de son cameraman, Arsène Kafando.
De la capitale ghanéenne, nous embarquons dans un petit appareil d’ASKY Airlines qui relie d’un coup d’aile Accra à Lomé. Il était 12 heures passées et en un laps de temps, on nous conduit dans la salle d’embarquement.

A 13h 30, un Boeing 737-700 de la même compagnie décolle de l’aéroport Gnassingbé Eyadema. Nous faisons partie des voyageurs. Destination : Douala. L’appareil de transport s’éloigne et à un moment, il se trouve à une vitesse vertigineuse. Je regarde par le hublot. Des nuages floconneux courent dans le ciel. Pendant que je suis perdu dans la contemplation, une hôtesse s’approche de moi histoire de s’assurer si ma ceinture de sécurité est bien attachée.
Peu de temps après, je la revois avec deux autres hôtesses en train de s’occuper des passagers. Après qu’on m’a servi à dîner, je demande une tasse de café noir que mon ami Hamidou Ouédraogo me déconseille ces jours-ci après chaque conférence de rédaction quand nous nous retrouvons chez les sœurs Kady et Maï. Je le comprends mais la situation que je vis depuis le 14 mai 2011, m’a jeté dans un profond abattement. Je vis sans vivre.

Quarante portraits romantiques

Ayant fini d’ingurgiter ce café que je considère comme un breuvage de sorcière, je sors de mon sac un livre que j’ai emmené avec moi pour me distraire pendant le trajet. C’est L’histoire du Romantisme de Théophile Gautier. Il m’a été offert par Ousséni Ilboudo (le directeur des rédactions de l’Observateur Paalga), qui était récemment en mission à Paris.
Ce livre, dont je viens de commencer la lecture, est très intéressant surtout la deuxième partie qui est consacrée à Quarante portraits romantiques.

Je vous le dis, le mordant du style de l’auteur fait autorité dans le domaine de l’écriture. Ce livre, Gautier l’a conçu pour survivre à sa propre disparition. Il voulait sans doute accéder par son œuvre à l’immortalité. C’est un chef-d’œuvre et je salue la valeur littéraire de cet ouvrage. C’est une grande œuvre d’une haute tenue avec des témoignages poignants sur des poètes, des romanciers et des artistes avec qui il a vécu à une certaine époque au dix-neuvième siècle.
C’est émouvant quand il parle de Vigny, de Balzac, de Baudelaire, de Lamartine, de Nerval, de Rachel, de Delacroix, de David d’Angers, de Goncourt (Jules), de Berlioz, de lui-même, etc. Des noms qui m’ont rappelé le cimetière Montmartre que j’avais visité en août 2010 à l’occasion d’un match amical entre les Etalons et les Diables Rouge du Congo à Senlis en France.

J’aurais voulu être né dans ce siècle pour me mêler dans la vie littéraire. Les mathématiques, ce n’est pas mon fort et je comprends pourquoi Lamartine les regardait comme des obstacles à la pensée. Quand on a lu les Méditations, on voit que la liberté de l’esprit se confond avec la liberté de pensée. Les ouvrages de l’esprit sont les poèmes, les romans, ce qui est le résultat de l’activité intellectuelle.
C’est en pleine lecture qui procure quelques heures d’évasion que l’un des deux pilotes annonce que nous serons dans quelques minutes à Douala.

Je range mon livre et je sens que l’avion perd de l’altitude. Je vois des cours d’eau et une forêt dense qui s’étend à perte de vue. J’étais venu en janvier 2011 à l’occasion du tour préliminaire de la CAF avec un Boeing de ce même type. Mais nous avions fait le voyage dans la nuit et je n’ai pu rien voir. Maintenant, c’est autre chose et je suis émerveillé parla beauté du paysage. C’est à 15 h 55 heure locale (14 h 55 à Ouaga), que l’avion atterrit à l’aéroport de Douala après 3 heures de vol. L’escale a duré plus d’une heure, le temps de se ravitailler en kérosène. Quand il a repris sa destination, il a seulement mis 25 minutes pour atteindre Yaoundé.

Le ministre des Sports et des Loisirs, Yacouba Ouédraogo, est accueilli par le chef de la délégation, le commandant Boukaré Zoungrana, qui était du voyage avec les Etalons. Les formalités de police se passent sans encombre et, cerise sur le gâteau, on nous délivre des visas gratuits.
Nous quittons l’aéroport au moment où le jour décline. Le ministre est conduit dans un hôtel qui lui a été réservé avec le président de la FBF. Quant à nous, nous prenons deux taxis pour la ville et nous descendons à Kaelly hôtel qui est non loin du stade Ahmadou Ahidjo.
Savez-vous où je suis allé après avoir pris une douche ? Eh bien, chez une vendeuse qui ne m’a pas reconnu et j’ai fait honneur à deux maquereaux et à des plantains. Demandez à Hervé Honla de la Rédaction, il vous dira ce que c’est.

