LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Inondations aux secteurs 11 et 12 de Ouagadougou : Un casse-tête pour la mairie

Publié le mardi 5 septembre 2006 à 07h28min

PARTAGER :                          

Le maire Marin Ilboudo

Nous sommes en pleine saison hivernale. Au niveau des secteurs 11 et 12 de Ouagadougou, plus précisément dans la zone côtoyant le barrage, la pluie n’annonce pas vraiment le beau temps. Ils ne sont pas nombreux, ceux qui sont prêts à parier le contraire.

Toute grosse pluie qui passe provoque la migration des populations vers les lieux publics ou des abris sûrs pour un certain temps. La dernière averse qui s’est abattue sur la capitale burkinabè le 8 août dernier n’a pas dérogé à la règle.

Munies du minimum, ou du moins de ce qu’elles peuvent emporter, des familles ont évacué leur domicile, abandonnant ainsi leurs biens aux eaux. Cette situation qui perdure a des explications divergentes. Pour les habitants de la zone, la réponse est toute simple, "la mairie a démissionné". De l’autre côté, on parle plus de "zone d’habitation anarchique", et la mairie a une explication pour ce qui concerne le temps mis pour gérer la situation. Des études ont été ménées et le sort de la zone sera connu incessamment.

Mardi 8 août 2006. Il est 16h. La grande pluie qui s’ abattait sur la capitale burkinabè depuis 12h30 vient de cesser. Les habitants du secteur 11 sortent de leur domicile pour constater le décor qui s’offre à eux. Quelques minutes plus tard, c’est la panique. L’eau du barrage déborde de son lit et, lentement, occupe les domiciles situés en bordure. C’est le sauve-qui-peut pour ceux dont les maisons ont été englouties. Les membres de la famille, munis chacun de ce qui lui est cher, désertent les lieux. Leurs voisins, conscients de l’arrivée imminente des eaux, font des digues de fortune. "Il n’y a pas autre solution, fait savoir une femme. C’est toujours comme ça. L’eau vient nous créer des problèmes, et les gens qu’on a élus ne font rien pour nous. Nous sommes des habitués maintenant. Nous évacuons les maisons, et quand l’eau se retire, on revient."

Quelques mètres plus loin, les arbres bordant la voie commencent à être envahis par l’eau qui occupe de plus en plus d’espace. Les jeunes qui y ont pris place ont, eux, trouvé une explication à la situation et elle est toute simple : " On a fermé les vannes du barrage n°2. Le barrage est plein, il rejette donc l’eau de ruissellement venant des caniveaux et autres lieux de passage des eaux."

Nouveau goudron, manque de caniveaux à l’origine du calvaire

Dans une lettre datée du 6 avril 2006 et signée "Les riverains du barrage n°2/ Secteur 11-Ouidi", les destinateurs ont trouvé une explication à la situation : "Les inondations sont devenues plus fréquentes depuis qu’ont commencé les travaux de terrassement et de remblayage de la nouvelle voie bitumée qui longe la rive nord du barrage N°2. Du fait de la construction de cette voie, l’eau dudit barrage qui ne peut plus s’étendre vers le nord s’étend désormais vers le sud et inonde nos habitations." Dans la correspondance, les populations reconnaissent leur tort, mais n’écartent pas la responsabilité de l’Administration : "Les inondations sont dues, certes, au fait que nos parcelles sont situées sur la rive sud du barrage, mais plus essentiellement aux multiples actes et interventions ultérieurs de l’Administration publique".

Dans le même secteur (secteur 11), un autre groupe s’est constitué, "Les résidents du bloc situé entre les rues Birba, 11.69, Nazi Boni et l’avenue Pusumpugu du secteur 11". Pour ce dernier, le manque de caniveaux dans la zone est à l’origine de la situation. Dans une lettre adressée au maire de l’arrondissement de Baskuy et signée "Les résidents du bloc situé entre les rues Birba, 11.69, Nazi Boni et l’avenue Pusumpugu du secteur 11", une correspondance paraphée par une quinzaine de familles, donne le maximum d’informations sur la question. "Notre bloc se situe au bas de la zone comprise entre l’avenue Abbé Robert Ouédraogo (au sud), le collège des jeunes filles de Kologh-Naaba (à l’ouest), la rue Birba (au nord) et le canal Kadiogo de sorte que pendant les saisons pluvieuses de chaque année (de juin à octobre), les eaux coulent de l’ouest à l’est depuis le collège de Kologh-Naaba vers le canal et le barrage n°2 ; les rues 11.34, Ouédraogo Vadogo, Nazi Boni, Avenue Pusumpugu et la rue Birba qui n’ont pas de caniveaux sont devenues des voies d’évacuation des eaux.

Les eaux de ces rues venant de l’ouest sont collectées par la rue Soansga, la rue 11.34, la rue Ouédraogo Vadogo et se déversent dans la rue 11.69 (principal collecteur) qui les charrie du sud vers le nord, de la rue 11.69, ces eaux vont couler à flots par l’avenue Nazi Boni et la rue Birba qui entourent le bloc où nous résidons et débordent dans les concessions. C’est ainsi qu’après chaque grosse pluie, il nous est impossible de sortir de chez nous ; il nous faut attendre des heures durant afin que les eaux passent".

Une missive restée sans suite

Cette correspondance date du 11 juillet 2006, et selon le vieux Bansé (comme on aime à l’appeler dans la zone), elle a été déposée au bureau du maire le 14 juillet.

