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Michel Ouédraogo, délégué général du FESPACO : “Nous voulons faire du cinéma, la synthèse des autres cultures”

Publié le jeudi 29 janvier 2009 à 02h00min

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Au cours de la tournée qu’il a effectuée du 20 au 24 janvier 2009 à Dakar au Sénégal, le délégué général a accordé aux journalistes une interview dont nous vous proposons la substance. Michel Ouédraogo, a expliqué ses ambitions pour le FESPACO.

Notre ambition est de faire du FESPACO, une institution panafricaine reconnue par tous les Etats africains, qu’elle puisse avoir plus de visibilité et enfin, qu’elle soit un instrument politique et militant au profit du cinéma africain. Il y a également la biennale, qui nous rassemble tous les deux ans et qui nous donne l’occasion de réunir tout ce que l’Afrique a de très important dans le domaine cinématographique. Nous voulons ainsi l’ouvrir à tout ce que l’Afrique compte comme étoiles, vedettes, artistes, intellectuels, parce que nous voulons faire du cinéma, la synthèse des autres cultures. Nous disons que lorsque l’Afrique fait sa fête, il est important que tous les dignes fils et filles du continent puissent y participer.

Sidwaya (S) :Quand vous dites que le FESPACO doit être une institution panafricaine, est-ce un vœu de Michel Ouédraogo.

Michel Ouédraogo. : C’est un constat que nous faisons et nous pensons qu’il faut rétablir les choses. Lors de la dernière rencontre des ministres de la Culture à Alger, il a été reconnu que le FESPACO est l’instrument le plus important pour la promotion du cinéma africain. Lorsque les hautes autorités reconnaissent cela, il faudrait que cela ne se limite pas seulement aux paroles mais se concrétise par des actes, afin que cette institution ait sa valeur politique.

Car il ne faut pas oublié le contexte de la création de ce festival pendant la période des indépendances où les Africains étaient à la recherche d’une identité ; le FESPACO a été créé pour justifier cette identité. 40 ans après, nous devons interroger sur nos actes pour voir si nous avons fait ce qu’il faut. Pour que cette institution ait une place prépondérante dans le développement du cinéma africain et auprès des autres instances telles que l’Union africaine, il faut que les Etats africains comprennent qu’il ont un devoir d’accompagnement de cette institution.

S : Est-ce que vous êtes satisfaits de vos partenaires ?

M.O. : Nous sommes satisfaits dans l’ensemble. Mais je pense qu’on peut mieux faire. C’est le cas par exemple de l’Union européenne, même si elle fait des progrès. Quant aux Etats africains, on attend toujours. Dakar aujourd’hui est un exemple. L’Etat sénégalais a accepté accompagner le lancement de la campagne internationale. Cela est un apport considérable. Et c’est ce que nous attendons des autres Etats, c’est-à-dire une synergie dans la reconnaissance du FESPACO.

S : Le militantisme qui avait poussé les intellectuels africains à créer le FESPACO, est-il toujours perceptible de nos jours ?

M.O. : Ce militantisme a été porté par des hommes comme Sembène Ousmane et bien d’autres réalisateurs africains. Aujourd’hui, c’est une autre génération qui vient. Mais, je pense que ce devoir de militantisme reste toujours. Parce que l’Afrique elle-même se cherche toujours. Et si l’Afrique continue de balbutier c’est que ce rôle de militantisme doit être insufflé à travers nos institutions. Les anciens doivent passer le flambeau aux jeunes générations qui prennent conscience que le FESPACO est un cadre militant, un cadre engagé. Parce que nous avons notre culture qui doit aller en dialogue et même en compétition avec les autres cultures. Je pense que si le FESPACO n’avait pas été un instrument militant, je ne crois pas qu’il aurait réussi.

S : Cinéma africain, tourisme et patrimoine culturel, c’est le thème de la XXIe édition du FESPACO. Pourquoi ?

M.O. : Ce thème relève d’une préoccupation que nous connaissons aujourd’hui. Il n’est pas lié à la compétition. Il est proposé pour qu’il y ait une réflexion des réalisateurs africains sur nos patrimoines culturels. Le cinéma, c’est l’imaginaire d’un peuple, et nos patrimoines sont aussi nos imaginaires. Nous devons nous demander ce que nous pouvons faire à travers le cinéma, pour que ces patrimoines soit préservés. Aujourd’hui, l’industrie cinématographique, en Afrique, a besoin d’être créée. L’industrie touristique est en progression. Nous pensons qu’il peut y avoir une synergie d’action entre les deux secteurs qui concourent au même objectif.

Qui choisi le thème, et à quelle période ?

M.O. : Le thème, nous le choisissons de façon générale 6 mois avant la biennale, pour nous permettre de faire toute la communication de visibilité nécessaire. Avant cela, pour choisir le thème, nous discutons avec plusieurs partenaires et personnes intervenant dans le domaine du cinéma et dont le soutien n’a jamais manqué au FESPACO. C’est toujours un thème qui sort d’une réflexion collective. On aurait peut-être pu faire le bilan des 40 ans du FESPACO, mais je ne vois pas à quoi cela aurait servi. Nous avons constaté que de plus en plus, on adore faire des bilans. Mais ces bilans ne font pas avancer. On arrive toujours au même constat. C’est une biennale qui a pu se positionner, non seulement comme la plus grande manifestation du cinéma africain, mais aussi comme manifestation majeure sur le calendrier mondial de la culture. Mais au-delà de cela, la réflexion doit se poursuivre. Il y a des urgences ; par exemple, il s’agit de voir comment le cinéma africain peut se réadapter vis-à-vis de certaines réalités, telle que la promotion de nos patrimoines culturels, matériels et immatériels. Cela est très important.

