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Médecine traditionnelle à Nagréongo : Les bébés promis du guérisseur

Publié le mardi 31 octobre 2006 à 07h56min

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Doit-on oublier le champs grâce auquel on a amassé du mil pour sa survie ? Assurément non. C’est sans doute cette sagesse qui a guidé des centaines de femmes venues des quatre coins du Burkina et d’ailleurs pour témoigner leur reconnaissance à El hadj Saïdou Bikienga, le guérisseur de Nagréongo.

Si l’on croit ce qu’il dit, cette année, 4116 naissances ont été enregistrées, selon sa formule consacrée, grâce à Dieu par ses soins". Ceux-ci ont été bénis au cours d’une cérémonie qui a eu lieu le dimanche 29 octobre 2006 dans cet "hôpital de campagne" à ciel ouvert.

Kolo Kom, village du département de Nagréongo dans l’Oubritenga, situé à une quarantaine de kilomètres de Ouagadougou est devenu depuis une décennie l’un des points de ralliement des personnes en détresse. Le guérisseur El hadj Saïdou Bikienga semble en effet y faire ses preuves avec des milliers de personnes qui se disent guéries ou dont les vœux de toutes sortes à lui soumises auraient été exaucés.

C’est justement la bénédiction de 4116 enfants qui auraient été conçus "grâce à Dieu par ses soins" au cours de l’année 2006 qui était l’attraction ce dimanche 29 octobre 2006. Pour se rendre à Nagréongo, ce village dont la réputation n’est plus à faire à l’échelle nationale et peut-être même sous-régionale du fait des actions du guérisseur devenu la mascotte du bled. Après avoir pris la route de Fada N’Gourma (à la sortie est de la capitale), nous prenons la bifurcation à partir du village de Linoghin pour ensuite emprunter un layon dans un paysage dominé par des arbres épineux. Avant d’arriver sur le site des soins, le nombre de cars parqués nous indique déjà l’affluence qu’il y aura.

Saïdou est la solution à nos problèmes

A peine un kilomètre de l’arrivée, une haie d’honneur faites par des femmes nous accueille avec ses mystères. A gauche, ce sont des femmes avec leurs enfants conçues, selon elles, grâce à la bénédiction du maître des lieux. A droite ce sont celles qui attendent encore cette grâce. Pour s’attirer le courroux de ces dernières, il suffisait de tenter un passage entre elles. Selon une consigne stricte du mège, cet acte engendrait la mort du futur bébé. Et la religion de ces femmes était faite :

"Saïdou est la solution à nos problèmes ; nous nous appliquons sérieusement à ne pas enfreindre cette règle", lâchent-elles en chœur sans atteindre les 4 mille personnes annoncées, la foule n’en était pas moins immense. Parmi ceux qui attendaient le miracle on aura tout vu. Soré Amidou venu de Kombissiri ne demande que la maternité pour sa deuxième épouse avec laquelle il partage le même lit depuis 15 ans. Pour lui, le nom de Bikienga rime avec la fin de sa longue attente.

Après de fausses couches à répétition, Kaboré Rasmata dit avoir trouvé la solution à son problème depuis une décennie auprès du thaumaturge tout en présentant ces 3 gosses avec la fierté d’une primipare. Sinaré Rakéta a des cheveux blancs mais pour elle l’espoir d’avoir un bébé renaît avec ce guérisseur. Des femmes enceintes, on en trouvait aussi sur le site, histoire de maintenir le contact jusqu’à l’heureux événement.

De charmantes demoiselles s’y sont également invitées avec une requête qu’on pouvait imaginer : avoir un mari. Sont de celles-là Kaboré Rasmata, à peine 19 ans, qui nous dit sans gène : "Je suis venue avec mes camarades à la recherche de maris", comme si c’était désespérant pour des gos qui n’ont même pas encore coiffé la sainte Cathérine, de ne pas avoir de conjoint. Sa voisine, moins préoccupée, était venue pour la même raison mais attend maintenant que son fiancé achève le processus de mariage. De l’identité du guérisseur on en saura pas trop car répondant à chaque question par une courte phrase on ne peut plus sybilline.

Une langue bénie

On retiendra seulement que sa force vient de ses prières qui l’a fait perdre l’usage de la parole pendant au moins un an. Il dit être aux ordres d’êtres invisibles qui ne manqueraient pas de le fouetter sévèrement à chaque fois qu’il enfreint leurs règles. "J’ai une langue bénie et les vœux que je prononce sur mes clients s’accomplissent grâce à Dieu" dit-il, un tantinet mystérieux.

Après l’imposition des mains sur ses malades, il leur dit la recette convenable pour leur guérison. C’est ce qu’il a fait pendant le rituel de dimanche au cours de laquelle quatre (4) malades, trimbalés par leurs proches, sont repartis d’eux-mêmes se disant guéris.

Dans le village où il exerce, le guérisseur a fait plusieurs réalisations sur fonds propres notamment deux barrages, des forages, une école franco-arabe, et nous en oublions. Pour marquer leur adhésion à son œuvre, les autorités notamment le haut-commissaire de la province d’Oubritenga, Lamoussa Ouédraogo, le préfet de Nagréongo, François Bicaba, et le médecin-chef du district sanitaire d’Oubritenga, Clotaire Hien, pour ne citer que celles-là, ont pris part à cette cérémonie, comme pour en donner une onction officielle malgré les réserves voire le scepticisme de ceux qui soutiennent que des miracles ne peuvent s’accomplir ainsi par cargaisons entières. Qu’à cela ne tienne, Naaba Koanga de Nagréongo leur a demandé d’œuvrer à la décoration du guérisseur dont il a loué les actions.

Selon ce dernier, le rassemblement avait aussi pour objectif de montrer aux responsables le fruit de son travail car dit-il "Celui à qui appartient la montagne est propriétaire des hyènes qui la peuplent". Ce rendez-vous des enfants promis a renforcé la foi de ceux qui croient dur comme fer aux forces surnaturelles. Malgré les exploits de la science et de la technique, notre monde garde ses mystères et chacun a ses croyances, pourvu que chacun respecte celles des autres pour préserver la cohésion sociale.

Abdou Karim Sawadogo
Marie Grégoire Sirima

L’Observateur

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