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Lotissements à Bogodogo : 48 heures avec une équipe d’attribution

Publié le mercredi 30 août 2006 à 06h59min

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La mairie de Bogodogo procède depuis quelque temps à l’attribution de parcelles dans les zones nouvellement loties des secteurs 28, 29 et 30. Une activité, c’est bien connu, qui ne se passe pas sans difficultés et mécontentement des résidants des espaces concernés.

Nous avons fait chemin, les 22 et 23 août 2006, avec la commission de suivi, de contrôle et d’attribution qui était sur le terrain pour régler les cas à problème aux secteurs 29 et 30, et attribuer les parcelles du lot 60 du secteur 29.

L’opération d’attribution des parcelles fera à coup sûr des mécontents parmi les résidants. Simple question d’arithmétique : il y a 18 000 parcelles pour 53 000 recensés. La tâche est donc très difficile pour la commission d’attribution. Comment faire pour que tout se passe bien et dans la transparence ? L’attribution publique est la formule choisie et les résidants réels (RR) sont prioritaires. Pour mémoire, c’est depuis 2003 que les services de la mairie de Bogodogo ont commencé les recensements dans l’arrondissement et jusqu’à présent, ils sont à mille parcelles attribuées.

Les attributions concernent les secteurs 28, 29 et 30. Selon le conseiller municipal Alassane Tapsoba (membre de la commission ad hoc de suivi et de contrôle de l’opération), ce sont les gens de ces secteurs qui ont émis en 2000 un besoin de voir la zone lotie. Suivant cette volonté, le conseil de la mairie a entrepris les opérations de recensement, en changeant la procédure jusque-là usitée. Le marché du recensement fut ainsi confié à un cabinet privé pour un montant de 28 millions de francs CFA. Le travail devait, selon les clauses du contrat, se faire en 28 jours. Mais le cabinet en question n’a pas respecté les délais.

Et depuis lors, dira Alassane Tapsoba, « nous n’avons pas reçu le rapport des recensements ». Pour pallier ce problème, la mairie a mis en place une commission ad hoc de contrôle et de suivi, composée de conseillers municipaux, de chefs coutumiers, de responsables des coordinations des associations des résidants et des propriétaires terriens de la zone. « Quand nous sommes arrivés sur le terrain, poursuit notre interlocuteur, nous avons constaté que le travail n’avait pas été fait comme convenu avec le bureau privé. Dans les clauses du contrat, le cabinet EPURS devait recenser uniquement les maisons d’habitation achevées. Or sur le terrain, il y avait même des arbres, des rues, des puits... qui ont été recensés. Dans ces conditions, il fallait reprendre le travail ».

La population a été mise à contribution

Selon les dires des agents de la commission ad hoc de contrôle et de suivi, il s’est trouvé que la mairie n’avait plus les moyens financiers pour refaire le travail de recensement. Alors la population a été mise à contribution. Chaque résidant déboursera donc 1000 francs pour soutenir les opérations, non sans savoir que cette contribution ne donnait pas droit automatiquement à une parcelle. « Nous avons bien été clairs sur ce point », affirme Alassane Tapsoba.

Avec les sommes encaissées, la mairie a ainsi pu démarrer les travaux, en recensant d’abord les maisons qui ne faisaient pas partie des termes du marché. C’est-à-dire les maisons inachevées, les maisons nouvellement construites et les maisons en ruine. A la fin, la commission a constaté qu’il y avait 25 000 numéros qui ne répondaient pas aux critères. Elle est alors repartie sur le terrain, mais cette fois-ci pour recenser les numéros des maisons achevées et habitées.

Lors du recensement, les maisons qui sont habitées ont été retenues. « Ce sont ceux que nous appelons les résidants réels (R.R), ensuite, il y a ceux qui ont construit et qui n’y habitent pas ; eux, on les appelle les propriétaires non résidants (PNR) et enfin, les nouvelles constructions habitées (NCH) », précise Henry Kaboré, le deuxième adjoint du maire de Bogodogo. Ainsi, les R.R. naturellement prioritaires viennent en premier, ensuite les P.N.R. et enfin, les N.C.H. Les propriétaires sont après invités à déposer à la mairie les copies de leur CIB et du reçu. Maintenant sur le terrain, c’est l’ancienneté qui est déterminante en ce qui concerne les résidants réels.

