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Vente illicite de manuels scolaires (suite et fin) : Les insuffisances administratives du ministère

Publié le mercredi 13 février 2008 à 11h09min

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Les syndicats des enseignants, les parents d’élèves, les enseignants, etc. estiment que la soustraction et la vente des livres ont été aisément rendues possibles à cause des insuffisances administratives du ministère de l’enseignement de base et de l’Alphabétisation (MEBA). Autant, estime une certaine opinion publique, le MEBA a le droit de faire sévir, autant aussi, il a le devoir de créer, d’entretenir et de maintenir un meilleur environnement de travail assaini pour son personnel enseignant.

A quelle période de l’année scolaire le ministère de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation (MEBA) procède-t-il aux affections et nominations de son personnel administratif ? Comment le MEBA a-t-il encouru le risque de procéder concomitamment à la livraison et distribution générales des manuels scolaires et aux affectations de son personnel ? Ces insuffisances administratives ont rapidement servi d’échelle aux agents indélicats qui ont pu ainsi accéder aisément à l’environnement de cette vulgarisation des manuels pour assouvir intelligemment leur sombre dessein.

L’inspecteur Lamoussa Do Sanou affirme avoir été relevé le 26 septembre 2007 de la Circonscription d’éducation de base (CEB) de Kourouma et qu’il n’a jamais reçu une note de service lui notifiant son prochain poste administratif. Il est resté dans le vent jusqu’au 9 novembre 2007 (environ deux mois de flottement) date à laquelle il a passé le témoin à l’inspecteur Adama Kaboré. Dès son installation, le nouvel inspecteur Adama Kaboré a refusé d’entrer en possession des procès verbaux de livraison des manuels car il dit ne pas comprendre qu’un lot de livres cartonnés et réceptionnés depuis le 14 septembre n’ait pas été encore dénombré et distribué par son prédécesseur qui lui aurait purement et simplement "demander de se référer au bordereau de livraison pour gérer le stock".

La CEB même n’a pas de responsable (inspecteur, conseiller pédagogique). Ses agents viennent faire régulièrement la bamboula à Bobo-Dioulasso. Et dire que la Direction provinciale de l’Enseignement basée à Orodara n’est pas informée ou a feint de n’avoir pas été informée de ces manquements administratifs. Et évidement Mamadou Zouon a opportunément profité de ces failles administratives pour soustraire et vendre aisément les livres ! Mamoudou Zouon lui-même s’en prend aussi au MEBA d’avoir été à l’origine de sa descente aux enfers. Il soutient avoir été admis en 2002 au Concours des élèves-conseillers pédagogiques itinérants (CPI) et cessé donc service le 10 octobre 2002 pour rejoindre son école à Koudougou.

Dans la même période, déplore-t-il, une décision d’affectation dont il confirme n’a jamais été ampliataire (alors que c’est lui l’intéressé) le fait quitter Lèna (l’ancien Bobo V) pour un autre poste à N’dorola en qualité d’instituteur principal. Il en veut amèrement aussi à ses responsables hiérarchiques d’alors qui, "ignorant" sa mise en position de stage, en ont arrivé à la déduction selon laquelle son "absence" est un "abandon de poste" et un "refus de rejoindre son nouveau lieu de travail". "De février à mai 2003, on a suspendu mon salaire", grommelle-t-il. Nous n’avons pas pu vérifier le 8 février dernier cette information de Zouon à la Direction de la Solde et de l’Ordonnancement à Ouagadougou. Mais la suspension de son salaire nous semble administrativement impossible en ce temps-là car pour en arriver là, il faudra un long processus technique. Quant à Agniamou Sougué, l’autre enseignant, le procès verbal de passation de service entre lui et son successeur indique qu’il est l’auteur de nombreuses "irrégularités administratives" quand il était en poste à Karangasso Sambla.

Questions. D’abord quelle est la hiérarchie administrative qui a présidé l’acte solennel de passation de service entre Agniamou Sougué et Drissa Dembelé (le nouveau directeur) ?. Ensuite, qu’est-ce que le chef de la circonscription d’éducation de base de Karangasso Sambla et le directeur provincial de l’Enseignement de base du Houet ont fait des observations contenues dans le rapport produit sur la gestion pédago-administrative de Sougué ? Affecté à Sissa, Sougué est redevenu évidemment un "commerçant ambulant" de livres devant Ecobank à Bobo-Dioulasso.

Les enseignants du Burkina ont faim ! Mettons-les à l’abri du besoin biologique car leur profession exige d’eux la tranquillité permanente de la conscience sociale. Le responsable provincial du Syndicat national des enseignants africains du Burkina (SNEA/B), Palé Bèbè, estime que le gouvernement a fait "porter le deuil des malversations et du laxisme général au enseignants". Son syndicat et le Syndicat national des travailleurs de l’éducation de base (SYNATEB) demandent la clémence du ministère de tutelle et invitent le gouvernement à lever la sanction qui "frappent" leurs collègues car il la trouvent "trop disproportionné par rapport à la faute".
18 000 livres contrefaits !

