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Organisation du hadj : Un imam demande une forte implication de l’Etat

Publié le mardi 29 janvier 2008 à 10h59min

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Dans le débat sur une meilleure organisation du hadj à partir du Burkina Faso, l’imam Ahmad Hamallah du secteur n°28 de Ouagadougou a eu sa recette : une forte implication de l’Etat. Il s’explique...

Le hadj ou pèlerinage à La Mecque, un des cinq piliers de l’Islam, vient de se dérouler pour l’année 2007 avec beaucoup de suspens et de tensions. Les années passent avec leur édition du hadj et le problème d’organisation se répète inlassablement comme une fatalité.
Cependant, le problème de l’organisation du hadj n’est point une fatalité, ni une chose dont peuvent s’accommoder indéfiniment les musulmans. Il ne sert à rien de pleurnicher sur le sort qui avait été réservé aux pèlerins du hadj 2007. C’est entré dans l’histoire du hadj, comme les hadj 2006, 2005, 2004, etc. Il faut asseoir ensemble toutes les parties prenantes, pour rechercher une solution à un problème musulman qui est aussi national, burkinabè. En effet, les déboires de pèlerins au départ et à l’arrivée touchent tout le monde. Le citadin catholique ou protestant qui accueille chez lui son oncle ou son cousin en partance pour le hadj savent de quoi nous parlons : plus l’attente dure, plus elle coûte à tout le monde en temps, en argent et en énergie personnelle.
Le problème de l’organisation du hadj ne date pas de 2007. Nous l’avons vécu presque de façon similaire en 2002. C’était l’Etat qui l’organisait en collaboration avec les associations islamiques et tout le problème a été imputé à l’Etat afin que les associations y trouvent l’occasion de réclamer l’organisation du hadj. Elles avaient oublié que l’Etat n’était intervenu que suite à un échec des organisations islamiques, un échec qui mettait en jeu l’honneur et la fierté nationale.
L’Etat n’a pas hésité à accorder l’autorisation d’organiser le hadj aux associations islamiques qui inaugurent aujourd’hui le retour à la case départ.
La tentation est grande pour qu’après 2007, l’Etat retourne aussi à sa case de départ, afin de reprendre en main l’organisation du hadj. Si cela arrivait ,dans quelques années les associations réclameront de nouveau l’organisation du hadj 2000+n. Où allons-nous ?
Certaines personnes disent que le problème du hadj est un problème d’hommes ! Il suffirait de trouver des hommes techniquement compétents et probes !Nous disons que cela ne suffira pas pour réussir une bonne organisation du hadj.
D’autres disent qu’il faut s’y prendre à temps. C’est vrai, mais cela ne suffira pas non plus.
Le problème le plus fondamental est qu’on n’a pas encore accordé assez de temps de réflexion à l’organisation du hadj et qu’on se soit cantonné à une organisation informelle, dépassée dans le contexte actuel.
Nous proposons donc un arrêt de réflexion pour mettre en place pour le hadj une organisation formelle, moderne et efficace. Pour cela ,il faut mettre ensemble les acteurs incontournables, par réalisme et non pour faire plaisir.
Nous pensons qu’il est impossible de réussir une bonne organisation du hadj sans une forte implication de l’Etat. Cette implication concerne entre autres, les domaines suivants :
- les formalités administratives
- la santé
- la sécurité
- le contact avec l’Etat saoudien, pays d’accueil qui ne traite essentiellement qu’avec les Etats d’origine des pèlerins.
En Arabie Saoudite, les pèlerins sont regroupés par pays qu’on repère facilement par leur drapeau, symbole sacré de l’Etat, de la nation.
Au regard de ce qui précède, nous pouvons réaffirmer qu’il est impossible d’organiser le hadj avec satisfaction, sans une forte implication de l’Etat. A ceux qui évoquent la laïcité de l’Etat, nous disons qu’il y a une répartition des rôles qui ne mêle pas l’Etat à l’aspect purement cultuel du hadj, à l’exemple d’une présence des forces de l’ordre sur l’aire des grandes prières annuelles. Personne d’autre en dehors de l’Etat ne pourra jouer les rôles ci-dessus cités.
Cependant, des associations islamiques affirment souvent que le hadj est un culte musulman et que son organisation est d’abord leur affaire. Elles n’ont pas tort, mais il ne faut pas confondre l’organisation du culte (contenu du hadj) et l’organisation du voyage qui permet de réaliser ce culte.
Le domaine qui peut leur être réservé concerne :
- le recrutement des pèlerins