L’ancienneté est déterminante dans l’attribution

« Tout se passe dans la transparence parce que nous attribuons les parcelles au vu et au su des populations », assure Henry Kaboré, comme pour balayer d’un revers de la main, les rumeurs de magouilles et les suspicions du favoritisme qui entourent ce genre d’opérations où on suspecte toujours des parties prenantes de faire leur beurre sur le dos des populations. Des accusations qui ne sont pas toujours dénuées de tout fondement. Le problème qui se pose, c’est que sur une parcelle de 250 m2, il peut y avoir 2 ou 3 personnes.

Et quand c’est le cas, la confrontation s’impose. Il faut souvent faire recours à des voisins pour témoigner, puis on attribue la parcelle au premier à s’y être installé. Mais ce n’est pas un travail aisé, car aujourd’hui, la commission connaît des difficultés. Trois ans après le recensement, des maisons inachevées ou en ruine, qui n’avaient pas été comptées, ont été restaurées et leurs propriétaires veulent des parcelles. C’est le cas de la veuve Ilboudo qui se plaint du fait qu’elle n’est pas retenue.

Explication d’Alassane Tapsoba : « Elle dit qu’elle réside dans la zone il y a 14 ans. Et quand nous sommes allés sur les lieux, nous avons constaté une nouvelle construction qui n’a pas été retenue par la commission. Elle revient nous dire qu’il y avait une maison construite par son défunt mari, qui est tombée. Cela n’a pas été pris en compte lors du recensement. Et ça, ce n’est qu’un cas. Nous comprenons alors pourquoi on nous parle d’escroquerie des veuves ».

La veuve que nous avons rencontrée le 22 août 2006 tient mordicus qu’elle est là depuis une dizaine d’années. « Je suis là, ça fait 14 ans. J’étais d’abord avec mes parents, puis je suis venue habiter ici. La maison que vous voyez, soutient-elle en l’indexant, nous l’avons construite il y a au moins 7 ans ». Quoi qu’il en soit, elle devra patienter, le temps qu’on finisse avec ceux qui sont recensés. « Nous avons plus de 53 000 personnes recensées pour 18 000 parcelles. Comprenez que ce n’est pas facile. Donc, nous voulons finir avec les résidants réels qui sont dans des situations régulières et s’il y a des parcelles qui restent, nous allons les attribuer aux nouvelles constructions habitées », a laissé entendre le conseiller Tapsoba.

Sur le terrain, c’est simple : l’équipe arrive sur la zone et, en fonction du lot, elle commence les répartitions. Quatre personnes se promènent avec des piquets qu’ils placent sur les bornes. Les propriétaires des maisons qui se trouvent dans la parcelle sont convoqués sur place avec leurs papiers. Les résidants réels (RR) sont priorisés. On passe alors aux confrontations.

C’est au plus ancien résidant que revient la parcelle. Bara Fatimata, Kaboré Kadiatou ont toutes deux bénéficié de parcelles. « Aujourd’hui, c’est la fête. J’attendais ce moment depuis longtemps », souligne Bara Fatimata, les yeux embués de larmes de joie. Sur place, les heureux gagnants appellent leurs familles pour leur donner la bonne nouvelle. D’autres préfèrent jubiler avec les voisins.

Mais si chez certains on jubile parce qu’on a eu sa parcelle, chez d’autres on est invité à patienter et attendre une autre fois. Traoré Soumaïla a été confronté quatre fois à ses voisins sans résultat positif. Il est toujours sorti perdant et doit attendre la fin de l’opération pour se voir attribuer une parcelle. C’est ça la règle du jeu. Il reste à espérer que l’attente ne soit pas longue. Car si elle devait durer, c’est sûr que les personnes non bénéficiaires de parcelles se verront obligées de se déplacer vers un autre lieu pour former une autre zone non lotie. Et c’est encore reparti pour d’autres angoisses.

Christian Koné
Christophe Tougri
(stagiaires)

L’Observateur Paalga

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