Départ inopiné pour le Gabon

Deux jours après notre arrivée à Yaoundé, un match amical international était prévu entre les Panthères du Gabon et les Etalons le lundi 9 janvier 2012 au Gabon. Après l’entraînement de l’équipe le 7 janvier sur l’un des terrains synthétiques du centre d’excellence de Mbankomo, on m’informe en même temps que mon confrère Antoine Battiono qu’il n’y a pas suffisamment de place dans l’avion que les Gabonais ont affrété pour la délégation burkinabè. C’est donc la Télévision seule qui fera le déplacement.

Le dimanche 8 janvier, je dormais à poings fermés quand le téléphone sonne dans ma chambre. Je décroche et je reconnais la voix de Battiono qui m’informe qu’on nous attend d’urgence à l’aéroport pour le départ au Gabon prévu à 11h (heure locale) soit 10h TU. Je tombe des nues et ne comprend plus rien à ce brusque changement. On a une heure devant nous pour rejoindre la délégation à l’aéroport qui est très éloigné de la ville ; je me débarbouille en deux minutes et prend seulement mon ordinateur. Nous libérons les chambres et confions nos bagages à la réception. Heureusement d’ailleurs que le réceptionniste était compréhensible. Nous hélons un taxi en maraude qui se met en route. Je craignais les bouchons de Yaoundé, mais la circulation est un peu fluide. C’est dimanche et la plupart des Camerounais sont soit à l’église, soit au temple. L’heure avance et au fur et à mesure que le chauffeur prend des raccourcis pour essayer de gagner du temps, le portable de Battiono sonne comme une clochette pendue au cou d’un bélier. C’est le ministre qui demande à quel niveau nous sommes. Yaoundé, ce n’est pas Dapoya ou Sankariaré. On se réfère au conducteur qui nous dit que nous sommes à 10 kilomètres de l’aéroport. Le colonel Yacouba Ouédraogo souhaite qu’on fasse un peu vite surtout que l’avion est déjà en piste et on n’attend plus que nous.

A une intersection, des policiers occupent une partie de la voie et je pense qu’ils vont nous arrêter pour un contrôle de routine. Mais rien de tout cela et au même moment, le chauffeur nous fait savoir qu’ils sont là pour fermer bientôt la route et selon lui, le président Paul Biya doit être en train de se préparer pour un voyage quelque part. Il craint qu’en cours de route, nous ne soyons confrontés à des barrages. Mais nous sommes nés coiffés et à la sortie de la ville, il roule à tombeau ouvert. Mon cœur bat la chamade à l’idée qu’une telle vitesse pourrait nous être fatale. A quoi sert d’aller vite et ne pas arriver à destination ? A force d’appuyer sur l’accélérateur, il arrive à bon port. Nous sommes les deux derniers passagers et après qu’on a demandé nos passeports en toute hâte, nous montons en même temps que les autres dans un Boeing 737-300.

De Libreville à Oyem

Contrairement à ce qu’on nous avait dit, je constate, à mon grand étonnement, qu’il y a des places vides. A 11h 30 (heure locale), l’avion quitte le sol. A peine s’est-il éloigné qu’on nous sert une collation en nous informant en même temps de faire vite parce que nous ne tarderons pas à atterrir.

Dans l’avion, j’aime toujours m’assoir près du hublot et de l’endroit où je suis, je ne vois que de vastes forêts. Du coup, l’idée d’écrire un poème me trotte dans la tête pour exalter la beauté de la nature. Je ne sais pas si un jour, j’évoquerai mes souvenirs de voyage à travers un livre. J’ai déjà un recueil de poèmes que je suis en train de terminer, et que je veux compléter par six autres sonnets intitulés Les pleurs. Le temps me fait défaut avec ces « petites finale » comme diraient certains au journal. Mon exaltation ne cesse de croître à l’approche de Libreville, où nous survolons pendant quelques minutes l’océan Atlantique. Je paraissais perdu dans la contemplation de la mer qui s’étend à l’infini. Quand l’avion passe l’océan, des pâtés de maisons s’offre à ma vue et je vois au passage un joli stade qui semble être celui de la compétition où se produira le groupe C (Gabon, Niger, Tunisie et Maroc).

Le train d’atterrissage déjà prêt, c’est à 11h 10 (heure locale) que l’avion se pose à l’aéroport Léon Mba. C’est la première fois que je viens au Gabon et j’aurais voulu découvrir la ville pour voir à quoi elle ressemble. Mais notre destination ne s’arrête pas là et nous volons de Libreville à Oyem en trente minutes. A notre descente d’un Fokker 100, nous sommes très bien accueillis par les autorités locales pendant que des responsables de la Fédération gabonaise de football activent les préparatifs. A quelques mètres de la piste d’atterrissage, des Burkinabè résidant à Oyem lèvent les mains aux cris de : « Victoire pour les Etalons ! ». Les joueurs vont les saluer. On scande le nom de Dagano qui n’est pas du voyage. Chose étonnante, notre confrère, Victorien Marie Hien, est applaudi. On l’a reconnu grâce certainement à la magie du satellite.