L’idée de rédiger cette lettre serait venue du maire de Baskuy quand il a reçu la visite de courtoisie de Alfred Bansé, ancien conseiller des affaires économiques au ministère du Commerce, au maire de Baskuy. Ce dernier aurait demandé à son visiteur de réunir ses voisins afin de recenser leurs préoccupations, et de les lui exposer dans une correspondance. Ce que le vieux s’est vite depêché de faire. "Quelques jours plus tard, j’ai rencontré mes voisins et j’ai partagé l’idée avec eux. Ils ont accepté de me suivre dans ma lancée. Nous avons donc rédigé la lettre et nous avons joint un plan de la zone à la correspondance. Elle a été déposée au secrétariat de la mairie, qui avait promis d’envoyer une équipe technique sur les lieux pour constater l’après-pluie. Et depuis, notre missive est restée sans suite", fera savoir le vieil homme. Qu’attendent les habitants de la zone des autorités municipales ? Pour le vieux Bansé, c’est tout simple : "Nous voulons que la mairie nous aide avec des caniveaux".

Depuis plus d’une dizaine d’années, ce vieil homme à la retraite a décidé d’étudier le terrain et d’avoir une idée des parts de responsabilité. Il en a fait son passe-temps favori.

La mairie a-t-elle démissionné ?

Pour le maire Marin Ilboudo, que nous avons rencontré le 27 août dernier, la mairie a toujours assumé ses fonctions. "En réalité, c’est une préoccupation qui nous a été soumise pendant notre premier mandat en 1999. Nous avons mis en place une commission de réflexion pour étudier le problème et faire des propositions à l’intention du conseil d’arrondissement. C’était bien avant qu’il y ait les différentes inondations de 2001 et 2002", a-t-il déclaré. Qu’en est-il de la situation de nos jours ?

La commission a produit son rapport dans lequel il ressort un certain nombre de recommandations. Celles-ci ont été soumises au conseil d’arrondissement. Il s’agissait, dans un premier temps, de recenser tous ceux qui sont dans la zone inondable. Nous l’avons opéré. Il y a ensuite eu les levées topographiques de la zone. Après ces deux activités, nous avons rendu compte au conseil municipal. Nous avons rencontré les populations pour leur faire le bilan." Selon le maire, d’autres études ont suivi dont le recensement des concessions de la zone ayant des titres de propriété et des permis urbain d’habiter (PUH). Il fallait cerner le nombre de concessions concernées par le problème afin de savoir ce que coûterait leur déguerpissement aux autorités municipales. Le conseil municipal a apprécié le travail abattu.

Une zone non constructible

Le rapport faisant cas des préoccupations et des solutions a été remis aux autorités de l’arrondissement qui, à leur tour, l’ont soumis à l’Administration municipale. Ce rapport date du 22 mars 2006. Pour le maire de l’arrondissement de Baskuy, l’Administration a une part de responsabilité dans la situation : "Nous assumons une situation qui a été mal gérée par les administrations qui nous ont précédés. Des gens n’ont pas assumé leur responsabilité en son temps. Cette zone est un domaine non constructible, c’est une zone non lotie, inondable. Personne ne devait y construire."

Et d’ajouter qu’ "elle ne devrait pas connaître des habitations avec des titres de propriété. C’est l’Administration qui leur a fourni ces documents. Les responsabilités sont partagées. On sait bien que c’est une zone à risque, et certains habitants ont même osé s’installer dans le lit du barrage". Conclusion : l’Administration est complice. Des études menées par la Direction des services techniques de la mairie (DSTM), on ne retiendra que 139 détentrices de titres de propriété (75 au secteur 11 et 64 au secteur 12).

Deux solutions à la situation

Ces mêmes études ont proposé deux solutions pour la résolution de la situation. Premièrement, la commune décide de supporter le coût du dédommagement et de déménager ceux qui sont installés dans la zone non constructible, qu’ils aient un titre de propriété ou non. Elle prévoit un site d’accueil de 1000 parcelles dans l’un des arrondissements susceptible de recevoir un millier d’occupants. Tous les déguerpis seront attributaires d’une parcelle avec en sus le montant du dédommagement pour ceux qui sont détenteurs de titres de propriété. Le reste de la zone constructible non aménagée sera aménagé suivant un plan.

Deuxièmement, la commune ne dispose pas de ressources financières à même de prendre en charge le coût du dédommagement. Dans ce cas, elle élabore un plan d’aménagement de la zone assorti d’un cahier des charges devant réglementer les constructions. Seules les personnes qui acceptent d’honorer le cahier des charges seront autorisées à y rester, en commençant d’abord par celles qui sont détentrices de titres de propriété.

La balance basculera certainement du côté de la deuxième option et ce, pour deux raisons principales : les ressources de la mairie sont limitées, et l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA) a fini par abandonner son projet d’exploitation des barrages n°1, 2 et 3, qui avait pour but de satisfaire les besoins.

Le projet qui consistait à curer le barrage est d’ un coût estimé à 1 082 milliards de F CFA. Une somme colossale pour la Nationale des eaux qui a fini par y renoncer au profit de l’exploitation du barrage de Ziga. La mairie, quant à elle, envisage de s’occuper de l’entretien du domaine.

Par Alain DABILOUGOU

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique