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Université de Ouagadougou : Le ras-le-bol des enseignants

Publié le mardi 19 septembre 2006 à 07h35min

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Que se passe-t-il à l’université de Ouagadougou ? En cette veille de rentrée scolaire, les étudiants de deux unités de formation et de recherche n’ont toujours pas eu leurs résultats de juin. Des enseignants auraient pris les résultats de la session en otage.

Notre journal a voulu connaître les raisons profondes de ce mouvement d’humeur des enseignants, à travers cette interview des responsables du Syndicat national autonome des enseignants chercheurs (SYNADEC) créé en 2003.

"Le Pays" : Pourquoi un nouveau syndicat à l’université ?

Notre organisation a été créée le 5 juin 2003 parce que nous nous sommes rendu compte que les questions spécifiques à l’université n’étaient pas tout à fait cernées par les autres syndicats qui avaient pourtant compétence de statuer sur nos problèmes. Nos intérêts étaient traités en même temps que ceux des enseignants du secondaire. Par conséquent, il y avait des incompréhensions entre nous. En raison de cela, nous avons décidé de créer un syndicat des enseignants du supérieur. Je rappelle que dans la sous-région, seul le Burkina avait encore un syndicat unique des enseignants du secondaire et du supérieur.

Avec les deux syndicats (SYNTER et SNESS), vous n’arriviez pas à vous faire entendre à travers les sections de l’université ?

Les directions des deux syndicats étaient tenues par des enseignants du secondaire qui s’informaient sur l’université à travers leurs deux sections sectorielles. Nous nous sommes rendus compte que dans la défense des intérêts de l’université, nos préoccupations, ou n’étaient pas prises en compte ou n’étaient pas traitées de façon satisfaisante. La question était alors de savoir si l’on ne les prenait pas en compte parce qu’on les ignorait ou si l’on défendait mal nos intérêts, ou parce qu’on ne cernait pas très bien nos réalités. Pourtant, les sections des deux syndicats existaient bel et bien à l’université. Nous nous sommes demandé si ce sont des sections qui fonctionnent encore ou ce sont des structures frappées à jamais de léthargie.

Un exemple. En 2001, ont eu lieu les négociations sur les indemnités de logement et de sujétion. Les indemnités de sujétion ont été négociées sur la base des catégories de D à A. On a oublié les P, c’est-à-dire les enseignants de l’université. Le personnel de la catégorie P a donc été assimilé à celui de la A. Lors du congrès du SNESS à Goundi, le problème a été posé par la section de l’université. Et la réponse de la première responsable du SNESS à cette occasion avait déçu plus d’un. Dès lors, nous avons compris qu’il y avait des malentendus et incompréhensions entre nous. Et pour éviter des frictions inutiles entre enseignants, nous avons créé ce syndicat pour faire des propositions en fonction des besoins de l’université.

Un autre exemple. En 1999, lorsque nous protestions contre le Bac OCECOS, une des propositions consistait à donner une indemnité de 150 000 F CFA pour le président du jury et 75 000 F CFA pour le secrétaire du jury. Les enseignants du secondaire ont protesté dans la presse, disant que nous avions la prétention de dire qu’ils ne valent que notre moitié. Leur frustration était légitime, mais révélatrice des antagonismes possibles pouvant exister entre deux corps de même vocation, mais de charges différentes et conglomérés dans une même structure de défense de leurs intérêts.

Quel bilan pouvez-vous présenter depuis 2003 ?

Sur le campus, après la lutte unitaire contre le Bac OCECOS, et après la protestation contre la refondation de l’université, la lutte syndicale s’est affaissée pour ainsi dire. Il y avait une sorte de léthargie ; on a eu l’impression que les gens n’étaient plus motivés par les questions syndicales. Néanmoins, nous avons cru bon de créer ce syndicat pour poser les problèmes spécifiques au corps en espérant mobiliser tous les collègues qui ne sont pas encore syndiqués ou ceux qui, même syndiqués, ont été déçus par leur expérience de militantisme dans les syndicats traditionnels existants. Des collègues attendaient de voir ce que nous avions à proposer avant de s’engager.