D’Oyem, l’autre destination est Bitam (deux villes distantes de 76 kilomètres) dans le Grand Nord. L’aéroport étant en réfection, il fallait aller par la route et c’est sous escorte policière que nous quittons cette localité à 14h 15 (heure locale). En tout cas, on n’a pas lésiné sur les moyens pour assurer la sécurité matérielle des invités. Dans les deux cars mis à notre disposition pour le voyage, il y avait des gendarmes en civil. Derrière suivait un camion militaire pendant que, devant, des véhicules de toutes sortes se suivaient et la plupart des occupants armés jusqu’aux dents.

La région des trois frontières

Je consulte ma montre. Nous sommes en route il y a plus de trente minutes.
La voie est en excellent état avec des virages sur plusieurs kilomètres. Le paysage est magnifique. Des arbres de toutes espèces défilent devant mes yeux. L’ondoiement des herbes sous l’effet du vent m’impressionne. Quand on a fait l’ancienne école, on ne peut que se laisser aller à des rêveries. Je dis bien l’ancienne école quand on a une tristesse qui s’harmonise avec le paysage. J’ai arrêté momentanément un chapitre de L’histoire du Romantisme pour vivre avec la nature.

Tout à coup, le ralentissement des véhicules me sort de mon rêve. Nous sommes dans un gros village. Des gendarmes se concertent pendant que des voyageurs en profitent pour satisfaire un besoin pressant. Le cortège repart et arrive à Bitam à 15h 35 (heure locale). Conduite à Bénédicta hôtel, la délégation burkinabè est accueillie par le maire de ladite localité, Emmanuel Edou Eyeme, ceint de son écharpe pour la circonstance. Une jeune fille offre un bouquet de fleurs au ministre Yacouba Ouédraogo en guise de bienvenue dans le département de Ntem.

Comme à Oyem, des Burkinabè sont là et veulent faire des photos avec les joueurs. Mais les gendarmes font écran pour éviter le désordre. C’est dans cet hôtel accueillant que le capitaine, Mahamoudou Kéré, et ses coéquipiers ont élu domicile de même que le ministre et le président de la FBF. La presse, quant à elle, est logée à quelques encablures.
Le maire de Bitam, on ne sait pourquoi, nous a rejoints à notre hôtel. Il est jeune et de nos échanges, on sent qu’il est très cultivé et d’une modestie confondante. Selon lui, Bitam signifie en langue fang « les sources ». Située dans le département de Ntem dont elle constitue le chef-lieu, Bitam est fréquentée par des Camerounais et des Equato-guinéens. Son marché offre une ample variété de produits alimentaires locaux et ses petits restaurants proposent toutes sortes de viande de brousse. A quelques années de distance, dit-il, l’aspect de sa ville a complètement changé et Bitam c’est la région des trois frontières (Gabon, Guinée équatoriale et Cameroun). Elle est à trois heures de route de Bata (groupe A de la CAN) de même que Yaoundé. En outre, la frontière est à 17 kilomètres des deux autres pays et les populations vivent en parfaite harmonie avec leur entourage. Pendant que le maire causait, je me demandais pourquoi n’avons-nous pas fait le voyage par la route puisque Bitam et Yaoundé sont distantes de 300 km, alors que nous sommes venus en avion.

Le maire, à qui j’ai fait part de ma pensée, m’a rappelé ce qui s’était passé à Cabinda en Angola en 2010 quand le car de la délégation togolaise avait été attaqué à la frontière entre le Congo et cette enclave. « C’est vrai que dans la région des trois frontières la paix règne, mais les autorités de mon pays qui ont donné leur accord pour ce match amical international, tenaient à ce que la délégation burkinabè voyage dans de très bonnes conditions », explique-t-il.
Le maire, comme on le voit, a été convaincant dans ses propos. Il sait que nous jouons à Malabo et, selon lui, la cherté de la vie est réelle là-bas et les hôtels ne sont pas à la portée de tout un chacun. C’est un tableau inquiétant que le bourgmestre de Bitam a peint à la pensée de notre porte-monnaie. Dans quelques jours effectivement, nous serons à Malabo que j’ai d’ailleurs hâte de découvrir. Mais ce qui est certain, c’est que je ne serai pas à ma première CAN. J’ai vécu des situations similaires à Bloemfontein en 1996 en Afrique du Sud, à Cabinda et à Luanda en 2010 en Angola. Quand on est un homme, il faut s’adapter aux circonstances, et je souhaite seulement retourner en bonne santé au pays parce qu’il y a un être cher disparu qui m’attend dans un petit village.

Justin Daboné

A demain, peut-être…

L’Observateur Paalga

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