GESTION DU FOOTBALL BURBINABE : Opacité, impunité, opportunismes, interférences politiques…
Le Football burkinabè est en panne. Et
c’est peu dire. Mauvais résultats aux compétitions africaines et
internationales, immixtion du politique dans la gestion quotidienne du
sport roi, mauvais suivi et coaching des équipes nationales, mauvaise
gestion financière, émergence d’acteurs venus de nulle part et ne
justifiant d’aucune expérience en la matière… Bref, trop d’enjeux
politiques et d’intérêts personnels au détriment du développement du
football. L’équipe fédérale dirigée par Zambendé Théodore Sawadogo,
héritière de pratiques opaques érigées en système de gestion depuis des
décennies, ne sait plus où donner de la tête. On n’a pas fini de digérer
la déroute des Etalons à la CAN Angola 2010 que la Fédération burkinabè
de football (FBF) annonce qu’elle traîne des dettes évaluées à plus de
400 millions de FCFA. Et que ses comptes bancaires et l’immeuble
abritant son siège sont saisis sur requêtes de créanciers. Cette
situation chaotique est l’aboutissement logique des tares accumulées et
des complaisances au plus haut niveau de l’Etat, notamment le ministère
des Sports et des Loisirs, dans la gestion du football national.
Pour une fois, une équipe fédérale daigne communiquer sur la situation
financière de la FBF. Est-ce parce qu’elle n’a plus le choix ou est-ce
pour éviter d’être devancée par la presse qui avait commencé à mettre au
goût du jour les dysfonctionnements dus aux créances que traîne la
fédération ? Possible. D’autant plus que le championnat est interrompu,
faute de moyens pour assurer les matches.
En tous les cas, Zambendé et
son équipe ont décidé de donner l’information. Et il faut s’en
féliciter, quoique ces informations demeurent insuffisantes et créent
plus de confusions qu’elles n’en dissipent. Il faut publier les rapports
d’audits pour que tous ceux qui ont trempé dans des cas avérés de
mauvaise gestion, qui qu’ils soient, répondent de leurs actes. Dans ce
pays de savane, tout se sait. Point n’est besoin de faire des
cachoteries. Bien que la FBF soit une association, sa gestion relève de
la sphère publique et les fonds mis à sa disposition sont publics. Si
l’équipe dirigeante actuelle de la FBF refuse de publier les résultats
des audits successifs, c’est qu’elle a des choses à cacher. Et cela
n’est pas tolérable. Bref, faut-il tirer sur l’ambulance en insistant
sur l’opacité de la gestion du football burkinabè ? Oui, parce que le
malade qu’elle transporte semble se faire le malin plaisir de se payer
régulièrement une balade en ambulance.
Et aux grands mots, les remèdes
de cheval. Disons-le, sec et net : il faut nettoyer le football de tous
ces saprophytes et autres démarcheurs qui pullulent dans le milieu et ne
pensent qu’à leur gosier, leur ventres et leur bas-ventre. Combien de
parvenus et d’usurpateurs ont profité du football pour s’enrichir sans,
en retour, apporter la moindre contribution à son essor dans ce pays ?
Combien sont-ils, ces piètres techniciens et marchands d’illusions qui
ont défilé au Burkina Faso pour ne nous apporter, en fin de compte, que
de la déception et même de l’humiliation ? Combien de managers
incompétents et véreux, qui ne voient dans le football que les rentes et
autres dividendes en espèces sonnantes et trébuchantes, sont passés par
là ? Pourquoi les différents rapports d’audits de la gestion des
différentes équipes fédérales sont toujours gardés en secret ?
Pourquoi ? Que fait le ministère en charge des Sports face à cette
opacité érigée en règle de gestion ?
