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Réflexion sur la prostitution : Pour une reconversion des travailleuses de sexe (TS)

Publié le mercredi 9 juillet 2008 à 10h23min

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Une matinée de réflexion sur la prostitution et la fermeture des chambres de passe s’est tenue au Centre national de presse Norbert-Zongo (CNP/NZ), le 5 juillet 2008. Les membres du Réseau informel des journalistes (RIJ) ont échangé sur cette question d’actualité avec des experts intervenant dans ce domaine.

Une mineure de quinze ans enceinte dormait entre les bâtiments d’un ministère de la place. Repérée et identifiée par la direction de l’Action sociale et de l’éducation de la commune de Ouagadougou, elle a avoué que l’auteur de sa grossesse est un Togolais. Ce dernier, grâce aux démarches entreprises par ladite direction a fini par assumer ses responsabilités. Mais toutes les victimes d’une telle situation n’ont pas toujours eu ce secours. La plupart sont abandonnées à leur sort, quand elles sont rejetées par leurs familles et l’auteur de leur grossesse. Les plus chanceuses peuvent être récupérées par des structures de l’Action sociale, des ONG, associations, etc. Mais combien sont-elles ? et pourquoi une telle situation ?

Selon la directrice de l’Action sociale et de l’éducation de la commune de Ouagadougou, Mme Marie Paule Compaoré dans les familles nucléaires où l’éducation de la progéniture est assurée uniquement par les parents (et où le couple peut être généralement victime de dislocation), les enfants sont laissés-pour-compte et ont une grande liberté sexuelle. Il est donc facile pour les filles de se livrer à la prostitution. De plus, la situation économique, d’après elle, amène certains parents à garder le silence quand ils se rendent compte que leurs filles se prostituent. "Une maman nous a dit, au cours de nos échanges avec les parents des filles concernées, que sa préoccupation majeure est l’alimentation et que par conséquent, elle et toute la famille consomment ce que sa fille ramène de ses sorties nocturnes."

Et une autre d’ajouter qu’avec les privatisations et les fermetures d’entreprises, des pères de famille n’arrivent plus à répondre aux besoins de leurs enfants, alors que la solidarité africaine n’existe plus. Un père a confirmé ses propos en soutenant qu’il ne s’occupe pas de sa fille qui a seize ans et n’a jamais essayé de savoir comment elle s’achète toutes les tenues qu’elle porte. "Cette réalité, nous l’avions vécue en visitant les familles des prostituées nationales. Nous nous sommes rendus compte que la prostitution s’imposait à ces filles", a affirmé Mme Compaoré. Il a relevé cependant que toutes les prostituées ne s’adonnent pas à ce travail de leur plein gré.

En témoigne la version d’une nigériane qui a quitté son pays dans la perspective d’aller aux USA mais qui s’est retrouvée à Ouagadougou, dans le commerce du sexe. Mme Compaoré a soutenu que des décisions sont en train d’être prises pour créer un cadre de concertation impliquant le gouvernement et la société civile, en vue de réduire le phénomène de la prostitution. C’est, entre autres la reconversion car nombreuses sont celles qui manifestent le désir d’abandonner ce métier pour peu qu’on leur trouve une autre activité. Quelques-unes d’entre elles sont décidées à se reconvertir dans la coiffure, la couture, etc.

Ne plus leur jeter la première pierre

Le professeur Hamadé Badini, philosophe et antropologue estime qu’il ne faut pas dramatiser le phénomène qu’est la prostitution. Il a précisé que certains rituels impliquent le commerce du sexe et que dans le passé, un chef de famille pouvait céder son épouse préférée à son hôte, en signe d’honorabilité. "Le droit de cuissage était une forme de prostitution reconnue dans certaines religions", a-t-il souligné. Dans la société traditionnelle, on ne parle pas de prostitution malgré les enlèvements de femmes, l’infidélité et l’adultère.

De l’avis de M. Badini, la prostitution comtemporaire a plusieurs visages et le commerce du sexe n’est qu’un exemple. La prostitution intellectuelle, politique, intéressée et la prostitution de luxe sont bien d’autres cas. "Des épouses se sont prostituées pour libérer leur mari emprisonné ou pour avancer dans l’administration", a-t-il clamé. Mais qu’elle soit accidentelle ou permanente, les prostituées elles-même ne profitent pas pleinement de leur métier. A en croire le Pr Badini, ce sont les gérants des maisons closes qui bénéficient beaucoup plus des retombées de la prostitution. Ils vont jusqu’à faire payer la prostituée en nature si elle n’arrive pas à leur verser leur dû. Il a rappelé que c’est le comportement des femmes au foyer qui orientent leurs maris vers les prostituées ; ils sont à la recherche de ce qu’ils ne peuvent pas obtenir, ou faire avec madame à la maison.

De ce fait, il pense que la prostitution joue un rôle de régulation sociale. "C’est un phénomène social en amont comme en aval. On en vit ou on en meurt. C’est la conséquence d’un dérèglement social et structurel", a-t-il dit.
Aussi suspecte-t-il les mesures de la lutte contre la prostitution d’être peu efficaces.
Pour lui, la prostituée est d’abord la victime d’une situation économique précaire et tant que la crise sociale va perdurer, aucune solution contre la prostitution ne sera efficace. "Le combat contre la prostitution et pour la fermeture des chambres de passe est bien noble mais j’ai bien peur que le maire Simon Compaoré ne se trompe de cible," a-t-il conclu.

Aimée Florentine KABORE

Sidwaya

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