Les fonctions sociales du forgeron
Ce volet doit être considéré comme une justification de la pureté et de la supériorité du forgeron. Dans la société traditionnelle il exerce de multiples fonctions sociales pour le bien de tous. Le forgeron n’est pas un paria, c’est plutôt un homme indispensable assumant de multiples rôles dans la société.
1- Rôle du forgeron dans l’investiture des principaux chefs Nakomse dans le Bam
Dans les trois royaumes (Ratenga, Risam, Zitenga) que compte la province du Bam, le forgeron n’est pas un homme politique. Il ne prend pas part non plus au collège électoral pour la désignation du nouveau chef Nakomga. Mais une fois les élections faites, il doit nécessairement intervenir de plusieurs manières dans l’investiture du nouveau roi.
Selon Noaga Robert Ouédraogo, après l’élection du chef de Risam, ce sont les forgerons de Kougsabla et autres forgerons des villages environnants qui sculptent ses nouvelles chaises, confectionnent les piliers de son hangar et décorent sa cour.
De même, au Ratenga, le futur Naaba reçoit chaises, statuettes et sabres de la part des forgerons de Sandouré et de Yalka. Objets qui expriment son autorité, sa puissance et sa gloire.
Le nouveau roi Nakombga, dans la société traditionnelle du Bam, suit en conséquence un périple qui le conduit dans plusieurs localités pour accomplir des rites auprès des forgerons.
Tout cela se fait en vertu d’une conception qui fait du forgeron un détenteur de secrets le rendant capable d’intercéder auprès des ancêtres et des forces surnaturelles.
2- Les fonctions juridiques du forgeron
Sur le plan social, le forgeron est un homme de paix, un intercesseur. Sa neutralité politique et son pouvoir mythique lui valurent d’être considéré au dessus de tous pour dire objectivement les choses et recommander l’entente. Il est reconnu pour son rôle de médiateur dans les conflits. Son intervention volontaire, où à la demande des habitants des villages concernés en cas de guerre ou de querelles graves de familles, est considérée comme sacrée, et en ce sens ne doit pas être refusée.
Dans une société qui se voulait un havre de paix, le forgeron était chargé du maintien de l’ordre social.
A ce propos, Jean CAPRON écrivait : « la parole du forgeron est douce : entendons par là qu’elle apaise, qu’elle ouvre la voie à la médiation ». Il demeure l’agent conciliateur par excellence dans les sociétés traditionnelles. Il se charge de régler tout litige porté à sa connaissance. A ce propos Kuka KANE affirme « nous sommes sollicités pour régler les mésententes entre familles non forgeronnes des villages environnants ». Il ajoute : « nous intervenons également pour régler les problèmes de foyer ». Le forgeron demeure donc un agent de cohésion sociale dans la société traditionnelle du Bam.
En plus de son rôle juridique, le forgeron joue également un rôle sanitaire très important dans la société.
3- Les fonctions thérapeutiques du forgeron
Avant l’introduction de la médecine moderne, le forgeron était un thérapeute sollicité à tout moment pour les soins des adultes et des enfants. Il se présente comme un guérisseur et toute sa force en cette matière réside dans le Kudugu, (l’atelier).
Par exemple, lorsqu’une femme n’arrive pas à avoir d’enfants (femme stérile) ou plutôt les perd en bas âge, elle se confie au kudugu par l’intermédiaire du forgeron. Les enfants qui naîtront après cet acte de foi prennent les prénoms suivants : kudugu (atelier de forge), Kudbila (petit kudugu), kudpoko (kudugu femelle) ou alors saãbila (petit saãba) ou sanpoko pour une fille. De même, le forgeron intervient dans le cas des accouchements difficiles. La femme à l’état dystocique était amenée à la forge où le forgeron lui faisait absorber une mixture à base de plantes ou une poudre diluée dans un liquide ; les enfants nés dans de telles circonstances prenaient les mêmes prénoms ci-dessus cités. Si l’enfant est une fille, elle revenait automatiquement au Kudugu, et le chef forgeron était chargé de lui trouver un mari.
Ils intervenaient également dans le soin de certaines maladies comme les hémorroïdes (sabtologo) qui trouve son origine selon les forgerons dans le travail du fer. Par exemple, celui qui n’est pas forgeron et non initié à la forge et qui s’asseoit sur l’enclume ou grille un aliment (maïs, arachide, viandes, etc.) dans les braises du foyer, son anus s’allonge comme la tuyère (Pèpga en mooré) et il contracte ainsi la maladie. Seul le forgeron est habilité à soigner ce mal qui, de l’avis des traditions orales brave la médecine occidentale. La patient apporte une poule, qui est offerte au Kudugu, et le forgeron lui remet une poudre noir dont la composition demeure secrète et qui doit servir à préparer de la bouillie, que le patient boit pour guérir après quelques jours.
Le forgeron soigne aussi des plaies chroniques. Il badigeonne les contours de la plaie avec un mélange de beurre et de limaille de fer.
Outre ces maladies, le forgeron soignait d’autres maladies dont nous ne faisons pas cas ici.
Source : Noaga Birba, La métallurgie primaire du fer sur la rive gauche du lac Bam.
Par Bendré