Et cette histoire rocambolesque de contrefaçon de livres ? Mariam Guira, "commerçante" et bien connue du milieu des affaires à Bobo-Dioulasso a fait éditer illicitement en août 2007 en Chine 18 000 manuels scolaires contrefaits. Avec ses hommes de sous- main, elle a fait entrer ses livres au Burkina qui sont la réplique technique exacte des manuels du ministère. A la faveur de la campagne de vulgarisation et de distribution gratuite des livres de l’Etat destinés aux élèves, elle en a profité pour mettre sur la place du marché courant septembre-octobre ses "produits" contrefaits. Ils sont estimés en valeur marchandise à quelque 22 600 000 F CFA.

Comme par magnétisme, ce sont les services de la Direction régionale de l’enseignement de base de Bobo-Dioulasso qui ont surpris des "gens" vendant ces livres comme de petits pains en ville. Les livres de Mariam Guira sont saisis. Elle-même et ses acolytes sont interpellés. Le 30 novembre 2007, Awa Traoré, la Directrice régionale de l’enseignement de base et de l’alphabétisation (DREBA) donne acte à sa déposition à la brigade territoriale de gendarmerie dans laquelle elle déclare les manuels scolaires "Lire au Burkina", propriété légale de son ministère.

La DREBA dépose donc une plainte. Le procureur du Faso s’en saisit. Le 28 janvier 2008, Mariam Guira et sa bande sont cités à comparaître en audience pour contrefaçon, faux et usage de faux de production de vente de manuels scolaires dont le label d’édition et de droit d’importation appartiennent à l’Etat burkinabè. Dame Guira a reconnu les faits. Elle a plaidé coupable et s’est confondue en excuses infantiles. La commerçante a aussi déclaré ignorer que "la fabrication et l’importation de livres étaient interdites". Le délibéré qui devait être vidé hier 11 février, a été encore renvoyé au 18 février 2008.

En attendant, Mariam Guira a été sommée de payer une amende de 50 000 F CFA au ministère de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation pour usurpation illégale de label d’édition reconnu à l’Etat burkinabè. Rendez-vous le 18 février prochain au Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso pour le délibéré.

Des écoles fictives sur le terrain !

En l’espace d’un trimestre, trois agents du ministère de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation (MEBA) ont été révoqués de la Fonction publique avec poursuites judiciaires. Il s’agit de Agniamou Sougué, Mamadou Zouon et Hermann Sitta Zèba. Une quarantaine d’agents pourraient passer devant le conseil de discipline. Le dernier sus-cité, c’est-à-dire Hermann Sitta Zéba, était en service à la Direction de l’administration financière (DAF) au MEBA. Il a été licencié le 26 décembre dernier en conseil de ministres. Motif ? Dans le cadre de l’exécution du budget exercice 2004, le MEBA avait obtenu les crédits d’un montant de 39 641 139 F CFA pour la construction des infrastructures scolaires dans les provinces du Boulgou et du Zoundwéogo.

Ces travaux ont été enregistrés le 13 décembre 2004 sous le nom de "marché 2004-455/MEBA/MFB/DCMP". Evidemment, le MEBA a ouvert, à cet effet, un compte spécial au Trésor pour recevoir ses crédits sauvegardés. Au terme de toutes les procédures relatives à la passation des marchés publics, le marché sus-cité a été attribué à l’entreprise "Zèba Ibrahima GT", le cousin de l’autre Zèba du ministère pour l’exécution des travaux pour compter du 7 février 2005.

Munie d’un ordre de mission en date du 9 juin 2006, l’inspection générale des finances a pu vérifier l’état d’exécution financière et physique du marché. Il en ressort ainsi que deux acomptes respectivement d’un montant de 26 083 913 F CFA et de 10 058 213 F CFA (soit un total de 36 142126 F CFA pour un marché initial de 39 641 139 F CFA avec 91,17% de paiement effectué) ont été payés à l’entreprise Zéba Brahima GT grâce à "l’ingéniosité" de Hermann Sitta Zèba qui a produit du "faux document" pour son cousin. Aucune réalisation physique sur le terrain ! Dans la ville de Garango, il n’y a ni école (3 classes en principe), ni bureau, ni magasin et ni latrines ! Zéro ! Dans les villages de Diossomey et Donsin (Manga) aussi, les infrastructures ont été passablement réalisées mais celles-ci s’en écartent honteusement des prescriptions techniques initialement contenues dans le devis comptable.

Dans ses demandes d’explications manuscrites adressées à sa hiérarchie, Hermann Sitta Zèba a "déclaré sur l’honneur" avoir produit un faux décompte et un faux procès verbal de réception provisoire d’un marché jamais réalisé par l’entreprise de son cousin. J’ai présenté des écoles fictives sur le papier", balbutie-t-il avec un faux air de regret. Hermann Sitta Zèba soutient d’ailleurs que Brahima Zèba, le patron de l’entreprise "est un cousin". "Personne de nous deux, ajoute-il fièrement, ne pouvait refuser un service que l’autre lui aurait demandé". Si le soubassement même de l’école burkinabè est sapé, la conscience professionnelle et le sens du devoir bien accompli peuvent être monnayés au marché de l’affairisme et du favoritisme. Il y a des écoles de châteaux de cartes au Burkina.

Idrissa NOGO (idrissanogo@yahoo.fr)

Sidwaya

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