Quelles sont ses responsabilités
dans cette situation ? Pourquoi sommes-nous incapables de construire une
équipe nationale véritablement compétitive depuis 1998 ? Qu’apportent
ces compétions multiples et multiformes qui ressemblent plus à des
opportunités politiques pour promoteurs en quête de popularité ou de
légitimité au football national ? Et l’USSU-BF (Union des sports
scolaires et universitaires du Burkina Faso), récupérée depuis l’arrivée
de Jean-Pierre Palm au ministère des Sports, pour une promotion
politique personnelle du « Petit Président », François Compaoré, devenu
président d’honneur sur on ne sait quelle base ? L’on se souvient que
cette compétition faisait l’affaire des clubs burkinabè vers la fin des
années 90. Aujourd’hui, elle a été politisée à outrance, tout comme tous
les évènements réunissant les jeunes dans ce pays. Peut-on attendre des
résultats probants avec des acteurs qui ne voient que les dividendes
politiques ou financières qu’ils peuvent tirer ?
Nettoyer le foot national des dealers !
Il se passe des choses bizarres à la FBF et dans le football
burkinabè de façon générale. Il faut crever l’abcès une bonne fois. A
entendre le président de la Fédération, les rapports d’audits sont
connus du Premier ministre Tertius Zongo. Les difficultés aussi ! Il
reste à voir maintenant ce qu’il va en faire. Va-t-il se contenter
d’investir l’argent public pour sauver la FBF ou va-t-il mettre de
l’ordre dans cette FBF qui fait tant parler d’elle en matière de
mauvaise gestion de deniers publics depuis des décennies ? Une fois de
plus, Tertius Zongo a de quoi secouer le cocotier. Mais le fera-t-il ?
Rien n’est moins sûr ! L’on est coutumier de l’inaction du gouvernement
quand il s’agit de sanctionner de prétendus gros bonnets auteurs de
mauvaise gestion de deniers publics et qui jouissent de bonnes
protections. Dans le cas présent, la prétendue indépendance de la FBF
voulue par la FIFA (Fédération internationale de football associations)
ne saurait justifier une éventuelle inaction du gouvernement.
Mais enfin ! L’on a cru qu’en positionnant des hommes déjà riches à la
tête de la FBF, on éviterait qu’ils transforment le football national en
commerce ou en boutique du quartier où l’on confond capital et
bénéfices. Malheureusement, s’il ne peut venir à l’idée que les
précédent et l’actuel présidents de la Fédération puissent se
compromettre à la FBF, il reste qu’ils n’ont pas fait grand-chose pour
nettoyer le football de ces dealers de tout poil. Du point de vue de la
gouvernance quotidienne du football, ils n’ont pas échappé, eux aussi,
aux louvoiements.
La gestion des équipes nationales surtout senior et
des joueurs, les recrutements (à prix d’or pour peu de résultats)
d’encadreurs étrangers dont certains arrivent sans références
comparables aux techniciens nationaux, le mépris vis-à-vis de
l’expertise nationale et l’absence d’une vision réellement prospective
demeurent une constante dans la gestion de la FBF. A cela, il faut
ajouter l’immixtion du politique. Ainsi, a-t-on coutume d’entendre dire
que le président du Faso est le « premier capitaine », le « premier
supporter », etc. Cette omniprésence du Président Compaoré, et de plus en
plus de son frère cadet, véhiculée par des acteurs qui savent bien tirer
profit de cette flagornerie, a aussi son impact négatif sur le football.
Du fait de cette omniprésence, certains se permettent certaines
pratiques dans le dos du président du Faso. Combien sont-ils ceux qui
utilisent son nom pour faire passer leurs propres volontés dans la
conduite quotidienne de l’action publique dans tous les domaines, y
compris dans le sport ?
Une injure à la fierté nationale ?
La crise qui secoue actuellement la FBF interpelle tous
ceux qui aiment le football et, de façon générale, tous ceux qui sont
attachés à la bonne gouvernance. Elle révèle aussi que les Burkinabè
refusent désormais de se laisser exploiter ou de subir en silence la
mauvaise gestion et le mépris de ceux qui se croient au-dessus de tout
et de tous. Dans cette affaire, la FBF n’a pas encore tout dit. Il y a
des non-dits qui cachent mal un malaise sérieux et que le président de
la FBF ne veut pas, pour l’instant, évoquer. Cependant, il doit
clarifier cette situation. C’est trop facile de se cacher derrière le
fait que le gouvernement ait été saisi et qu’une inspection ait été
diligentée, pour ne pas dénoncer la mauvaise gestion de tous ceux qui
espèrent jouir d’une impunité totale de leurs inconduites. Le président
de la FBF et son équipe doivent savoir que leurs responsabilités
individuelle et collective sont engagées dans cette affaire. Que cette
crise relève ou pas de leur propre faute, ils ont le devoir de situer
les responsabilités.
