Ministère des sports et des loisirs : Les grands chantiers de 2009
Le mardi 27 janvier 2009 nous avons rencontré le premier responsable du ministère des sports et des loisirs, Jean Pierre Palm. Dans cet entretien à coeur ouvert le ministre évoque les grands chantiers de son département et les défis qu’il aura à relever au cours de cette nouvelle année.
lefaso.net : Monsieur le ministre,l’année 2009 qui commence réserve des défis à relever au ministère des Sports et des Loisirs. Quels sont les grands chantiers auxquels vous allez vous attaquer ?
Jean Pierre Palm : Avant toute chose, je vous présente mes vœux de santé, de paix, de bonheur et de réussite dans toutes vos entreprises. Au niveau du département des sports, je ne parlerai pas de nouveaux chantiers, mais de
chantiers à finir. Nous avons entamé un certain nombre de réformes que nous allons parachever. Notamment la mise en œuvre du plan d’action sur la politique nationale des sports. Il y a aussi un plaidoyer pour le financement du sport que nous sommes en train d’introduire en conseil des ministres afin que les Institutions au plan national prennent en compte le sport dans leurs politiques sectorielles comme facteur de développement et de
paix.
Le sport ne doit pas être un épi phénomène. Remarquez,dans toutes les grandes activités qui se passent dans ce pays, le sport est toujours mis en avant. Cependant on l’oublie dès que finit l’activité. Pour la lutte contre le SIDA, le forum des femmes....c’est le sport qu’on met en avant pour mobiliser les gens et rendre visible son action.Je dis aussi que le sport est un facteur de
développement. Prenez l’exemple des jeunes que nous avons au niveau des 14 équipes de première division de football. Sur un effectif d’au moins 25 personnes par équipe qui vivent de ce sport, nous avons estimé à 210 millions les dépenses des clubs par an. Ces chiffres sont certainement en deçà de la réalité.Mais imaginez son impact sur la société .
Si ces jeunes dont on parle n’avaient pas 25 000 ou 50 000 F CFA par mois je suis sûr que le nombre de braquage allait augmenter dans la ville. Voilà quelquesunes de mes préoccupations qui me tiennent à cœur cette année. Au niveau de nos équipes nationales, je souhaite que les Etalons cadets
aient une prestation honorable à Alger. Nous avons une très bonne équipe cadette qui est bien en jambe. J’espère que la contribution de l’entraîneur brésilien va permettre d’améliorer ce qu’ on a déjà vu d’eux afin qu’on puisse au moins jouer le carré d’as qui nous ouvrira les portes de la Coupe
du monde. Au niveau des seniors, après une brillante prestation au tour éliminatoire précédant, il va sans dire que nous sommes attendu à ce dernier tour. Toutes les équipes nous prennent au sérieux, parce qu’elles se disent que nous ne sommes pas une entité négligeable.
On ne fera plus des effets de surprise comme c’était le cas au 2e tour. Néanmoins, les joueurs ont le moral et ils ont à cœur de rendre au peuple burkinabé ce qu’on a pu leur donner ; notamment, l’augmentation des primes de matchs qui sont passées de 500 000 F CFA à 2
500 000 F. Je pense que c’est un effort considérable au Burkina Faso.
Les joueurs euxmêmes n’en reviennent pas. Hier j’ai eu Madi Panandétiguiri au téléphone. Il m’a avoué qu’ils ont été étonnés que les gens fassent de tels efforts pour eux. Chacun d’eux a engrangé en 5 matchs 13 millions, ce qui est quand même substantiel. Ils en sont conscients. Il m’a aussi dit qu’ils discutent très souvent entre eux à propos de cette troisième phase des éliminatoires de la Coupe du Monde/ CAN 2010.
C’est une bonne chose qu’ils soient concentrés. Il faut le reconnaître, cette phase sera dure, mais j’ai fois que nous pouvons au moins jouer pour la qualification à la CAN. Et si la Coupe du monde vient, pourquoi pas ?
lefaso.net : Vous avez effectué une mission 2008 en Côte d’Ivoire pour vous imprégner du modèle de financement du sport dans ce pays. Notre pays dispose til à présent d’un plan de financement du sport ?
