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Syndicalisme en Afrique : Un engagement dangereux

Publié le samedi 29 septembre 2007 à 07h31min

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L’état de la liberté syndicale dans le monde reste alarmant. La violence contre les travailleurs s’accentue, relève le rapport annuel de la Confédération syndicale internationale. Nulle part- et certainement pas en Afrique- cette liberté n’est mise en pratique comme le droit de chaque pays l’exige.

Le contenu du rapport 2007 de la Confédération syndicale internationale (CSI), publié ce 18 septembre à Bruxelles, "reste fort similaire" à ses prédécesseurs, relève d’emblée la CSI. Guère de nouveautés, donc, et si évolution il y a, c’est en pire. Cette édition "met en exergue l’augmentation alarmante de personnes assassinées en raison de leurs activités syndicales, passant de 115 en 2005 à 144 en 2006". Et l’Afrique est directement concernée, En effet, si la Colombie reste "le pays le plus meurtrier dans le monde pour les syndicalistes", la CSI relève "la nette augmentation du nombre de morts tant en Asie qu’en Afrique".

Le rapport fait le tour de 138 pays dont il analyse d’abord la législation en matière syndicale, puis la pratique, puis les atteintes concrètes (et souvent violentes) qui ont eu lieu en 2006. Dans quelques pays, cette troisième rubrique est fort heureusement vide. Angola, Bénin, Congo-Brazzaville, Gabon, Madagascar, Rwanda, Togo,.. Mais même là, le rapport indique qu’en pratique la liberté syndicale n’atteint pas le niveau que la loi exigerait. Restreindre cette liberté est courant, alors que 48 pays africains sur 53 ont ratifié la Convention 87 de l’Organisation internationale du travail (OlT), qui prévoit une totale liberté syndicale*.

Une répression subtile

La lecture pays par pays est quelque peu fastidieuse, mais une autre entrée est possible par types de violations les plus fréquentes et par continent Pour l’Afrique, la plus significative en 2006 est "le recours à la force de manière disproportionnée contre des manifestants et des travailleurs". L’Afrique du Sud, le Tchad, le Maroc et le Zimbabwe, notamment, sont concernés.

Et bien sûr, la Guinée, où la répression contre des grévistes a fait plus de 20 morts en 2006 et 137 au début 2007, ainsi que près de 1700 blessés. Les arrestations de syndicalistes sont fréquentes, en Éthiopie, au Mali, à Djibouti... Dans ce dernier pays, un dirigeant syndical risque jusqu’à 15 ans de prison pour avoir "transmis des informations à une puissance étrangère". En l’occurrence, il avait déposé une plainte à l’OlT contre... les violations à la liberté syndicale dans son pays. Dans quelques pays (Éthiopie, RD Congo), des syndicalistes, arrêtés, ont été torturés. Une autre forme fréquente d’atteinte à la liberté syndicale est le licenciement collectif à la suite de grèves, alors que le droit de grève fait partie de la liberté syndicale.

La CSI donne des exemples au Maroc, au Kenya, au Cameroun... Bien souvent, les autorités justifient les arrestations et les licenciements par le caractère illégal d’une grève ou même de l’affiliation syndicale. Et, selon le rapport, c’est là que réside le principal danger, subtil parce que moins spectaculaire. l’émergence de lois et réglementations qui imposent "des procédures si complexes que l’organisation d’une action de grève légale s’avère pratiquement impossible".

Et de citer comme exemples (francophones) le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, la Mauritanie, la République centrafricaine, le Rwanda, Haïti...

Les employeurs aussi concernés

Ce rapport 2007 ne se contente pas de dénoncer les autorités politiques : il souligne aussi les responsabilités des employeurs dans les atteintes à la liberté syndicale. Et non des moindres. Des filiales ou des sous-traitants du groupe français Bouygues se voient reprocher d’avoir fait arrêter des syndicalistes trop remuants au Mali (dans la société Somadex) et au Cameroun (à DTP Terrassements). Tandis qu’au Ghana, une société de confection qui produit pour le géant de la distribution états-unien Wal-Mart a fait savoir qu’elle ne peut reconnaître un syndicat en son sein "étant donné qu’elle souhaitait conserver ses relations commerciales avec Wal-Mart".

Enfin, au-delà d’employeurs particuliers, c’est le système des zones franches (ZFE) qui est mis en cause par la CSI. On le sait : l’essence même de ces zones consiste à attirer des investissements étrangers en échange d’exemptions à certaines lois, fiscales, sociales ou environnementales. L’interdiction des syndicats, par la loi ou dans la pratique, y semble une constante. Au Maroc, nombre de ces entreprises, sous-traitantes, fonctionnent en dehors de la légalité. A Maurice, les syndicalistes ne peuvent parler aux travailleurs des ZFE qu’en dehors de l’usine.

Au Soudan, la législation du travail ne s’y applique pas. Au Mozambique, en Haïti, les travailleurs syndiqués y sont victimes de licenciements... Bien sûr, ce rapport ne reflète qu’un point de vue, basé sur des sources syndicales ; mais il est, chaque année, une référence.

André Linard
(Syfia International)

Sidwaya

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