C’est ainsi que nous avons élaboré une plate-forme revendicative ciblée sur des problèmes précis :

Les salaires qui sont extrêmement bas et pas du tout concurrentiels. L’université est certes une institution nationale, mais une institution engagée qu’on le veuille ou non dans une compétition internationale. Pour progresser de l’assistant au grade de professeur titulaire, il faut publier des travaux scientifiques reconnus consistants par vos pairs. Et là-dessus, il n’y a pas de sentiment : ce n’est pas parce que vous êtes un enseignant d’une université de pays pauvre qu’on acceptera par pitié vos travaux dans les revues scientifiques. Quand on vous publie un texte, vous êtes honoré, mais quand on vous le rejette, vous êtes sur la sellette du déshonneur. C’est en conséquence une concurrence qui s’engage entre les enseignants et par-delà eux les universités. Par conséquent, les enseignants devraient être bien payés pour faire face, le coeur serein, à cette concurrence.

Il y a aussi les questions d’indemnité et de prime recherche, celle liées à la carrière de l’enseignant-chercheur, et les conditions de travail.

En 2005, nous avons élaboré une plate-forme minimale autour de 3 points : les salaires, les indemnités et la recherche.

Par deux fois, le ministre des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique nous a reçus autour de notre plate-forme. Nous y avons défendu notre point de vue sans pour autant avoir satisfaction. Mais pour nous, c’était une bonne école. A partir de là, nous avons décidé de changer de stratégie et la manière de poser les problèmes.

Les collègues ont été sensibilisés sur notre plate-forme et notre façon d’aborder les problèmes spécifiques à l’université. Quand nous avons fait le bilan 2004/2005 et que nous l’avons ventilé aux collègues, certains ont compris le sens de notre lutte et ont décidé de se joindre à nous. Ils se sont rendu compte que nos points de revendications correspondaient tout à fait à leurs préoccupations.

Depuis avril 2006, nous avons ciblé deux points qui font l’objet de la lutte actuelle : premièrement, les effectifs sont pléthoriques à l’université. De 9000 étudiants en 1994, ils sont passés à 25 000 mille aujourd’hui. Dans certaines disciplines comme le droit, l’économie, la sociologie, etc., les effectifs des 1res années dépassent le millier d’étudiants. Cela pose des problèmes de corrections. Les enseignants passent plusieurs mois à corriger les copies et cela retarde les délibérations. Si bien que nous n’avons plus de vacances. Depuis la refondation, on travaille sans vacances. Les juristes ont été les premiers à poser le problème au chancelier Alfred Traoré. Celui-ci a accédé à leur demande de payer à partir de la 201e copie, la copie à 100 francs CFA.

C’est dire qu’avant, vous ne perceviez rien du tout ?

Tout à fait. A partir de 2001, les juristes ont eu droit à ce paiement. Mais le chancelier leur a dit que l’évaluation fait partie des obligations de l’enseignant. C’est pourquoi il a considéré que face aux effectifs actuels, il estimait que la correction de 200 par matière correspondait raisonnablement à leurs obligations, mais qu’à partir de 200 copies, c’est du supplément à rémunérer. La mesure a ensuite été étendue aux économistes, puis par la suite aux UFR/SH et UFR/LAC et UFR/SVT. L’agence comptable de l’université payait donc les copies supplémentaires. Mais le contrôleur financier avait toujours posé des problèmes quant à la légalité du paiement. Toutefois, avec les négociations, on arrivait à trouver une solution.

Au niveau des UFR/SH et LAC, le barème était de 200 francs la copie supplémentaire. En 2004/2005 le contrôleur financier dit qu’il ne paie pas parce qu’il n’y a pas de texte. Et il ajoute qu’à défaut de texte, il ne peut payer que 100 francs la copie.

Cette raison ne suffit pas. S’il n’y a pas de texte, il n’y a pas de texte. Il ne peut pas dire qu’en l’absence de texte, il ne paie que 100 francs.

Cependant, il fait établir les états à 100 francs. Nous voulions enclencher un mouvement pour dire non. Mais des camarades avaient déjà perçu leurs indemnités. On a alors décidé de prendre mais de lutter pour revendiquer le supplément ce que nous considérerons comme un droit.

Deuxièmement, les frais de jury étaient payés en 2003/2004. C’était pour encourager les membres du jury. Comme les effectifs sont pléthoriques, les jurys passent des semaines à délibérer avec quelques fois des erreurs qu’il faut rattraper. Sans compter les réclamations qui prennent une à deux semaines. Mais à partir de 2004/2005, le contrôleur financier dit qu’il ne peut plus payer, à défaut de texte. Alors en avril 2006, nous avons dit si nous n’avons pas les frais de copies et de jury, les jurys ne seront pas constitués. Nous allons corriger les copies, mais nous ne donnerons pas les notes.

L’administration savait donc les menaces qui pesaient sur la session de juin 2006 ?

