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4 - août 83 : 25 ans déjà !

Publié le jeudi 7 août 2008 à 12h08min

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25 ans après le 4-Août 1983, le Burkina Faso a donc fait du chemin. Il a digéré sa révolution et après un moment de questionnements et de remise en cause pendant lequel il s’est attaché à cicatriser les blessures occasionnées par sa marche forcée, il s’autorise aujourd’hui une introspection responsable en remettant au goût du jour des combats qu’il avait engagés et sur lesquels il s’était cassé les dents pour avoir confondu vitesse et précipitation. Assurément le contexte est plus favorable au succès puisqu’il suppose une adhésion consciente et libre de tous et de chacun.

4 Août 1983 – 4 Août 2008 ; il y a vingt-cinq ans qu’à la tête de ses commandos de Pô, le capitaine Blaise COMPAORE investissait Ouagadougou, libérait ses camarades d’armes, mettait fin au régime en place et proclamait avec eux et de nombreux civils avec lesquels ils avaient pris langue depuis un certain temps, la Révolution Démocratique et Populaire (RDP).

25 ans déjà ; diront certains avec un brin de nostalgie et un zeste de fierté ; et d’autres avec plutôt un profond soupir qui en dit long sur leur état d’âme ; tandis que d’autres encore le feront les yeux pétillants d’interrogations comme hypnotisés par un événement qu’ils n’ont pas connu et qui pourtant berce le quotidien de leurs rêves de faire et refaire le monde. On peut le dire, s’il est une date qui ne laisse aucun Burkinabè indifférent, c’est bien ce 4-Août 1983. Ceux qui ont vécu les faits, comme ceux qui ne les ont connus qu’à travers les relations faites par d’autres ou par la mémoire collective.
Mais que d’eau a coulé sous les ponts depuis ce jour ! Pourtant, il n’y a que 25 ans ou déjà 25 ans ; c’est selon ! On ne refera pas l’histoire, même si quelque part certains en caressent le rêve, sans réelle conviction certes, mais les rêves ne donnent-ils pas du piquant à la vie ?

Après les devoirs et les droits d’inventaires, les procès en tout genre et sur tous les tons, les faits visités et revisités sur la RDP, qu’en reste-t-il ou plutôt, qu’a-t-elle légué à la prospérité, si tant est-il que l’histoire des peuples d’ici comme d’ailleurs, d’hier comme d’aujourd’hui est faite de successions d’événements et de faits matériels ou immatériels qui sont autant de jalons qui les singularisent les uns des autres. Avant toute chose, et cela n’est pas rien, les Burkinabè peuvent dire : « Nous l’avons fait ! ».

C’est à d’autres donc que l’on contera ce que c’est qu’une révolution. Comme toutes les révolutions, la Révolution d’Août a ses héros, ses grandes victoires, ses hauts faits d’armes, ses grandes batailles. Elle a ses ouvriers, ses bâtisseurs et ses soldats inconnus tombés sur les différents fronts de ses nombreux combats. Mais elle a aussi ses victimes, ses batailles perdues, ses rêves inachevés, ses cauchemars, ses « placards de cadavres » comme dirait l’autre.

25 années ont-elles suffi pour solder tous les comptes ? 25 années ont-elles suffi pour tourner la page de la Révolution comme la Révolution, elle-même, avait tourné celle de la Haute-Volta et des régimes qui s’y sont succédés ?

25 ans suffisent-ils pour mettre un terme aux pleurs, complaintes, rêves et reniements ? Des questions et biens d’autres sur lesquelles on ne finira pas d’épiloguer de si tôt. Néanmoins on est heureux de constater que tout cela se passe dans une atmosphère bon-enfant qui indique, on ne peut mieux, que la Révolution est bien derrière tant celle-ci a plus d’une fois montré qu’elle préférait les méthodes plutôt fortes voire radicales pour résoudre les contradictions. Une situation qui prend à certains moments des allures de parenté à plaisanterie qui se serait tissée entre les acteurs de la classe socio-politique sur le sujet. Entre révolutionnaires nostalgiques et ceux qui ont tourné la page, entre le « peuple » et ses « ennemis », on a choisi de rire des misères faites aux uns et aux autres plutôt que de se déchirer en de vaines vengeances ou douloureuses recherches de vérité ou de justice. Il faut dire que si chacun a mis de l’eau dans son vin préférant relativiser, l’Etat lui aussi y a mis du sien au point même d’avaler de nombreuses grosses couleuvres au goût de certains.