Comment comprendre que la FBF ait cumulé des engagements non respectés
jusqu’à hauteur de 400 millions de FCFA ? Curieusement, au moment où
elle traverse des difficultés financières et fait appel au gouvernement,
elle renouvelle le contrat de Paulo Duarte, l’entraîneur portugais des
Etalons seniors qui, comme ses prédécesseurs, n’a rien montré
d’extraordinaire. Plus grave, le président de la FBF annonce fièrement
que son salaire a été revu à la hausse. Mieux, elle veut acquérir ou a
déjà acquis une villa de 55 millions de FCFA pour lui et ses adjoints.
Elle dit avoir payé 11 millions de francs. Pendant ce temps, le
championnat national bat de l’aile et a même été « suspendu jusqu’à
nouvel ordre », même si, selon les dernières nouvelles, il doit reprendre
du service, mais clopin-clopan ! Sur quoi compte la FBF pour payer
Duarte ? L’Etat certainement !
Mais l’Etat burkinabè peut-il se
permettre un tel luxe alors que des nationaux ont été obligés de saisir
les comptes bancaires et l’immeuble de la FBF pour réclamer leurs
arriérés de salaires ou leurs factures impayées ? Dans quel monde
sommes-nous ? Dans aucun pays qui se respecte, on ne peut se permettre
une telle injure à la fierté nationale. Un peu de respect tout de même
pour nos frères ! A la décharge du président de la FBF et son staff,
l’on pourrait dire que les dettes cumulées ne relèvent pas de leur fait
exclusif. Mais ils devaient se montrer plus visionnaires en concentrant
leurs efforts de sorte à éviter une telle situation, en résolvant
notamment les problèmes d’abord avant de s’engager dans des contrats
avec Duarte. Au fait, combien coûte ce dernier au contribuable
burkinabè ? L’opinion a le droit de le savoir, puisque même le salaire
du président du Faso est connu. Quel rôle joue le ministère des Sports
et des loisirs dans tout cela ? Ces question méritent de la part de la
sphère dirigeante du football, des réponses claires, portées à la
connaissance du public.
Qui a voulu mettre la FBF devant le fait accompli ?
A l’évidence, l’équipe fédérale dirigée par Zambendé
Théodore Sawadogo n’est pas plus visionnaire que ses prédécesseurs. Qu’à
fait Duarte de mieux que ses prédécesseurs pour mériter un traitement
aussi préférentiel ?
Voilà un jeune technicien en quête d’expérience
enrichissante pour son curriculum vitae qui débarque, tambour battant,
au Burkina, qui croit que le monde s’arrête à ses pieds, qui se paye le
luxe de traiter la presse sportive de « merde » tout simplement parce
qu’elle est critique vis-à-vis de ses choix équivoques tant dans le
système tactique que dans la gestion des joueurs, et qui se voit traité
en roi ! Rappelons qu’avant ce magicien, le Burkina Faso s’est qualifié
de hautes luttes en 1996 à la CAN avec un entraîneur national, Drissa
Malo Traoré dit Saboteur. Avant Duarte, le Burkina Faso s’était qualifié
trois fois consécutives à une phase finale de CAN (2000, 2002 et 2004).
Comme les précédentes participations, les Etalons, version Duarte, ont
« versé la figure » de notre pays par terre en Angola. En quoi Duarte
est-il plus méritant que ses prédécesseurs ? Rappelons aussi que le
Burkina Faso a eu l’une de ses belles participations internationales de
football avec des entraîneurs nationaux (Jacques Yaméogo et Piouri
Wibonga) en se hissant au troisième rang d’une coupe du monde, en
cadets. Qu’a fait Duarte pour mériter une décoration et une augmentation
de son salaire de pratiquement 50% ? Ce même entraîneur qui a été
remercié par un petit club français (Le Man) pour insuffisance de
résultats est fait roi par tout un pays, le Burkina Faso ! Qu’est-ce qui
se cache derrière tout cela ?