Jean Pierre Palm : Il faut d’abord remercier les autorités ivoiriennes, notamment le ministre des Sports qui m’a ouvert toutes les portes. J’ai eu des discussions très enrichissantes. C’est vrai en matière de para fiscalité ils sont en avance sur nous, mais ils ont tenu aussi à nous féliciter pour certaines mesures que nous avons eu à prendre ici et qui répondent mieux à leur vision. Ils nous ont dit qu’ils ont eu l’argent, mais ils n’ont pas eu le coffre où le garder.
Ici, nous avons penser à prendre un coffre d’abord, par la création du fond national pour la promotion du sport et des loisirs avant de rechercher l’argent pour y mettre.
Par contre, eux, ils ont l’argent mais pour le dépenser, c’est un problème. Ils se sont donc inspirés de notre expérience aussi.Au cours de cette mission j’ai pu rencontrer pratiquement tous les acteurs. Contrairement aux écrits de certains de vos collègues qui disaient que la Fédération ivoirienne de football ne voulait pas me recevoir, sachez que c’est cette fédération qui a insisté pour me voir.Ils m’ont également demandé pourquoi je ne me suis pas adressé à leur structure. Je leur ai dis que je travaillais avec mon collègue. J’étais heureux que tous les acteurs m’aient ouvert les portes pour me parler du financement du sport. C’est quelque chose qu’ils ont formidablement réussi.
Au niveau du Burkina, nous avons introduit un dossier que j’espère, verra le jour au courant de mars. Je sais que le Premier ministre est très engagé làdessus, le ministre des Finances également. Le budget que nous allouons à nos équipes est très lourd et ça m’étonnerait que le budget de l’Etat puisse supporter cela tout le temps. Il faut donc que nous trouvions un autre mode de financement. Le Premier ministre y tient et le ministre des Finances est beaucoup plus engagé. Il me qualifie même de bombe dans sa main, tellement mes dépenses
sont pesantes. Tout le monde est donc conscient qu’il faut trouver des fonds afin que nos victoires s’inscrivent dans la durée.
lefaso.net : On vient de procéder au renouvellement des différentes Fédérations nationales du sport. Peuton déjà connaître les attentes du ministère des Sports et des Loisirs visàvis de ces nouvelles structures ?
Jean Pierre Palm : Nous avons déjà effleuré ce sujet. Mes attentes n’ont pas varié. C’est le discours que je leur tiens depuis un bon nombre d’années, à savoir réconcilier les dirigeants sportifs avec le grand public. Que les supporters et les spectateurs en regardant les dirigeants sportifs ne voient pas en eux des voyous qui sont venus pour se faire de l’argent mais pour permettre l’épanouissement des jeunes. Je pense qu’en voyant aujourd’hui les présidents de structures, on sait quand même que ce sont des gens responsables. Ils ont pris de réels engagements pour permettre au sport national de décoller.
Les renouvellements se sont passés pratiquement sans problème.
Il y a eu de petits heurts mais cela est lié à toute élection. On ne peut pas empêcher qu’il y ait une certaine passion. C’est d’autant plus agréable que ces passions se déchaînent. Cela prouve que les Burkinabè s’intéressent à la chose sportive. Il nous reste à présent la Fédération d’athlétisme à mettre en place. Compte tenu des jeux de la CENSAD les élections ont été repoussées.Par ailleurs, je tiens à dire que les choses vont changer au niveau des fédérations. Nous allons commettre un cabinet comptable qui, chaque 3 mois, va faire le tour de ces structures pour voir les subventions reçues,aussi bien internes qu’externes. Nous aurons également un contrat d’objectif que nous allons assigner à chaque fédération avec un agrément de l’Etat.
Maintenant, si on constate des dysfonctionnements graves au niveau d’une fédération, l’Etat retire purement et simplement l’agrément. Cela veut dire que cette fédération n’aura plus de financement public. Je pense que cela va nous permettre de jeter à l’eau les derniers rats qui restent dans le bateau, pour nous permettre de voguer tranquillement. Nous avons beaucoup de responsables qui souscrivent à cette idée. J’ai rencontré la plupart des présidents qui ont été élus et ils souscrivent pleinement à cette mesure. Cela permettra à nos enfants de s’épanouir. Quand on donne des primes, il ne faudrait pas que ça se retrouve dans les poches de certaines personnes et que les enfants euxmêmes premiers bénéficiaires ne gagnent que des miettes.