- la formation sur la connaissance des rites du hadj et la sensibilisation des pèlerins aux conditions du séjour aux lieux saints
- le suivi et l’encadrement de l’accomplissement des rites du hadj
- l’accompagnement et l’assistance (surtout des personnes âgées ou malades)
En dehors du contenu (une structure autonome permanente), rituel du hadj, toute personne ressource peut contribuer à son organisation.
En quoi l’avion qui transporte les pèlerins est-il musulman ?
Est-il nécessaire que le pilote de l’avion soit musulman ?
Tout moyen logistique et toute ressource humaine qui peuvent contribuer à l’organisation efficace et efficiente du hadj doivent y être les bienvenus.
Nous voulons dire que l’argument du hadj en tant que culte musulman ne suffit pas pour faire de l’organisation de son voyage un monopole religieux dans un pays qui regorge de compétences rompues à l’organisation de grandes manifestations d’envergure internationale.
On peut donner deux exemples suffisants : l’organisation régulière du Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO) et du Salon International de l’Artisanat de Ouagadougou (SIAO).
Il est souhaitable que l’organisation du hadj, en dépit de sa spécificité, soit prise aussi au sérieux autant que celles du SIAO et du FESPACO.
Si l’on ramenait l’organisation du SIAO (dotée de structure permanente forte des expériences passées) au modèle de la Commission nationale d’organisation du pèlerinage à la Mecque (structure temporaire, voir saisonnière) par exemple, il n’est pas certain que sa réussite soit assurée.
L’organisation du hadj nécessite également une structure permanente, car sa prescription pour le musulman est une obligation permanente.
En vue de relever le défi de l’organisation du hadj, nous proposons la création d’une structure autonome permanente, à l’abri des querelles intestines des associations islamiques et à l’abri d’une main-mise de l’Etat sur le hadj. Il s’agira d’une semi-privatisation qui devra voir naître une entreprise moderne, de gestion privée et spécialisée dans l’organisation du hadj. Sa création devra pouvoir mettre fin aux improvisations et de l’ordre dans les rangs des prédateurs ou affairistes pour qui l’organisation floue du hadj constitue une poule aux œufs d’or.
Si nous appelons cette structure, par exemple « Agence Burkinabé du Hadj » (ABH), une description sommaire pourrait se présenter ainsi qu’il suit :
- un Conseil d’administration composé des représentants de l’Etat Burkinabé et de la Fédération des associations islamiques (F.A.I.B)
- une Direction générale (siégeant à Ouagadougou)
- des Directions régionales
- des Commissions régionales d’organisation du hadj (activées à l’approche du hadj pour épauler les directions)
- des représentations locales (s’il y a lieu)
- un commissariat aux comptes
- un capital social qui sera détenu à 50% par l’Etat et à 50% par les associations islamiques à travers la Fédération.
Parmi les avantages d’une structure permanente et autonomes, il y a :
- la fin des improvisations
- l’accumulation des expériences en vue d’un perfectionnement continu
- le contrôle de la gestion en vue d’assurer la transparence -l’anticipation dans la prise de certaines décisions
- la création et le renforcement des relations avec des partenaires locaux ou extérieurs
- l’obligation de rendre compte
- l’obligation de résultat
- la possibilité de réduire les coûts et les désagréments du hadj.
Certes, c’est là une piste parmi tant d’ autres. Il faut du courage pour renoncer à celles qui ont déjà montré leurs limites, pour en prospecter et choisir une nouvelle plus adaptée aux réalités et aux exigences de notre époque.
Une étude approfondie par des experts s’avère nécessaire en vue de choisir la meilleure structuration pour l’institution qui aurait la mission d’organiser le hadj au Burkina Faso, à la satisfaction de tous.
La balle est à mi-chemin entre l’Etat Burkinabè soucieux de sauvegarder une fierté nationale et la Fédération des associations islamiques qui a l’obligation morale d’assurer une bonne pratique du hadj en tant que pilier de l’Islam.
Nous savons que les choses ne sont pas aussi simples que de jeter des idées sur du papier. Cependant, il faut croire que l’organisation du Hadj pourra un jour offrir au pèlerin des conditions de voyage agréables plutôt que des souvenirs amers.

Une contribution de l’Imam Ahmad Hamallah,
secteur n°28 Ouagadougou

Sidwaya

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