DECORATION DE DUARTE : Un geste inachevé
Le 13 avril dernier, le ministre des Sports a décoré Paulo Duarte, entraîneur des Etalons seniors, de la médaille de Chevalier de l’Ordre national. Cette distinction n’a pas manqué de susciter des réactions diverses au sein du monde sportif. Beaucoup se demandent si Duarte méritait cette médaille, étant donné la piètre performance des Etalons à la CAN 2010 en Angola.
A la décharge du gouvernement, il faut savoir que Duarte devait être décoré en décembre dernier, c’est-à-dire bien avant la CAN. La cérémonie organisée par le ministère des Sports est en quelque sorte une séance de rattrapage car le Portugais qui était hors du Burkina en décembre, n’avait pas pu recevoir sa médaille à l’époque.
Dans tous les cas, la question reste posée, quant à l’opportunité de distinguer l’entraîneur seul, surtout avant le grand rendez-vous de la CAN. Etait-ce pour le motiver ? Si c’était l’objectif poursuivi, il faut dire que c’est raté. Après donc l’expédition infructueuse en Angola, le ministère a quand même trouvé bon de médiatiser la remise symbolique de la médaille à Duarte. Le caractère grandiose donné à cette décoration en différé, alors que des milliers d’autres Burkinabè sont dans l’anonymat, a réveillé la polémique au sein du monde sportif.
Qu’a fait Duarte pour mériter tous ces égards ? Ne devait-on pas plutôt remettre les choses à plat pour un bilan critique de la participation de notre Onze national ? Cette joie non dissimulée des autorités sportives à remettre cette distinction signifie-t-elle que le Burkina se satisfait de la prestation des Etalons ? Certes, Duarte a qualifié les Etalons à la CAN. C’est un mérite qu’il faut lui reconnaître, d’autant que cela n’est plus arrivé depuis quelques éditions de la CAN. Mais cela n’a rien d’extraordinaire. Un autre entraîneur, en l’occurrence Drissa Traoré dit Saboteur, avait réussi la même prouesse en qualifiant les Etalons pour la CAN 96 en Afrique du Sud. Il n’avait cependant pas bénéficié de la même attention.
Et puis, il y a eu cette parenthèse du Mans, qui n’honore nullement Duarte. En signant avec un club de D1 français alors qu’il est sous contrat avec une équipe nationale, Duarte a surestimé ses capacités. On espère que l’homme a tiré les leçons de cette grave erreur et qu’à l’avenir, il manifestera plus de respect pour l’équipe nationale pour laquelle il est payé, qu’elle soit burkinabè ou non. Si la décoration d’un entraîneur aussi controversé marque le début d’une politique de reconnaissance du mérite des acteurs sportifs, en général, on ne peut que saluer ce fait. Autrement, la suspicion continuera de planer encore longtemps sur l’objectivité des décorations au Burkina. Autre incongruité de cette décoration, c’est l’absence des autres membres du staff technique et des joueurs.
Bien sûr, on dira que la médaille appartient à Duarte et que de surcroît, elle lui a été décernée depuis décembre. Soit. Mais l’on pouvait rattraper les choses en faisant d’une pierre deux coups, c’est-à-dire en distinguant également tous ceux qui ont permis aux Etalons d’être au rendez-vous de l’Angola. Cela n’a pas été le cas, et il ne faut pas s’étonner de voir naître des frustrations. Pas par jalousie, mais par désir de justice. Que représente Duarte sans ses adjoints et les joueurs ? Rien. A ce sujet, la Côte d’Ivoire nous donne un bel exemple d’encouragement de ses sportifs, en décorant toute l’équipe nationale. Le gouvernement doit donc œuvrer à dissiper les doutes sur la valeur de nos décorations, que la distinction de Duarte n’a fait qu’exacerber.
"Le Fou"
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