Vous avez vu le cas au cyclisme où nous avons perdu. Il a fallu l’assemblée générale pour que les gens sachent que, contrairement à la rumeur qui était répandue que le ministère ne mettait rien dans la Fédération de cyclisme, qu’il y avait des sous qui étaient donnés. Je ne vais pas descendre jusqu’aux coureurs pour leur demander s’ils ont reçu telle somme. Cela témoigne d’un manque de confiance aux dirigeants. Mais au niveau de l’AG, cela est ressorti. C’est ce que nous cherchons à éviter maintenant. Que ce qui est destiné aux premiers acteurs aille aux premiers acteurs.
Je demande désormais aux dirigeants que si on travaille sérieusement, il y aura des retombées positives pour chaque dirigeant. Ne seraitce que sur le plan professionnel. C’est ce que je dis très souvent à la presse. Si l’on est soudé, si on travaille de manière consciencieuse et correcte, les retombées en matière de sport seront énormes et chacun sera bénéficiaire.
Mais si nous passons le temps à nous battre comme des chiffonniers, à nous
tirer dessus cela ne profitera à personne. Il faut que nous travaillions dans l’unité, dans la cohésion, dans la transparence. C’est le seul gage de notre force. La transparence parce que le public a besoin de savoir. Souvent on me
fait des reproches du genre il dit tout. Non, je ne dis pas tout. Ce que je reçois de l’Etat pour les fédérations ce n’est pas des biens de Palm. Publier les recettes d’un match, je ne vois pas ce qu’il y a de secret dans ça. Il faut que le public sache les investissements qu’ il apporte au niveau du sport, et il ne doit pas s’attendre à plus. Comme on a coutume de dire, si tu donne 1 000 F CFA tu auras un ballon de 1 000 F CFA. Il ne faudra pas donner 1 000 F CFA et
vouloir un ballon d’un million. C’est ça la réalité. Au dernier match des Etalons contre les Seychelles, il y a un supporter qui m’a comblé.
Quand on a annoncé à la mitemps du match qu’il y avait 24 000 spectateurs et que les recettes s’élevaient à 18 millions. Il est venu me dire que même si on perd le match, que lui il sera heureux parce qu’on les a respectés, eux les supporters, en leur disant ce qu’on a reçu dans la caisse. Je lui ai dit que ce n’était pas un mérite particulier, c’est plutôt un devoir. J’appelle tous les responsables sportifs à publier tout ce qu’ils gagnent. Le monde sportif y
gagnerait plus.
lefaso.net : Il est connu de tous que la prise en charge des Etalons incombe au ministère des Sports et des Loisirs. Estce que vous pouvez nous rassurer qu’à toutes les journées FIFA, les Etalons auront des matchs amicaux ?
Jean Pierre Palm : Je tiens à vous rassurer que d’ores et déjà le budget avait été bouclé avant la fin de l’année 2008 et le ministre des Finances y tient énormément. Il y a une commission mixte, ministère des Sports/ministère des Finances qui est mise en place pour prévenir toutes les difficultés. Cette commission travaille à ce que les budgets soient dégagés à temps de sorte qu’on n’ait pas de couac en matière de financement pour la prestation des Etalons. Rassurezvous donc, toutes les journées FIFA seront remplies. On devait jouer contre l’Uruguay, mais ce match n’a pas pu se tenir parce que celui qui était chargé de nouer le contact n’a pas pu le faire. Il s’agit notamment de Adama Sourabié, qui a amené récemment
des recruteurs ici.Actuellement, nous préparons un match contre le Togo qui aura lieu le 11 février à Paris. Tous les budgets ont été élaborés et ils sont, si on peut le dire ainsi, “ à la droite du ministre des Finances ”. Avant même la fin du second tour des éliminatoires, le ministre des Finances voulait déjà qu’on fasse une projection sur le tour suivant. J’ai dû lui demander de patienter parce qu’on
n’avait pas une idée des pays qu’on allait tirer. Si on tire le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Mali, la proximité fera que le budget ne sera pas aussi énorme que si on tire le Malawi ou la Tanzanie. Le transport est très coûteux. Vous avez vu le cas des Seychelles.
