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Fêtes coutumières nocturnes : Entre réjouissances, insécurité et comportements à risques

Publié le jeudi 8 février 2007 à 07h34min

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Le chef coutumier de Mouni

Comme partout au Burkina Faso et particulièrement au Kourwéogo les fêtes coutumières nocturnes battent leur plein et se succèdent à un rythme régulier. Des événements spécifiques qui rassemblent des milliers de personnes se passent entre réjouissances, affaires et insécurité.

Les estimations des services agricoles font état d’une production céréalière excédentaire en cette campagne 2005-2006 au Kourwéogo.

Une agréable situation résultant d’une bonne pluviométrie. Elle est une fois de plus une occasion de réjouissances en ces périodes de fêtes coutumières. Parlant de celles-ci, leur célébration et les réjouissances populaires qui s’en suivent occupent une place socioculturelle et économique très importante, pour peu qu’on s’y rende pour constater l’affluence de milliers de personnes de toutes conditions.

S’il est vrai que l’on retrouve des femmes et des hommes d’un certain âge, il faut reconnaître que la majorité est faite de la frange jeune.

Sur les lieux, c’est un véritable marché et faire le tour relève d’un parcours de combattant.

La fête, une occasion de commerce

Il est 19h. Nous arrivons à Sakouli, village situé à 15 km de Boussé, la première étape de notre randonnée. La place publique grouille d’une foule des grands jours. A 200 m des lieux, nous avons l’impression d’avoir affaire à un incendie. Un gros nuage de fumée épaisse s’élève. Des femmes, certaines, avec des bébés au dos, s’affairent autour de leur étal ou de leur foyer de fritures.

Un nuage de poussière soulevée par ces milliers de personnes en perpétuel mouvement pollue l’atmosphère en ce lieu. Il en sera ainsi jusqu’au petit matin. Dans cette nuée de poussière sont exposées des marchandises de toute sorte à la recherche de clients. On y trouve des produits manufacturés, des produits alimentaires, de la viande de tout genre.

Le marché le plus impressionnant reste celui des boissons, qu’elles soient traditionnelles, frelatées ou industriellement raffinées. C’est véritablement un business qui ne dit pas son nom. Les marchands viennent des provinces voisines et de l’intérieur de Kourwéogo très chargés. Ces genres de fêtes à vocation nocturne, on les trouve sur toute l’étendue de la province.

Pour Cathérine Ouédraogo, avec ses quatre fûts de dolo (bière traditionnelle) ou Paul Sedégo, avec ces trente caisses de bières, rien de tout cela ne restera d’ici au petit matin. Rien ne nous sera dit de leur chiffre d’affaires en ce jour particulier mais tous sont unanimes qu’ils font de bonnes affaires.

L’activité commerciale ainsi décrite est identique partout où nous avons été. On y retrouve souvent les mêmes qui font la ronde pour le ravitaillement. A côté de ces sommes brassées par ces nombreux commerçants venus d’horizons divers, circulent immanquablement des individus de moralité douteuse. En outre, en ces lieux ou on y trouve des milliers de personnes à majorité jeunes, les désagréments de l’après-fête sont toujours courants et les comportements à risques ne sont pas à occulter.

L’ambiance des lieux, l’insécurité et les IST

Mouni, village situé à 20 km de Boussé dans le département de Niou. Il est 20h30, ce 30 décembre 2006. Le vacarme s’amplifie. La nuit se surchauffe. Des jeunes déambulent, couteaux aux flancs souvent imbibés d’alcool ou peut-être de drogue. Il est inutile de dire que la sécurité sur les lieux et sur les routes est précaire. Les attroupements pour fait de bagarres se multiplient. Des cas de vols en pareil cas ne manquent pas même si le Chef de Mouni se veut rassurant : "si quelqu’un prend un engin le jour de ma fête il le ramènera". Selon lui le seul cas signalé remonte à 2001 mais "le malfrat a été obligé de se débarrasser de l’engin que nous avons restitué au propriétaire".

Les parkings de fortune et à la sauvette ne résolvent aucunement la question de sécurité des engins. Les engins s’entassent par endroit. Des couples se forment et se dirigent dans des endroits obscures. La gent féminine est beaucoup bousculée. Ce jour est une occasion propice pour la jeunesse, y compris les mineurs, de se livrer à certains comportements. Au cours de notre tournée sur les lieux, nous apercevons un vendeur de condoms.

A la question de savoir s’ils s’achètent bien, notre interlocuteur hésite avant de nous répondre timidement « un peu ». Nous savons que beaucoup de choses peuvent se passer cette nuit-là notamment des comportements à risques. Nous accostons un jeune couple se dirigeant vers le dancing où a lieu un bal populaire.

A la question sur la connaissance du Sida, il répond par l’affirmative mais dit ne pas connaître la Syphilis ou la Gonococcie. Par ailleurs, il ajoute que le Sida n’est pas encore au village. Continuant notre entretien, ce "couple" nous dira que sa seule crainte réside uniquement au niveau de la grossesse. A l’évocation du condom, il nous sourit et continue son chemin sans mot dire.

Des mesures idoines s’imposent

Après Sakouli, Raongo, Koukin, Wa, Sondogtenga où nous nous sommes rendus pour nous enquérir du comportement des jeunes pendant ces nuits agitées nous avons compris, sans risque de nous tromper que si rien n’est fait en matière de sensibilisation, le VIH, les grossesses non désirées et autres infections sexuellement transmissibles ont de beaux jours devant eux. Aussi, dans ces zones ou certaines pratiques traditionnelles néfastes persistent, les chefs coutumiers ont été formés ou informés sur des maladies comme le Sida ou des pratiques proscrites comme l’excision, nous ont-ils précisé. Cependant, au cours de leur fête aucune structure n’exploite la présence du grand monde pour sensibiliser, chose qu’ils ne comprennent pas.

A notre sens, beaucoup d’actions doivent être initiées en collaboration avec les coutumiers pour des sensibilisations et des mobilisations sociales pendant ces périodes ou le maximum de personnes peut être touché.

Toutefois, les fêtes coutumières des différents villages que nous avons sillonnés nous convainquent que partout où il y a fête nocturne il y a un véritable monde dont les comportements et autres virées nocturnes ne varient pas et ne diffèrent pas. Aussi, le Conseil national de lutte contre le Sida et les IST (CNLS), le Comité national de lutte contre la pratique de l’excision (CNPE) et leurs structures focales ont de belles occasions pour faire passer les messages.

Une sensibilisation sur l’hygiène publique serait également plus que nécessaire. La nécessité de sensibilisation dans ces milieux ne serait plus à démontrer. Ces structures sont vivement interpellées pour des actions concrètes en ce sens. Parlant de structures, les comités provinciaux, départementaux et même villageois sont à dynamiser pour des actions tangibles et en complicité avec les responsables coutumiers.

Pour l’heure, au Kourwéogo, aucun comité, aucune structure ou association de lutte contre le Sida n’exploite jusqu’à présent le canal des fêtes coutumières pour sensibiliser. Déjà, il faut saluer l’ouverture et la disponibilité des coutumiers qui ne trouvent pas d’inconvénients à ce que leurs fêtes soient exploitées à des fins utiles.

Moussa CONGO
AIB/Boussé

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