Bien sûr. Puisqu’à ce sujet, une audience a eu lieu avec la présidence de l’université. Nous avons été reçus le 30 mai. Madame le Président nous a dit qu’elle était au courant du paiement des copies supplémentaires mais pas de celui des frais de jury ; que nous pouvions trouver une solution auprès des directions des UFR pour les frais de jurys, mais qu’en ce qui concerne les copies, elle n’avait pas de solution. Courant début juillet, une médiation faite par le chargé de mission auprès de la présidence de l’université nous fait comprendre que le paiement des copies supplémentaires était une faveur qui nous avait été accordée par l’ancien président et que, pour une question d’équité, nous devrions surseoir à notre revendication dans ce sens. Nous estimons que ce n’est pas un argument administratif. Si l’administration est une continuité, la nouvelle autorité doit assumer cette décision de son prédécesseur.

Lorsque nous avons saisi les directeurs d’UFR au sujet des frais de jurys, ils se sont mis à l’œuvre, mais les choses traînent. Voici en résumé le fond du problème.

Aujourd’hui 6 septembre, les notes sont-elles rendues publiques ?

Le mouvement a commencé en mai. Et devant la menace, le ministre s’est investi dans la recherche de solution en instruisant la présidente de nous rencontrer le 1er août, au lendemain d’un conseil extraordinaire d’administration de l’université, afin de trouver une solution. Ce conseil a examiné certaines des préoccupations que nous leur avions soumises. Le ministre, alors qu’il était président de l’université, avait mis en place une commission qui a planché sur le sujet et fait des propositions qui ont été entérinées par lui, qui avait accepté le principe de 200 F CFA par copie supplémentaire. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre son acceptation de payer les copies des UFR/SH et LAC à ce taux, avec l’espoir que la ratification de son projet de texte par le conseil d’administration régulariserait le problème.

Ce conseil a estimé que le texte avait des insuffisances et qu’il fallait le re-instruire parce qu’un jury de 60 candidats n’a pas la même charge de travail qu’un jury de 500 ou 1000 candidats. Il fallait donc prévoir les rémunérations en fonction des tailles des jurys. C’est dire donc que l’esprit du projet de texte ne souffrait d’aucune contestation. Le conseil extraordinaire du 31 juillet a donc adopté le texte du Professeur Paré. Il prévoit, entre autres, que entre 201 et 400 copies, la copie serait payée à 200 F CFA, et au-delà de la 400e, à 250 F CFA la copie. Voilà ce qui a été adopté par ce conseil extraordinaire.

Quant aux jurys, les charges financières s’élèvent à 25 000 francs pour le président, à 20 000 francs pour le secrétaire et à 15 000 francs pour les membres. La mesure a même été étendue au jury de soutenance des travaux de recherche où l’encadreur reçoit, outre le rabattement de 25 heures, 10 heures supplémentaires calculées sur la base de son indice ; le président d’un jury de soutenance de mémoire de maîtrise sera rémunéré à 50 000 francs et les membres du jury à 35 000 francs. Ce sont des mesures qui n’existaient pas avant.

Des propositions sont faites : les primes de recherche ont été portées à 800 000 francs pour les enseignants de rang B et à un million de francs pour ceux de rang A. La mise en oeuvre de cette proposition du Conseil de l’université doit d’abord passer en Conseil des ministres pour adoption.

Les frais de jury et de copies relèvent du ministère des Finances qui avait un mois pour réagir.

Nous attendons la rentrée pour avoir la réponse du ministre des Finances. S’il ne réagit pas dans les délais, la présidente de l’université peut prendre un arrêté rendant la mesure applicable pour 2006.

Sous quelles auspices se prépare la rentrée 2006/2007 ?

Pour ce qui est de nos revendications de mai 2006, le ministre a permis qu’on paie les reliquats des copies supplémentaires pour toutes les UFR de l’université. Les états ont été refaits dans toutes les UFR et les enseignants ont touché le complément de 100 francs ; sauf ceux qui étaient en mission ou en vacances.

Reste qu’un volet de la question n’est toujours pas connu. Il s’agit des frais de jury, et nous estimons qu’il faut résoudre les problèmes entièrement au lieu de le faire à moitié. Donc, tant que les frais de jury ne sont pas payés, nous n’allons pas délibérer !

Mais l’université a fait publier un calendrier qui annonce la publication des résultats, les dates des réclamations et de la prochaine session ?