Il fallait faire Ouagadougou/ Paris et Paris/ Seychelles. Les billets d’avion allaient déjà dans les 60 à 80 millions. Je tiens là à remercier le ministre des Finances pour sa compréhension et aussi l’ensemble des membres du gouvernement qui sont soudés autour de la chose sportive. A commencer par le chef de l’Etat luimême, le Premier ministre qui nous appuient
constamment pour permettre à nos athlètes d’avoir de meilleures prestations.
C’ est une chance que le Burkina Faso a d’avoir à sa tête des dirigeants qui soient sportifs. Ailleurs, il n’y a même pas de ministère des Sports.Sur les chances de qualification, je ne crois pas que nous soyons moins que ceux qui ont déjà participé à la coupe du Monde. Il faut qu’on arrête de se sousestimer. C’est l’humilité burkinabé qui nous caractérise de sorte qu’à chaque fois on croit qu’on est moins que les autres. Il faut qu’on sache aussi qu’on est
numéro un. Qui l’aurait cru que le Burkina pouvait avoir deux titres de champions du monde en boxe ? Il y a trois ou quatre ans, on dirait que celui qui l’affirme rêve.
C’est dans le sérieux, le travail, dans la rigueur que nous pourrons prétendre rivaliser avec les meilleurs. Et nous sommes parmi les meilleurs aujourd’hui.
Le parcours des Etalons n’est pas dû à un fait du hasard. Il y a un travail qui a été fait. Battre la Tunisie, le Burundi et les Seychelles est un mérite. Il n’y a plus de petites équipes. Si on parlait de petites équipes, en Europe la Grèce n’allait pas remporter la coupe d’Europe ! Dans ce continent, vous entendrez parler des pays en matière de football sauf la Grèce. Les Tunisiens nous ont dit qu’ils ne savent pas pourquoi nous parlons toujours du Cameroun, de l’Egypte... Ils disent n’avoir jamais souffert avec une équipe comme ils l’ont enduré contre
le Burkina. Ils se demandent pourquoi on ne parle pas de ce pays. Quand nous étions en Tunisie pour le match des Etalons contre ce pays, à 10 mn du coup d’envoi le ministre tunisien des Sports m’a confié que son équipe ne pouvait pas vaincre la formation burkinabé.
A la fin du match il me l’a rappelé. Cela veut dire qu’il retrouve des valeurs de jeu en nos enfants que peutêtre nous nous regardons de travers parce que c’est un Burkinabé qui joue. C’est ça notre problème au Faso. Au lieu d’encourager, on insulte d’abord avant de dire “ c’est quand même un peu bon ”. On devrait d’abord commencer par encourager les acteurs.
Au match des Etalons contre le Burundi, les gens se sont mis à huer l’équipe, qui pourtant menait par 2 buts à 0. Cela montre qu’on n’a pas une bonne lecture des matchs. Les Etalons savaient qu’en fin de semaine, ils devaient être aux Seychelles et géraient donc leur match conséquemment. Mais on trouvait que ce n’était pas la manière et qu’il fallait marquer
davantage de buts.
C’est une mauvaise lecture du jeu mais ces gens croient qu’ils
connaissent le football. Les enfants géraient leur match dans la durée, parce qu’ils savaient qu’il y avait une échéance qui les attendait en fin de semaine. Il fallait donc s’économiser. Je demande donc au public d’être soudé derrière les Etalons, d’être un seul homme. C’est de cette manière que nous allons les pousser à aller très loin dans la compétition. Comme l’a si bien dit Paulo Duarte, le coach des Etalons, on prend les matchs un à un et ce qui nous tombe dans l’escarcelle on garde. Que nous soyons qualifiés pour la CAN ou à la
CAN et à la Coupe du monde à la fois ce serait bon à prendre. Nous aurons les moyens d’aller jouer et nous ne serons pas ridicules. Propos recueillis par
MarieChantal Bouda
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