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Education pour tous : Le laxisme des dirigeants hypothèque l’avenir

Publié le mercredi 27 septembre 2006 à 07h21min

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"L’Etat-providence, c’est fini". On pourrait afficher ce slogan au fronton de nombreux Etats africains qui, au nom du libéralisme ambiant, se dépouillent de leurs missions régaliennes comme celle d’assurer l’éducation à tous les enfants de la nation.

C’est même avec un brin de fierté que certains dirigeants délaissent ce secteur aux seules mains du privé dont l’obsession est d’abord la rentabilité financière.

Et quand l’école publique n’est pas totalement sacrifiée, elle végète dans des conditions déplorables de sureffectifs, d’enseignants démotivés, de programmes inadaptés, etc. Le résultat est catastrophique dans les pays où le secteur de l’éducation est mis sur la même balance qu’un produit marchand, avec une quasi-démission de l’Etat.

Le Burundi, petit pays d’Afrique centrale, qui émerge d’une longue période de guerre, a pourtant eu les ressources nécessaires pour instaurer la gratuité de l’éducation à l’école primaire. On pourrait arguer que le pays n’avait d’autre choix que d’appliquer une telle mesure, afin de rattraper le temps perdu dans l’éducation, surtout au primaire. Mais il a fallu certainement une volonté politique à toute épreuve car d’autres priorités se bousculent dans un pays où tout est à reconstruire.

Le pays des mille collines s’est vite fait une raison : sans éducation, aucune perspective de développement n’est envisageable. Ce postulat généralement admis n’est cependant pas suivi de mesures fortes pour booster le secteur de l’éducation, comme la gratuité de l’éducation qui n’est certes pas une panacée, mais qui a fait ses preuves partout où elle a été appliquée. Selon l’UNESCO, l’Ouganda a ainsi plus que doublé son taux de scolarisation au primaire en deux ans grâce à cette mesure aux effets très incitatifs.

Pourquoi alors les autres pays ne se lancent-ils pas dans cette expérience qui est le premier pas vers une démocratisation de l’école ? Au Burkina, le droit à l’éducation pour tous les citoyens est consacré par la Constitution. Les gouvernants, au quotidien, semblent aussi faire de l’éducation pour tous une préoccupation majeure, afin d’honorer le rendez-vous des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en 2015.

Mais le Plan décennal de l’éducation de base, qui constitue actuellement son viatique, n’a pas inscrit la gratuité des frais scolaires à l’école primaire au cœur de son action. Ainsi, le premier palier du système éducatif est-il exclu à nombre d’enfants dont les parents sont incapables d’honorer les frais imposés dans le public, aussi raisonnables soient-ils.

Dans un pays aussi pauvre que le Burkina, très peu de familles peuvent à la fois subvenir aux besoins d’alimentation, de santé et d’éducation de leurs progénitures. L’Etat est donc obligé de venir à leur rescousse, à travers un signal fort comme l’accès à l’éducation, par l’application de la gratuité, la construction de salles de classes et le recrutement d’enseignants.

On ne perd rien en investissant dans l’éducation. Les ressources humaines, pour un pays au sous-sol pauvre, sont la plus grande richesse. Un simple exemple : combien de millions l’Etat et certaines sociétés à caractère agricole économiseraient-ils si le monde paysan était suffisamment éduqué et formé pour se prendre en charge dans l’utilisation des paquets technologiques ?

L’Inde est devenue un pays exportateur de matière grise parce qu’elle a su investir dans l’éducation de masse tout en promouvant l’excellence dans un secteur bien ciblé, l’informatique.

Au Burkina, on est tombé dans une culture de la facilité qui rend insurmontable tout défi qui se fait jour. Jusqu’à ce que d’autres pays, moins nantis, montrent la voie à suivre. Que ce soit les prises en charge médicales ou les frais de scolarité gratuits, des pays appliquent avec bonheur ces mesures sans que leurs économies ne s’écroulent, comme on le craint au "Pays des hommes intégrés".

Les pères des indépendances ne furent pas toujours des exemples en matière de pratiques démocratiques, mais ils avaient cette vision qui leur a permis d’entreprendre de grands chantiers dont les jeunes leaders profitent aujourd’hui des fruits.

Le président Houphouët n’a pas hésité à réinvestir massivement la manne du café-cacao dans le domaine éducatif. Aujourd’hui, n’eût été l’incurie de la classe politique, les Ivoiriens seraient à un niveau de développement appréciable parce que assis sur un socle solide, celui de l’éducation à grande échelle et de qualité.

Sans les PDDEB et autres formules prêt-à-porter des bailleurs de fonds, les premiers dirigeants du continent avaient réussi des performances qui, si elles avaient été bien perpétuées, épargneraient aujourd’hui au continent de toujours s’attarder sur les questions d’éducation. C’est dire que seule une volonté politique sans ambiguïté peut conduire nos pays vers un avenir où l’analphabétisme et l’inculture seront un lointain souvenir.

Le Pays

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