Voilà un pays qui traine des arriérés de
salaires des entraîneurs nationaux, qui doit à ses prestataires
nationaux et qui va chercher une expertise qui, en termes de rapport
entre la qualité des prestations et les coûts, est plus que discutable.
On comprend maintenant pourquoi Duarte a eu le toupet de signer au Man
(Ligue 1 France) alors qu’il était sous contrat avec la FBF. Tout se
passe comme si les amitiés et les intérêts individuels ou de groupes
particuliers ont pris le dessus sur l’intérêt national. Les informations
contradictoires entre le ministère des Sports et la FBF sur le
recrutement d’un autre entraîneur portugais pour les cadets illustrent
éloquemment que des gens défendent des intérêts qui ne sont pas
forcément ceux du football burkinabè. Qui a annoncé le recrutement de
cet entraîneur alors que le président de la FBF a affirmé, lors de sa
récente conférence de presse, qu’il n’avait jamais signé de contrat avec
qui que ce soit ? Quelqu’un voulait-il mettre l’équipe fédérale devant
le fait accompli ? Qui et pour quel intérêt ?
Barrer la route aux opportunistes et autres saprophytes !
En définitive, le moment est venu de mettre de l’ordre dans les
fédérations sportives. Le Burkina Faso, pays pauvre très endetté, ne
peut pas continuer à se payer le luxe d’investir des ressources
importantes pour si peu de résultats. Les dirigeants du sport national
doivent être plus ambitieux que cela ou alors, ils ne sont pas à leur
place. Ils doivent comprendre que pour construire des équipes
compétitives, il faut investir dans la formation des encadreurs, des
joueurs, des managers… Bref, il faut construire une expertise nationale
solide. Ce n’est pas en se jetant pieds et mains liés à la merci de
techniciens européens ou latino-américains que l’on sortira le football
de sa panne actuelle.
Pour sortir le football burkinabè de l’impasse, il faut d’abord faire
toute la lumière sur les cas de mauvaise gestion qui ont contribué à
gripper la machine FBF. Il faut aussi que les fautifs répondent de leurs
actes. Ensuite, sur le plan managérial, il faut débarrasser toutes les
structures de gestion du sport national et la FBF en particulier des
opportunistes, des rentiers et des politiciens en vaine quête de
popularité. Il faut donc mettre les hommes qu’il faut à la place qu’il
faut. Le football burkinabè doit être dirigé par des acteurs qui aiment,
connaissent le football et en ont le temps. Il faut donc des hommes et
des femmes compétents, animés par une volonté de servir et non de se
servir, capables d’assurer leurs fonctions et responsabilités en toute
indépendance. Il est aussi urgent de débarrasser le football des
influences ou des interférences politiques nuisibles.
Enfin, sur le plan technique, les Burkinabè doivent prendre conscience
des limites objectives du football national et entreprendre une
réflexion profonde pour se donner une vision prospective, un tableau de
bord intégrant les actions à entreprendre dans tous les secteurs pour
combler les lacunes actuelles. Il faut réfléchir à la formation et à la
gestion de jeunes joueurs, à de réelles compétitions dans les petites
catégories (minimes, cadets, juniors), le relèvement du niveau du
championnat national, la construction d’une équipe nationale
compétitive, la formation des encadreurs, la valorisation et la
constitution d’un paquet d’experts nationaux à la hauteur des enjeux.
Autrement, l’on sera toujours là à se satisfaire d’être qualifié à la
phase finale, à louvoyer dans la gestion et à faire du football, la
caverne d’Ali Baba pour opportunistes et saprophytes de tous genres. Le
football moderne, c’est d’abord une vision, des objectifs à atteindre,
des compétences managériales, un sens de responsabilité, une bonne
connaissance des acteurs et des enjeux. Malheureusement, ici au Faso, on
navigue à vue et on est responsable de rien. Persister dans cette
opacité ne pouvait qu’apporter les résultats désastreux actuels…
Par Boureima OUEDRAOGO*
Le Reporter