Le 14 août 2006, les directeurs des UFR/SH et LAC ont convoqué les chefs de département pour poser le problème des délibérations. Les chefs de département ont dit que le problème n’est pas tout à fait résolu puisque au 14 août, le problème des copies supplémentaires était résolu et que l’administration avait prétendu que les états des frais de jury avaient été acheminés. Les chefs de département ont invoqué le départ en vacances des enseignants pour proposer une solution alternative. Ils ont alors élaboré ensemble le calendrier suivant : Le 11 septembre, proposition des membres du jury, le 19 septembre au plus tard, ce sont les délibérations de la session de juin ; le 26 septembre au plus tard pour les réclamations ; le 2 octobre les résultats définitifs et le 17 octobre a lieu la deuxième session.

C’est le calendrier qui est prévu si on nous appelle à la caisse pour les frais de jury. Si ce n’est pas le cas, le calendrier est caduc. En fait un des sens de notre lutte, c’est de faire respecter les enseignants dans leur autorité et dans leurs droits.

Dans ces conditions, peut-on encore parler d’enseignants-chercheurs ? N’êtes-vous pas plus occupés à remplir des tâches administratives ?

Je pense que vous touchez du doigt le problème. A quel moment peut-on vraiment faire de la recherche ? Surtout quand on a 1000 copies à corriger, 150 étudiants à encadrer. A cela, s’ajoutent les mauvaises conditions dans lesquelles nous faisons les recherches. Je parle des voyages d’étude qu’on obtient qu’au compte-gouttes, des primes de recherche qui n’arrivent pas à temps. Pour cette année, nous sommes au mois de septembre, mais nous n’avons pas encore perçu nos primes de recherche. Au sein du bureau du SYNADEC, nous avons, suivant les personnes 9, 12 et 13 ans d’ancienneté à l’université et c’est la 1re fois que les primes de recherche prennent un grand retard.

Comment voulez-vous qu’on fasse de la recherche dans ces conditions ? Nos obligations académiques liées à l’enseignement et surtout à la correction des copies occupent le plus clair de notre temps, au détriment de celles de la recherche sur la base desquelles nous sommes évalués pour progresser dans les fonctions de notre métier. Cette situation porte également un coup dur à la carrière de l’enseignant puisqu’il n’arrive pas à faire de la recherche.

En tant que syndicat, que proposez-vous pour permettre à l’enseignant-chercheur de s’exprimer et de s’épanouir ?

Nous proposons beaucoup de choses. Quand on parle des conditions de travail, il se pose un problème d’infrastructures pour permettre aux enseignants de travailler normalement. Il leur manque des bureaux si bien qu’ils sont obligés de rencontrer les étudiants (ceux qui préparent leurs mémoires) sous des arbres, dans les kiosques et même parfois à domicile. En plus de cela, les salaires ne suffisent pas pour se construire un bon domicile. Les conditions de vie de l’enseignant se sont dégradées tout comme sa profession. Avant la Révolution, un enseignant assistant avait droit à un logement d’une valeur de 120 000 F CFA.

Et si vous arriviez nouvellement de l’extérieur pour travailler au Burkina, l’Etat vous logeait à l’hôtel, le temps de vous trouver la villa. Mais de nos jours, tout est devenu très dur pour l’enseignant. Il s’est trop sacrifié. Pour cela, nous avons suggéré que l’université lui trouve un bureau. Souvent plusieurs enseignants reçoivent leurs étudiants, au même moment, pour discuter des mémoires dans des salles des professeurs, qui le plus souvent sont exiguës. Les enseignants sont les pires des fonctionnaires compte tenu de leurs conditions de travail.

Ce manque d’attrait du métier d’enseignant fait que d’une part, l’université burkinabè rencontre des difficultés pour recruter, d’autre part, de plus en plus de collègues partent. Et qui plus est, en dépit de la forte demande de personnel enseignant, l’Etat ne recrute pas assez d’enseignants pour combler le déficit. La raison est simple : l’Etat ne planifie pas la formation des ressources humaines nécessaires au besoin d’une administration comme celle de l’institution universitaire.

Cette insuffisance d’enseignants a entraîné la création d’un poste budgétaire dénommé "heures supplémentaires". L’enveloppe de ces heures, l’an passé était de 100 000 000 F CFA. Ce qui met au grand jour le besoin criard de recrutement de personnel enseignant. Sans ce renforcement du personnel existant et la planification de la formation des cadres, la relève ne peut être assurée à l’université.

Au regard de tout cela, nous demandons l’amélioration des conditions de travail du corps professoral de l’université.

Ces dernières années, on parle du système Licence, Master, Doctorat (LMD). Qu’est-ce que cela implique au niveau des enseignants ?

