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Inondations au Burkina : Comment garder la tête hors de l’eau

Publié le jeudi 24 juillet 2008 à 12h29min

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Cette saison sera bien arrosée au Burkina si l’on en croit les météorologues et autres spécialistes habilités à faire de telles prévisions. C’est là une annonce qui réjouit tous les Burkinabè et notamment, les paysans qui regardent chaque année le ciel avec angoisse en se demandant s’il va pleuvoir assez et de façon régulière jusqu’au terme de la saison. Mais si cette prévision suscite beaucoup d’espoirs légitimes, elle constitue aussi une source d’inquiétudes particulièrement vives.

Pays sahélien, le Burkina est dans une situation où, évidemment, la pluie manque beaucoup. Mais elle nous accorde aussi parfois des faveurs qui ressemblent au baiser de la mort. Régulièrement, en effet, le pays subit des inondations qui sèment la désolation dans les villes et villages dont les populations connaissent déjà des conditions de vie très précaires.

Et chaque fois, les populations et les pouvoirs publics sont pris au dépourvu. Devant le désastre que l’on n’est pas préparé à affronter, on en est toujours réduit à parer au plus pressé en bricolant des solutions de fortune. Mais parfois, les populations n’ont plus que les yeux pour pleurer leur infortune. Et l’on invoque l’impuissance de l’homme devant les sautes d’humeur catastrophiques de Dame Nature ; et l’on s’en remet à Dieu. Jusqu’à la prochaine fois.

Il est vrai que les catastrophes naturelles sont généralement difficiles à prévoir et toujours impossibles à maîtriser. Il est exact que c’est une illusion de croire que les progrès scientifiques et techniques nous prémunissent contre ce que Kraus appelle "un haussement d’épaules de la nature". Malgré notre formidable puissance technologique (et parfois à cause d’elle), nous subissons, impuissants, les déchaînements des furies qui déferlent du fond de la terre, des arrières-fonds des océans ou des profondeurs du ciel. Les pays développés eux-mêmes, Etats-Unis en tête, font régulièrement l’amère expérience du caractère dévastateur du déchaînement des forces cosmiques.

Tout de même, on peut penser que nous ne faisons pas tout ce qui est en notre pouvoir pour minimiser les dégâts. Par exemple, les populations, pressées par le besoin et le manque de moyens, construisent des habitations de fortune sur des sites qui les exposent aux pires désastres dès qu’il pleut comme en un bon mois d’août. Malgré les avertissements, on construit dans les bas-fonds, trop près des barrages. Par méconnaissance des dangers, par inconscience (ça n’arrive qu’aux autres, si Dieu veille ...) ou à cause du dénuement matériel, les populations s’établissent, anarchiquement, sur des espaces où elles sont en insécurité.

Mais il faut que l’Etat commence à prendre en considération ce genre de préoccupation, parce que la sécurité ne pose pas seulement le problème de la lutte contre toutes les espèces de banditisme. Pourquoi les pouvoirs publics n’interviennent-ils pas quand cela est encore facile, notamment dès que quelqu’un commence à construire dans un endroit qui l’expose au danger d’inondation ? Regarder et laisser faire jusqu’à ce que des quartiers tout entiers soient construits spontanément, c’est compliquer sa tâche par insuffisance de volonté. A force de ménager des gens, par clientélisme, on rend un mauvais service aux intéressés eux-mêmes et à la nation. L’exemple de Rood-Woko, le grand marché de Ouagadougou parti en fumée, prouve que les risques pour la sécurité doivent toujours être pris au sérieux et susciter toutes les mesures énergiques nécessaires. Quand survient le drame, les responsables politiques ne pourront pas éternellement invoquer leurs mises en garde passées.

Or, ce ne sont pas seulement les zones périphériques non viabilisées qui sont sous la menace des inondations. Même dans des quartiers lotis depuis 10 ans, des caniveaux font défaut. Bien pis : en plein centre-ville, les voies sont souvent envahies par une eau qui dissuade tous ceux qui veulent passer. Cela pose le problème de l’assainissement de nos villes et de l’effectivité des travaux de voirie. Comment ne pas douter de la qualité des ouvrages quand les avenues sont des voies d’eau ?

Il faut donc que la ville soit complètement balisée. Que l’on sache où l’on peut construire et où on ne doit pas le faire. Et cela doit indiquer aux autorités publiques leur devoir : empêcher les constructions anarchiques là où les populations courent un danger.

Il faut aussi mettre du sérieux dans le suivi des travaux d’assainissement et de voirie. Il n’est pas réaliste de penser qu’un pays peut se développer quand les ouvrages ne sont pas réalisés avec le souci de la qualité et de l’efficience.

Enfin, il faut engager une vraie politique de l’habitat qui intègre la construction de logements sociaux. Dans cette optique, il faut que l’Etat ait un esprit de suite : les logements sociaux doivent toujours revenir à ceux qui en ont besoin. Il ne faut pas que, par des manoeuvres apparentées à la corruption, des gens qui sont au-dessus du besoin s’emparent des logements sociaux pour les transformer dans un but locatif. Parce que, dans ces conditions, les populations qui auraient dû bénéficier de ces réalisations seront condamnées à s’entasser dans des zones périphériques où les concentrations humaines sont telles que le moindre problème peut prendre des proportions énormes.

C’est sur ce genre de préoccupations que devraient travailler, durant leur mandat, députés et élus en tous genres. C’est seulement ainsi, en effet, qu’ils collent aux réalités des populations pour faire en sorte que, même dans la catastrophe, elles gardent la tête hors de l’eau.

"Le Pays"

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