S. Avec votre arrivée à la tête du FESPACO, peut-on parler de changement dans la continuité ?

M.O. : Je préfère la rupture dans la continuité car la rupture n’est qu’apparente. Il y a toujours une continuité, on ne peut pas faire table rase sur le passé. C’est l’occasion pour moi de rendre hommage à tous ceux qui ont dirigé ce festival majeur. Chacun d’eux y a apporté un plus, nous, nous travaillons dans ce sens. Faisons une rupture dans la continuité, en ayant une vision pour consolider et renforcer ce qui a été fait. Il y a déjà un socle qui est bâti et ce socle est très solide. C’est à nous de faire bouger certains pans.

S. : A quelle préoccupation répond la réduction des films en compétition officielle ?

M.O. : Nous avons pour ambition en effet, de recentrer la sélection mais il ne faut pas recentrer pour recentrer. Pour cette édition par exemple, nous avions l’ambition de réduire à 15 films. Mais nous avons la chance de tomber sur une édition où la production est très importante. Si le cru est bon, nous ne devons pas pénaliser les réalisateurs africains qui ont sué sang et eau pour réaliser ces films.
Mais lorsque, à d’autres éditions, le cru ne sera pas bon, nous n’hésiterons pas à recentrer les choses. Toutefois, l’essentiel pour nous, c’est d’encourager la qualité de la production du cinéma africain. La réduction des films en compétition permet au jury de mieux travailler. Et pour cela, nous ambitionnons également de passer d’un FESPACO de 7 jours à une biennale de 10 jours. Cela nécessite une plus grande mobilisation des énergies à tous les niveaux, à savoir les Etats, les partenaires et l’ensemble du monde du cinéma.

S. : Entre deux FESPACO, qu’allez-vous faire ?

M.O. : Nous avons rédigé un document que nous avons baptisé “vision 21”, relevé les défis du FESPACO du XXIe siècle. Dans ce document, nous avons envisagé qu’en année intermédiaire, nous puissions organiser d’autres manifestations cinématographiques. De ce fait, nous avons pensé à des journées thématiques, notamment les 72 heures du cinéma de la femme africaine, autour de la Journée internationale de la femme, parce qu’aujourd’hui quand vous prenez deux cinéastes, homme et femme, ils exercent certes le même métier, mais ne connaissent pas les mêmes réalités. Je pense qu’il serait bien d’organiser ces manifestations en année paire afin de faire savoir que le FESPACO n’est là que pour la biennale.
Il y aura également les 72 heures du cinéma du citoyen et des libertés, autour de la Journée internationale des droits humains. Pour les vacances, nous avons pensé aux enfants, à travers l’organisation des 72 heures du cinéma pour enfant. Cela va nous permettre d’être présent et de faire la promotion du cinéma.

Notre ambition, c’est de faire du FESPACO au quotidien, pour lui imprimer une véritable identité africaine. Je profite rendre hommage à ceux qui avait eu l’idée de créer le mini-FESAPCO de Bobo-Dioulasso, nous allons reprendre cette initiative, afin d’élargir le champ de projection des films du FESAPCO. Ainsi, nous allons repartir avec le FESPACO à Bobo-Dioulasso et également en dehors du Burkina Faso. Notre souhait est de pouvoir organiser la caravane des Etalons, après chaque édition, en Afrique, en Europe et si possible en Amérique.

S. : Vous avez effectué le lancement du FESPACO dans une capitale africaine. Pourquoi sentez-vous toujours le besoin d’aller encore en Europe notamment à Paris et Bruxelles ?

M.O. : Autant le FESPACO est une manifestation africaine autant il a une vocation internationale. En faisant la conférence à Paris et Bruxelles, nous voulons renforcer cette dimension internationale du FESPACO.

Entretien réalisé par Fatouma Sophie OUATTARA

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 29 janvier 2009 à 06:49, par Zoodo En réponse à : Michel Ouédraogo, délégué général du FESPACO : “Nous voulons faire du cinéma, la synthèse des autres cultures”

    Voila un homme qui sait parler, voila quelqu’un vient a la tete d’une intitution pour faire quelque chose. Non pas comme certain qui ont passe 8 ans ou 10 ans a la tete a faire du sur place.
    Tous mes encouragements Mr Ouedraogo la jeunesse du faso te soutien

  • Le 29 janvier 2009 à 11:27, par bing En réponse à : Michel Ouédraogo, délégué général du FESPACO : “Nous voulons faire du cinéma, la synthèse des autres cultures”

    merci Mr le délégué Général pour toutes ses ambitions.j’ai constaté qu’il fallait du souffle nouveau au fespaco talonné par d’autres festivals sur le continent. et vous êtes l’homme de la situation. il faut intéresser davantage les pays africains et les africains et leur faire comprendre que le fespaco n’est pas une biennale des burkinabé. en tant qu’étudiant en master en développement spécialité gestion du patrimoine culturel dans une université internationale, j’ai fait une présentation du fespaco sur ses missions, sa genèse, ses sources de financement...mes camarades ont apprécié et ont émis des inquiétudes sur son financement. il faudra que les autres pays africains mettent la main à la poche si le fespaco se veut une manifestation africaine, il ne doit pas compter sur les financements extérieurs. quand ces soi disant bailleurs de fonds diront non. est-ce sera la fin du fespaco ?

    Albert O. étudiant en Master en développement.

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