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Drame sur les sites d’orpaillage : Quand l’Etat joue les Ponce Pilate

Publié le mercredi 13 août 2008 à 11h19min

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Trente quatre orpailleurs sont morts noyés dans leur trou dans le Sud-ouest du Burkina. Avant eux, il y eut les 3 morts de Poura, la première cité minière du pays aujourd’hui à l’abandon. Ils étaient tous à la recherche de la pépite d’or qui changerait leur vie. Le filon qui devait faire leur bonheur a plutôt fait leur malheur et plongé tout le pays dans un cauchemar indescriptible. Le nombre de victimes est élevé et c’est la première fois que l’on assiste à un drame d’une telle envergure.

Le gouvernement, en pareille situation, n’a pas failli à la tradition. Une délégation s’est rendue sur les lieux pour constater les dégâts et attirer l’attention des candidats à l’orpaillage que l’aventure est risquée, voire mortelle. C’est de la sensibilisation par l’exemple, aussi douloureux et macabre que cela puisse paraître. Ne pouvait-on pas prendre les devants au nom de la sécurité publique ? En tout cas, l’attitude du gouvernement suscite bien des questions. Les autorités centrales se sont fendues d’un communiqué conjoint de deux ministères interdisant l’orpaillage en hivernage. Est-ce vraiment suffisant si cette mesure reste en l’état, sans suite conséquente sur le terrain ?

Les sites d’orpaillage seraient autour de 129, donc connus et répertoriés. A-t-on donné les moyens aux pouvoirs locaux d’appliquer cette mesure, au-delà des simples communiqués ?

Manifestement, ces actions sont insuffisantes pour dissuader ces Burkinabè qui, fuyant leur pauvreté, ont du mal à résister à l’appel maléfique de la pierre précieuse. Si rien n’est fait, il y aura encore d’autres drames. Est-ce tolérable que des individus défient aussi facilement l’autorité de l’Etat sans réaction de celui-ci ? A moins que cette interdiction ne soit une façon de se dédouaner de ses responsabilités. Les mauvaises langues diront que pour moins que cela, on aurait sorti les forces de sécurité pour faire respecter la loi. Même si comparaison n’est pas raison, rester les bras croisés et s’en tenir à la lucidité des orpailleurs pour retourner dans les champs le temps de l’hivernage n’est pas un pari gagné d’avance. Il faut mettre fin à la culture de l’attentisme qui a déjà endeuillé de façon récurrente des populations rurales qui s’affrontent mortellement sur les terrains de l’agro-pastoral, de la chefferie, de la coutume etc. Gouverner, c’est prévoir et savoir anticiper. Mais qui sait ? Peut-être que certaines situations sont exploitables à des fin lucratives ou électoralistes par des seigneurs locaux. Au nom de la sécurité publique, on doit faire quelque chose pour fermer les sites d’orpaillage connus et qu’on qualifie de clandestins parce que n’ayant pas d’autorisation légale. Pourtant l’or qui sort de ces sites "clandestins" rentre bien dans un circuit qui, lui, est connu des pouvoirs publics. Cessons de jouer les Ponce Pilate.

Si la gestion des sites d’orpaillage ne change pas, on n’aura plus assez de larmes pour pleurer les morts.

Par Abdoulaye TAO

Le Pays

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