La question du LMD n’est pas encore arrivée au niveau des enseignants mais, comme d’habitude, nous serons les derniers impliqués dans sa mise en oeuvre. Pour le moment, c’est la "haute sphère" qui essaie de comprendre le concept. Si c’est le LMD tel qu’il est appliqué dans les pays anglo-saxons, où l’étudiant doit se tailler un profil, la tâche de l’enseignant se compliquera davantage. Car ce système implique des cours et des travaux d’option que l’étudiant doit choisir.

Le LMD va engendrer un bouleversement total du système scolaire. Avec le système actuel, les étudiants sortent comme façonnés dans le même moule. Mais le LMD demande que chaque étudiant se trouve un profil unique. Pour cela, il aura à suivre des cours d’option de gauche à droite, et des cours obligatoires pour toute personne qui veut tel ou tel domaine.

Parlant de bouleversements, il y a quelques années l’université a connu la refondation. En tant qu’enseignants-chercheurs, quel bilan faites-vous de ce système ?

La refondation a échoué. Tout d’abord, le système des modules (regroupements de matières) est resté incompris de certains enseignants. La modulation était tellement compliquée qu’on a été obligé de l’alléger. Dans certains départements, une matière est égale à un module. Ensuite, il y a le système des crédits. Avec ce dernier, si un étudiant valide les 2/3 des matières, il peut aller en classe supérieure quitte à revenir valider le reste l’année suivante. Le manque de performance des scolarités est l’une des difficultés de ce système. Les agents ne sont pas suffisamment formés en la matière. Donc, il y a du désordre pendant la délibération.

A cela, s’ajoute le problème d’effectifs que nous avons posé tantôt. Le plus grand amphi est l’amphi A600 qui a 600 places. Pour résoudre ce problème, des pavillons de 1000 ou 1500 places ont été construits pour les juristes et les économistes. Alors qu’ils se comptent par milliers. Ces infrastructures ne sont d’ailleurs pas adaptées. Ainsi, le problème de salles et le manque d’enseignants posent en même temps la difficulté de semestrialisation (programmation semestrielle) des enseignements. Donc, sur toute la ligne, la refondation a été un échec.

Comment jugez-vous l’annonce de l’administration qui dit qu’il n’y a pas de problèmes à l’université ?

Nous pensons que c’est une stratégie qui cherche à faire croire à l’opinion publique qu’il n’y a pas de problèmes alors qu’il y a bel et bien des problèmes. Nous vous parlions tantôt d’un calendrier établi par les directeurs d’UFR pour la reprise le 11 septembre. Si nous ne passons pas à la caisse, il est caduc. Sinon, le calendrier en soi est un problème. Est-ce que les années précédentes, l’administration a eu besoin de publier un calendrier de délibération des résultats ? En plus de cela, la 2e session est prévue pour le 17 octobre. Les enseignants prendront deux à trois semaines pour corriger et délibérer. A quand donc la rentrée ?

Au plus tôt en décembre, sinon en janvier. Mais si l’administration dit qu’il n’y a pas de problèmes, nous prenons acte de la volonté de minimiser un problème d’une telle importance. C’est Victor Hugo qui disait que "il n’y a pas de petite feuille dans la végétation, ni de petit fait dans l’humanité..." Nous abreuvant à la source de ce romancier et poète français, nous, pour notre part, nous n’entendons rien minimiser !

Mais n’avez-vous pas peur d’avoir les parents d’élèves et les étudiants contre vous ? Avez-vous déjà contacté des syndicats d’étudiants ?

Nous n’avons pas encore contacté des syndicats d’étudiants parce nous n’avons pas jugé nécessaire de le faire.

Parlant de parents d’élèves, nous sommes aussi des parents d’élèves, et nous faisons comprendre aux autres que les problèmes des enseignants ont des répercussions sur les études de leurs enfants. Si les problèmes sont résolus, ceux des étudiants sont à moitié résolus. Nous ne manifestons pas contre quelqu’un mais nous défendons nos intérêts.

Il faut aussi que les parents comprennent que si nous acceptons de travailler, malgré les conditions difficiles que nous avons déjà citées, c’est parce que nous aimons ce que nous faisons. Nous n’avons pas créé les problèmes, donc que l’administration ne nous demande pas de les résoudre. Pourtant, nous avions déjà tiré la sonnette d’alarme pour que les gens sachent qu’il y avait des problèmes au campus universitaire de Ouagadougou.

Propos recueillis par Abdoulaye TAO et Jacques Théodore BALIMA (Stagiaire)

Le Pays

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