En effet, aucune période de l’histoire politique de notre pays n’a été autant revisitée. L’ardeur avec laquelle on s’est acharné à démonter certains acquis de la RDP notamment à rejuger les procès des Tribunaux Populaires de la Révolution (TPR) et à prendre le contre-pied de leurs verdicts laisse perplexe. C’est comme si on ne s’embarrassait pas pour jeter le bébé avec l’eau du bain donnant de fait l’impression d’arrangements sur le dos de la vérité et de la justice. Bien souvent les choses se sont passées dans un parfait anonymat comme si on avait honte d’ébruiter ce qui se tramait de peur de rencontrer la réprobation du peuple au nom duquel on prétendait maintenant dire le droit. Les conséquences les plus visibles sont le relâchement prononcé sur des luttes telles que celle pour la moralité et le respect du bien public et la recrudescence de certains fléaux sociaux qui avaient connu un net recul. Etait-ce vraiment le prix à payer pour ressouder le tissu social ? On peut raisonnablement en douter même s’il est vrai que la justice sous la révolution n’était pas exempte de reproche. Mais, disons-le tout net, le résultat est bon à prendre car à vouloir trop pinailler sur des détails, on court le risque de remettre en cause l’essentiel.

Si la RDP a révélé le Burkina Faso aux yeux du monde, suscitant un peu partout curiosité et admiration pour son originalité, aujourd’hui le « Pays des Hommes intègres » reste au cœur de l’actualité, mais pour une toute autre raison. En effet, on n’y vient plus pour faire et refaire le monde, écouter des discours enflammés et abattre l’impérialisme, mais pour chercher solutions à ses problèmes, s’inspirer de ses expériences dans de multiples domaines, profiter de son hospitalité et de sa paix sociale. S’il faisait donc rêver sous la RDP, il est devenu sous la démocratie un exemple de réussite reconnue aux plans politique, économique et socioculturel. A bien d’égards, il est devenu un passage obligé et suscite respect et admiration. N’est-ce pas cela le but ultime de tout combat politique ?

25 ans après le 4-Août 1983, le Burkina Faso a donc fait du chemin. Il a digéré sa révolution et après un moment de questionnements et de remise en cause pendant lequel il s’est attaché à cicatriser les blessures occasionnées par sa marche forcée, il s’autorise aujourd’hui une introspection responsable en remettant au goût du jour des combats qu’il avait engagés et sur lesquels il s’était cassé les dents pour avoir confondu vitesse et précipitation. Assurément le contexte est plus favorable au succès puisqu’il suppose une adhésion consciente et libre de tous et de chacun.

Ainsi, on ne consommera pas en priorité que ce que l’on a produit pour répondre à un mot d’ordre, mais par nécessité ; on ne comptera pas sur ses propres forces par souci idéologique mais pour faire face à un environnement hostile où la solidarité rime avec cynisme ; on ne développera pas la production nationale pour répondre à un slogan idéologique, mais parce qu’on n’a pas d’autres choix, etc. Il ne s’agit pas d’un retour en arrière ou d’un quelconque aveu de reconnaissance a posteriori de la justesse de ces combats de la révolution, mais d’assumer son présent en s’inspirant de son passé. Bien de peuples sont actuellement sur les mêmes longueurs d’ondes des alors qu’ils n’ont jamais fait de révolution. C’est dire s’il y a urgence sur certains sujets sur lesquels on devrait éviter de polémiquer inutilement et se retrousser les manches.

Par Cheick AHMED
cheickahmed001@yahoo.fr

L’Opinion

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